Publié par “friedelz” [1]
Les temps sont durs, et ce, pas seulement depuis le Corona. La fascisation de la société continue. Parallèlement à cela, le danger lié au socialisme et la haine contre tout ce qui est « d’extrême gauche » sont relatés en boucle. [2] La « théorie du fer à cheval » [3] est extrêmement populaire. Sous couvert de théories totalitaires et loin de tout état de fait, on voit grandir un discours mettant constamment sur un pied d’égalité les deux extrêmes prétendument égaux et les opposant à un « centre » bourgeois à moitié halluciné. Cette mise à égalité libérale-bourgeoise du socialisme et du fascisme a une certaine tradition en Allemagne, tout comme la collaboration de ce « centre » bourgeois avec le fascisme pour réagir avec lui contre le socialisme, ou contre tout ce qu’ils perçoivent comme un danger socialiste. C’est également le cas avec leur antiféminisme, un autre point sur lequel se retrouvent le « centre bourgeois-conservateur » et les fascistes et qui vise à maintenir les idées conservatrices de l’ordre établi tout en maintenant l’ordre binaire des sexes et en tentant de faire reculer les acquis des mouvements féministes.
Des attentats terroristes fascistes à Hanau et Halle, des réseaux d’extrême droite qui s’organisent et s’arment, des fascistes armés au sein de l’appareil d’État qui se préparent à une guerre civile, les implications des services secrets et de l’État dans le NSU [4] gardées sous clé... On pourrait facilement rallonger la liste. Le danger fasciste est bien réel.
On ajoutera également à cela la politique étrangère de l’UE basée sur le repli sur soi. Depuis que l’accord avec le régime d’Erdogan a délégué le sale boulot en Turquie ou en Libye au cours des dernières années, les réfugié·e·s sont livré·e·s aux milices armées de la police des frontières, à Frontex et aux assistants fascistes aux frontières extérieures de l’Europe. L’Allemagne joue la carte de la terreur par divers moyens, que ce soit l’isolation, la violence psychologique ou physique ou les expulsions. Elle le fait aussi bien au nom de l’UE sur les îles grecques de la Méditerranée, mais aussi sur son territoire avec son système de camps pour les migrant·e·s. Des appels à respecter les Droits de l’Homme, lancés par exemple par le mouvement "indivisibles" [5] , sont restés vains. Les dirigeants s’en moquent.
Les élections en Thuringe et la soi-disante rupture de digue qui y est associée [6], ainsi que les dures réactions du lobby de l’immobilier, de la classe politique libérale-conservatrice et de la presse à scandales de Springer contre le gel des loyers à Berlin [7] ont une fois de plus montré que la classe dirigeante de la RFA a plus peur de tout ce qui a trait à « l’extrême gauche » que du fascisme.
Mais ce que nous voulons, nous, contrairement aux partis dits « de gauche », c’est abolir la propriété privée des moyens de production ainsi que toute classe dirigeante ; en clair nous voulons ébranler les fondements de l’ordre bourgeois. Car l’ordre dominant n’est pas un statu quo démocratique qui doit être défendu contre tous les dangers fascistes à venir, mais au contraire il est lui-même la condition primaire de ces catastrophes imminentes.
Nous vivons une période de crise, aggravée par la pandémie mondiale. Alors que d’un côté des richesses incroyables s’accumulent, de l’autre de plus en plus de personnes basculent dans des conditions de vie précaires. La stagnation des salaires réels et la détérioration des conditions de travail ont provoqué des inégalités sociales pareilles à celles qui régnaient cent ans avant le coronavirus. Le capitalisme rend la crise du Corona existentielle pour la plupart d’entre nous. Les inégalités sociales et économiques sont plus visibles que jamais. Alors que des millions de salarié·e·s travaillent à mi-temps et doivent renoncer à une grande partie de leur revenu, des milliards sont gaspillés pour sauver les grandes entreprises.
En même temps, la « folie des loyers » [8] capitaliste, cette machine qui profite aux propriétaires de nos logements et de nos lieux de vie, croît. Alors que les propriétaires immobiliers réalisent d’énormes profits, une grande partie de la population doit faire face à une détérioration de ses conditions de vie en raison de la hausse drastique des loyers. Pour aggraver les choses, les loyers, au bénéfice des propriétaires, ont continué à s’accumuler pendant la pandémie, alors qu’une grande partie des locataires·trices ont perdu leurs revenus. Conséquences : endettement, détérioration des conditions de vie et en dernière instance, expulsions à l’aide des matraques de la police. La néolibéralisation de l’économie, la privatisation des services publics et la réduction progressive des prestations sociales témoignent de la réussite d’une lutte de classes venant d’en-haut, d’une expropriation permanente de nos moyens de subsistance. Et cela va empirer suite à la crise. Il faut s’attendre à des attaques sans précédents contre nos conditions de vie et de travail, lorsqu’il sera question de répercuter les coûts de la sauvegarde du système économique capitaliste à nos dépens.
