Flics et Campus Condorcet main dans la main pour réprimer les occupant·es

Les personnes arrêtées à la suite de l’occupation d’une salle de l’EHESS le lundi 23 janvier ont été soumises pendant leur garde à vue à des humiliations et des violences constantes. Plusieurs coupables : la police (évidemment) mais aussi les directions de l’EHESS et du Campus universitaire Condorcet.

Le lundi 23 janvier à 20h20, alors qu’une salle du Campus Condorcet était investie depuis quelques dizaines de minutes par une vingtaine de jeunes qui se débrouillent avec leurs études, leurs emplois précaires et leurs bourses et qui souhaitent contribuer à la contestation sociale partout en ébullition, des flics pénètrent les lieux. La violence peut alors débuter. Entendre en entrant dans le commissariat, crié par un flic qui s’approche, « On va vous montrer ce que c’est l’extrême droite ! » : cela donne le ton, tant sur la forme que sur le fond. De l’arrestation jusqu’au lendemain dans la soirée, les flics ne cessent de refuser nos demandes les plus basiques, garanties par la loi : aller aux toilettes, boire de l’eau, consulter un médecin. Surtout, la brutalité est constante : il y a d’abord la violence initiale et fondatrice de l’entrée d’une vingtaine de flics, lbd et fusils en mains, qui pointent leurs armes sur nous, lui qui joue avec sa grenade et l’autre qui sort sa gazeuse dès qu’il s’approche, celle des flics qui enfreignent sciemment la loi en nous prenant en photo et en nous démasquant violemment, les violences physiques sur plusieurs personnes dans le bâtiment du campus puis au commissariat (certaines blessures nécessitant d’aller à l’hôpital), les provocations permanentes, les insultes, les hurlements, les menaces de mort, le fait d’entasser seize personnes dans une pièce dont la surface n’excède pas quatre mètres carrés, le fait de venir claquer une par une les portes des cellules pour nous empêcher de pouvoir dormir ou encore le matériel cassé qu’on récupère à la sortie, celui auquel on tient ou qui nous permet d’étudier. Il y a deux désorganisations dans la police. La première relève du fonctionnement normal d’une administration, l’information circule mal, les procédures sont longues. La seconde est voulue, elle s’appuie sur la première pour en démultiplier les effets. C’est le cas lorsque les flics donnent volontairement des informations contradictoires (lui : vous allez pouvoir manger, l’autre : vous n’aurez rien), des promesses non-tenues (elle : oui on appellera ton employeur, lui : vous allez pouvoir rester ensemble en cellule, on ne vous séparera pas). La police n’est qu’arbitraire, à l’image du pouvoir qui la fonde et qu’elle garantit : tous ces comportements ne témoignent aucunement d’une dysfonction de l’institution policière, au contraire nous pouvons dire qu’elle fonctionne très bien au vu de ce qui est attendu d’elle. La violence d’État se trame dans ces micro-gestes qui sont autorisés par une politique générale fondée sur le contrôle, la domination et l’oppression autant qu’ils contribuent à la maintenir.

À la rigueur, que les flics soient des flics, si cela nous dégoûte et nous révolte, nous le savons. Cependant, que, lors d’une ag organisée par nos camarades, les présidents du Campus Condorcet et de l’EHESS passent plusieurs heures à mentir sans honte à plusieurs centaines d’étudiant·es venu·es leur demander des comptes, voilà ce dont nous devons tirer des conséquences, claires et certaines. Il ne faut pas se limiter à la dénonciation et à la publicisation (nécessaires) de l’abject comportement policier ; il faut d’abord et avant tout se demander ce qui l’a permis, ce qui l’a voulu et l’a encouragé. Comment se fait-il que, vingt minutes après sa fermeture, autant de flics déboulent si rapidement si lourdement armés dans une salle où se trouvent moins de trente jeunes qui rédigent des tracts et s’affairent pour cuisiner ? L’administration dit n’avoir rien demandé, rien su. Nous avons pourtant vu et entendu l’un des leurs, qui était sur place lors de l’intervention de la police, venir féliciter la hiérarchie pour la rapidité et l’efficacité de ses troupes et la remercier de nombreuses fois, avec un échange de sourires et de poignées de main sincères. Police et administration ne peuvent être séparées : nous ne pouvons nous limiter à l’exigence du départ des flics des lieux. Ce qu’il s’est passé mardi soir, c’est ce qui est inscrit dans les structures mêmes du Campus Condorcet. Nous affirmons depuis longtemps que ce lieu, après avoir dégagé les personnes pauvres et racisées qui y vivaient, a pour objectif premier d’être vide : vide d’étudiant·es, qui ne doivent que passer sans s’arrêter, vide de joie et de rires, qui sont bannis au milieu de cette enceinte froide et hostile, vide de politique, qui est honnie et combattue dès qu’elle prend forme. ACAB, c’est certain et ça le restera ; ADAB (AllDirectionsAreBastards : c’est moche mais c’est vrai), ça devient une évidence. Mais, là non-plus, il ne suffit pas de dénoncer le partenariat public-privé sur lequel se fonde le Campus ; cette dénonciation relève en vérité d’une fétichisation de l’État, supposément détaché des méchants intérêts privés et œuvrant à notre intérêt collectif. Le 3 mai 1968, les flics interviennent violemment dans une université publique pour déloger une ag étudiante et évacuer les lieux. C’est pourquoi, cinquante ans après, Pierre-Paul Zalio est le nouveau Jean Roche, le recteur de la Sorbonne qui avait appelé les forces de l’ordre à intervenir à l’intérieur-même de l’établissement universitaire pour en empêcher la vie. Réservons-lui le même sort : les étudiant·es et les autres doivent le haïr et le combattre avec une énergie et une détermination égales (ou mieux : supérieures) à celles qu’il met à nous pourrir la vie et à appeler les flics pour venir réprimer l’occupation d’une salle. Le rapport de force est là et il est clair : d’un côté, eux, de l’autre, nous (nous désigne : les étudiant·es en galère, économiquement, socialement et scolairement, et qui ne veulent ni de la réforme des retraites, ni de la police sur le campus, ni du monde que tout cela suppose ; les personnels précaires qui se font exploiter par leurs petits chefs et, derrière, les grands chefs de l’administration, du CROUS et des boites privées qui les emploient ; les profs qui ne veulent pas participer à cet arbitraire, celleux qui viennent ou qui viendront en ag, celleux qui vont chercher la direction dans ses bureaux pour la ramener à l’ag en bas). Le rapport de force est là et ne demande qu’à être intensifié. Faisons le nécessaire.

Une personne gardée à vue à cette occasion, pleine de haines et d’espoirs

Localisation : Aubervilliers

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