Impunité policière et valse des non-lieux dans la mort de Gaye Camara, abattu par la police le 16 janvier 2018

Le 16 janvier 2018, peu avant minuit, trois flics de la BAC ont ouvert le feu sur un jeune de 26 ans.
Retour sur les événements de cette exécution sommaire d’un jeune de banlieue par des flics surs de leur impunité.
Un article de Désarmons-les !

Gaye avait 26 ans.

Peu avant minuit le 16 janvier 2018, une équipe de la BAC en planque dans une voiture banalisée surveille une Mercedes signalée comme volée et stationnée dans l’impasse du Baron-Saillard à Épinay-sur-Seine, lorsqu’une Volkswagen Polo s’arrête à sa hauteur. Elle est occupée par trois personnes. L’une d’elles descend du véhicule et s’apprête à prendre le volant de la Mercedes, quand les trois agents de la BAC surgissent pour l’interpeller.
La Volkswagen redémarre, mais les trois agents de la BAC ouvrent le feu simultanément et tirent huit balles, dont l’une touche le conducteur, Gaye, à la tête.

Évacué vers l’hôpital, Gaye est suspendu entre la vie et la mort, jusqu’à son décès le 19 janvier. Ses deux amis sont placés en garde à vue. Gaye est d’abord amené sous X à l’hôpital, alors que les policiers avaient en leur possession les moyens pour l’identifier. La famille ne sera donc prévenue que onze heures plus tard.

Les policiers prétendent que Gaye aurait tenté de leur foncer dessus. La version des témoins est tout autre, selon le frère de Gaye « Son petit-cousin explique bien que Gaye a voulu partir, en aucun cas il n’a voulu foncer sur les forces de l’ordre. Il a fait marche arrière, car il y avait un passage pour qu’il puisse passer. Et les 4 policiers ont tiré ! Un en face de la voiture et les 3 autres ont canardé par-derrière. C’est une pure exécution. » L’ami de Gaye, présent dans la voiture côté passager, affirme lui aussi que les agents n’étaient pas sur la trajectoire du véhicule.

Une double enquête est confiée à la Sûreté départementale pour « recel de vol, refus d’obtempérer et tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique ».

Un autre souci : il semblerait que Gaye n’était pas présent sur le territoire français lors du vol de la voiture (samedi 13 décembre), celui-ci n’étant rentré de son séjour que deux jours après (lundi 15 décembre), pour finalement perdre la vie le lendemain (mardi 16 décembre).

L’IGPN est saisie également. Les policiers ne sont pas placés en garde à vue, le parquet estimant que leurs premières déclarations concordent et accréditent la légitime défense.

La famille, quant à elle, s’est constituée partie civile, et a déposé plainte pour homicide volontaire et dénonce une volonté de faire traîner l’affaire. Il aura fallu quatre mois pour qu’un juge d’instruction soit désigné et, treize mois après l’assassinat de Gaye, seuls deux témoins avaient été entendus, la famille n’avait toujours pas été reçue et les policiers toujours pas interrogés.

C’est donc encore une fois le motif de légitime défense qui servira à la juge pour prononcer un non-lieu le 26 octobre 2019.

Pour dénoncer cette injustice, le collectif Vérité et justice pour Gaye a organisé un rassemblement le 2 novembre 2019 devant le commissariat d’Épinay-sur-Seine, qui a réuni plusieurs collectifs et environ 200 personnes.

Huit balles tirées sur un véhicule qui n’était pas une menace, huit balles tirées en pleine tête sur une personne non armée. Une vie arrachée, celle d’un jeune homme noir issu d’un quartier populaire. La manière dont Gaye a été tué laisse davantage penser à une exécution sommaire qu’à une réaction proportionnée en situation de légitime défense. Il n’y a pas de doute que la situation et l’origine sociale des personnes dans la voiture de Gaye aient induit une série de réflexes paranoïaques de la part de policiers baignés au quotidien dans une atmosphère de racisme et de suspicion…

Trois agents de la BAC se sont sentis, ce soir-là à Épinay-sur-Seine, libres de décider du droit de vie ou de mort sur la personne de Gaye, avant de s’accorder sur leurs versions afin de plaider la légitime défense. Conscients que l’IGPN conclura dans leur sens et qu’un non-lieu sera prononcé en leur faveur : ils connaissent l’étendue du système d’impunité dont ils disposent. C’est à cela que ressemblent la vérité et la justice dans la quasi-totalité des cas de meurtres et de violences commis par des policiers. Et les premières victimes de cette « barbarie » ont toujours été et demeurent les habitant·e·s des quartiers populaires.

« Ce qui est arrivé à Gaye Camara ça aurait pu arriver à n’importe quel jeune d’Épinay-sur-Seine, donc ce combat-là que nous menons nous le menons pour tous. Nous ne le menons pas que pour un collectif, ça doit être le combat de tous les quartiers populaires (…) Nous si on se bat aujourd’hui, on ne se bat pas que pour une couleur, on ne se bat que pour une religion, on se bat pour préserver la vie humaine, nos vies et nos vies elles valent quelque chose et on va le prouver à cette France entière que nos vies valent quelque chose »

Encore une fois, les médias mainstream se prêtent au jeu de l’État, criminalisant systématiquement et à outrance les habitant·e·s des quartiers. Ce jeu médiatique, ancré dans l’inconscient collectif, facilite les versions policières, qui criminalisent toujours les victimes afin de tenter de se dédouaner d’actes violents et inacceptables et de plaider une réponse proportionnée et légitime. Cependant, avec la crise des Gilets jaunes, la violence policière intentionnelle a éclaté au grand jour et peu de personnes restent dupes.

Reste à savoir si cette prise de conscience servira à ce que les violences diminuent ou confortera au contraire les policiers dans un sentiment de défiance et d’animosité envers tout le monde, favorisant par effet de rebond la perpétration de ces violences…

Note

Crédit photo : collectif Vérité et justice pour Gaye. Photo prise lors du rassemblement le 2 novembre 2019

Localisation : Épinay-sur-Seine

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