Les divagations permanentes sur l’extrémisme de gauche et sur la violence d’extrême gauche cachent la violence immanente et continuelle du pouvoir dirigeant. Pour cette même raison, ne laissons pas l’éventail des médias nationaux ni les politiques nous prescrire nos moyens de lutte.
L’État, sous la forme de ses forces policières, exerce un contrôle répressif quasiment parfait des manifestations. Puisque nous nous considérons comme faisant partie d’un mouvement politique qui veut vaincre l’État capitaliste bourgeois, nous ne pouvons pas nous laisser surprendre par les attaques des institutions qui sont là pour nous combattre. Cependant, nous devons enfin trouver les moyens de contrer notre impuissance.
Car :
En ces temps difficiles, alors que la gauche radicale est marginalisée et en position de faiblesse, une ribambelle d’espaces et de projets émancipateurs et autonomes sont en danger. L’enjeu ici n’est rien moins que de conserver un ensemble de lieux où se créent des liens, où l’on s’organise et où des mouvements de gauche radicale se rassemblement pour lutter contre toute cette merde générale.
Tous ces projets sont l’image d’un avenir, un avenir où l’on ne joue pas des coudes, où l’on ne court pas après la plus-value, où ce qui compte ce n’est pas la survie du plus fort ni l’exclusion des plus faibles. Tous ces projets étaient et sont des lieux de solidarité, de convivialité non commerciale, résistants et autonomes. Beaucoup de ces endroits doivent faire face à la menace planante de leur disparition imminente.
Il n’y a pas que le « Syndikat » [9] qui est gravement menacé : dans tous les coins de Berlin des projets d’habitations, des maisons des jeunes, des modes de vie alternatifs et d’autres bars collectifs sont au bord du gouffre. Chaque jour, des locataires·trices sont expulsé·e·s de leurs appartements ou contraint·e·s de déménager.
Le squat anarcho-féministe « Liebig34 », y compris son espace événementiel et son point d’informations, est menacé de disparaître après 30 ans d’existence. Le centre de jeunesse « Potse » squatte ses propres locaux depuis le début de l’année dernière en s’opposant à son expulsion ; ici, près de 40 ans de travail auprès des jeunes autogéré et non commercial risquent de disparaître dans l’incertitude. Le bar collectif « Meuterei », un lieu d’accueil important dans un Kreuzberg de plus en plus modernisé, devrait être supprimé après plus de 10 ans de vie. Le squat « Rigaer94 » est sous les feux constants de ses propriétaires douteux et de la police berlinoise. [10]
Tant que nous vivrons dans une société qui suit la logique de valorisation du capital et que le logement est utilisé comme une marchandise afin de générer du profit, la roue de la gentrification continuera à tourner dans la ville. Les modernisations, la répression et les expulsions transforment nos quartiers vivants en des lieux morts, aliénés et hostiles. Aujourd’hui, cette ville futuriste des riches dont nous ne voulons pas existe déjà à Potsdamer Platz. Notre lutte actuelle commune doit également se porter à l’encontre des rapports à la propriété en vigueur et viser à construire une gestion en assemblées populaires des espaces de vie et des moyens de production afin que nos besoins primaires et l’accès au logement ne servent plus le grand jeu de la valeur marchande.
Le temps presse, nos moyens semblent limités. L’expulsion du « Syndikat » va marquer le coup d’envoi de toute une série d’expulsions à Berlin. Par conséquent, nous appelons tous ceux et celles qui ne veulent pas se résigner aux conditions en vigueur à se rassembler lors d’une manifestation de ras-le-bol décisive le 1er août 2020 à 20h, le samedi précédant l’expulsion prévue du « Syndikat ». Venez de partout – organisé.e.s et préparé.e.s - à la manifestation, formez des groupes pour vous soutenir, apportez vos banderoles, prêtez attention aux annonces. La manif sera ce que nous en ferons ensemble. Il n’y a pas de plan directeur prévu, mais il est temps d’essayer de nouvelles choses ou de remettre en pratique les techniques éprouvées. Une chose est certaine, il n’est pas question pour nous de faire une fois de plus, l’expérience de notre impuissance, comme cela a été le cas lors de manifestations passées, qui se sont déroulées dans les « étaux mobiles de la police » [11].
Sabotons les conditions qui règnent ! Pour la ville d’en bas ! Nous resterons tou·te·s !