10 avril. Jour de mémoire, au Mexique, de l’assassinat d’Emiliano Zapata, héros de la Révolution mexicaine et de la récupération collective des terres [1].
Lundi matin, nous sommes beaucoup à nous être réveillé avec cette nouvelle nouvelle de merde : 2500 robocops en bleu marine déployés sur la ZAD durant la nuit et pour plusieurs jours encore. Comme le note le communiqué émis alors par le mouvement, « le gouvernement ne pouvait pas simplement admettre que le projet d’aéroport était inutile, il fallait absolument qu’il se venge de ceux qui l’avaient forcé à cet abandon ».
Une situation qui, pour celles et ceux qui ont partagé les luttes sociales mexicaines, résonne étrangement avec la terrible répression qui s’était abattue les 3 et 4 mai 2006 contre le village d’Atenco [2], quelques années seulement après avoir remporté une victoire magistrale contre un gigantesque projet d’aéroport. Celui-ci devait exproprier les habitants des villages de cette région encore semi-rurale, située au nord-est de l’immense agglomération de Mexico, de plusieurs milliers d’hectares de terres administrées de manière collective dans le cadre des assemblées des ejidos [3]. La longue lutte d’Atenco, jugée au départ impossible, était devenue un symbole de résistance face à l’imposition des méga-projets industriels au Mexique et dans toute l’Amérique latine.
Le 10 février dernier, justement, durant les manifestations et la fête de victoire de la ZAD contre le projet d’aéroport, Trinidad Ramirez, l’une des principales porte-parole du Front des Villages en Défense de la Terre d’Atenco, était présente à Notre-Dame-des-Landes pour féliciter le mouvement de sa victoire. Mais aussi, surtout, avertir des suites : près de 15 ans après leur victoire de 2002, là-bas, le projet de construction d’un aéroport a de nouveau été réactivé, sous un vernis plus « écologique », avec le soutien des grands bailleurs de fond internationaux [4]. Il a, dès lors, fallu réenclencher la lutte à Atenco, dans une atmosphère de peur au vu des traumatismes subis en 2006, et dans un contexte social et économique bien plus difficile aujourd’hui.
« Ne vous démobilisez pas ! Parce que l’ennemi pense déjà à une autre stratégie pour voir maintenant comment occuper les terres que vous, vous avez déjà gagnez. A voir comment il va s’y prendre... », avertissait urgemment Trini le 10 février dernier.
Lire le Reportage du média alternatif dijonnais Disjoncter sur cette tournée d’Atenco à la ZAD.
Aujourd’hui, on voit avec rage comment l’État s’y prend pour écraser toute tentative de construction d’autres façons de vivre, d’autres espaces qui échapperaient à sa main-mise, d’autres cadres de vie. Démoraliser, instiller la peur et l’apathie sociale... Au Mexique, comme en France aujourd’hui, la répression a toujours fonctionné sur ces mécanismes d’inhibition de la lutte. Malgré cela, l’importance de la solidarité mexicaine et internationale avait permis, à Atenco, d’obtenir la libération des prisonniers de la répression, dont les peines s’élevaient jusqu’à 112 ans de prison. Et, malgré les déploiements militaires, les meurtres des groupes paramilitaires et tous les programmes de contre-insurrection, vingt-cinq ans après leur soulèvement de 1994, au Chiapas, la contruction de l’autonomie dans les zones zapatistes n’a jamais pu être freinée, malgré un rapport de force totalement asymétrique. Quel que soit l’ampleur de la répression, la solidarité reste une arme imparable.
« Notre lutte n’est pas plus simple que la vôtre, mais nous sommes convaincus que nous sommes sur le bon chemin, comme vous aujourd’hui, qui suite à cette victoire que vous avez obtenu, êtes confrontés à un nouveau défi. Nous savons d’avance que les victoires ne peuvent pas être décrétées. Non. La victoire de ce qui est juste face à ce qui est injuste est une construction de leçons et de dignités capables de se reconstituer à chaque coup, devant chaque adversité », expliquent Atenco dans une lettre de solidarité avec la ZAD. « A Atenco, à chaque acte de lutte que nous entreprendrons, nous vous nommerons, vous serez présents, nous vous évoquerons, parce que l’amour que vous défendez est le nôtre aussi, et là les distances et les langues n’ont pas d’importance ».
« La lutte que vous incarnez est un référent important. Nous embrassons, admirons et respectons votre courage, votre dignité et votre rébellion, car nous savons que vous résistez et luttez contre la spoliation et la destruction de la vie et de nos territoires », ajoute pour sa part Xochicuautla. « Depuis là où nous sommes nous allons continuer à lutter à vos côtés, votre territoire est toujours une zone à défendre ».
Au Mexique, en Palestine et dans bien d’autres parties du monde, l’émotion provoquée par l’attaque de la ZAD est grande au sein des luttes.
Mais, pour être effective et permettre d’inverser l’actuel rapport de force du gouvernement, c’est dans toute la France, et au sein de tout le mouvement social, que doivent se multiplier les marques, les témoignages et les initiatives concrètes de solidarité.
Ils ne sont que 3000. Rendons visibles, conjuguons et démultiplions nos forces..!
Plus d’informations sur la lutte d’Atenco sur le site du CSPCL.