Cet article nous a été envoyé par un camarade des Balkans. C’est une critique de la célèbre “théorie du fer à cheval”, cette idée fausse et pernicieuse qui veut que “les extrêmes se rejoignent”, établissant une équivalence entre extrême gauche et extrême droite. Cette doctrine est très populaire non seulement chez les politiciens occidentaux, ses créateurs, mais aussi chez les oligarques de la technologie dont le pouvoir et la fortune atteignent aujourd’hui des sommets. Sans surprise, IGD Worldwide a été suspendu puis banni trois fois de Facebook avant même d’avoir publié le moindre article.
La rengaine médiatique, ces temps derniers, nous serine que le monde est plus divisé que jamais. Parmi les habitués des plateaux télé, nombreux sont ceux qui suggèrent qu’il faudrait trouver un compromis – s’entend, un compromis entre liberté totale et fascisme total. Quel genre de compromis peut-on trouver entre opresseurs et opprimés ? C’est un peu comme si on suggérait de résoudre le racket à l’école en disant aux élèves les plus faibles de donner volontairement la moitié de leur argent de poche à leurs agresseurs.
L’année dernière, Facebook a aidé les politiciens occidentaux à perpétuer cette faute politique déjà dangereuse, qui met sur le même plan toute parole jugée “radicale” :
“Les groupes Facebook supprimés par la plate-forme comptaient aussi bien des collectifs consacrés à la suprématie blanche portant des discours génocidaires, qui constituent une réelle menace pour les communautés Noires, indigènes et les autres personnes racisées, que des pages d’information, d’organisation et d’actualité antifascistes et anti-capitalistes. Ces actions s’inscrivent dans un discours bien établi par l’administration Trump (et repris sans critique par la majorité des média *mainstream*) qui met sur le même plan des groupes racistes et fascistes bien organisés et les groupes antifascistes qui les combattent.
— The Intercept”
Pendant des années, le FBI a considéré le Earth Liberation Front et le Animal Liberation Front comme les groupes terroristes les plus dangereux opérant sur le sol américain. Ces collectifs informels et décentralisés, opérant de manière clandestine, n’ont jamais attaqué physiquement qui que ce soit ; cette approche non-violente a toujours fait partie de leurs principes directeurs.
Cette classification des menaces a été mise en place neuf ans après que Timothy McVeigh, influencé notamment par la lecture des Turner Diaries, a provoqué la mort de 168 personnes lors de l’attentat d’Oklahoma City. Les États-Unis ont investi des millions, sinon des milliards de dollars pour traquer et terroriser des groupes de défenseurs de l’environnement, des militants pour les droits des Noirs, des anarchistes et d’autres mouvements luttant pour la liberté et contre toutes les oppressions.
Aujourd’hui, après la marche “Unite the Right” à Charlottesville en 2017 puis l’attaque contre le Capitole à Washington le 6 janver dernier, il semblerait que le FBI ait enfin décidé de prêter attention aux groupes d’extrême droite. Mais il est toujours extrêmement clair que même lorsqu’une politique “anti-extrémistes” est mise en place, elle prend pour cible en priorité les groupes de gauche et les anarchistes. On pourra par exemple comparer les décisions de justice contre les militants d’extrême droite avec le sort des personnes arrêtées lors des manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd à l’été 2020.
Mais peu d’incidents ont capturé cette dynamique de manière aussi claire que les déclarations de Trump à la télévision après le meurtre de Heather Heyer par un néo-nazi à Charlottesville (Virginie), selon lesquels “il y avait des gens très bien des deux côtés de la manifestation”. Ces propos ont choqué certaines personnes pourtant convaincues par le sophisme de la “théorie du fer à cheval”, tant aux USA qu’à l’étranger, mais ils en sont en fait la suite logique : toutes les expressions politiques qui sortent des normes établies par le système en place sont traitées comme identiques, quel qu’en soit le contenu.
Un autre exemple récent est la récente désignation par l’état d’Israël de six ONG comme des organisations terroristes. La logique de “l’anti-extrémisme” est si pratique pour le pouvoir en place qu’elle est appliquée jusqu’à l’absurde.
Nous voulons ici nous attarder sur un exemple européen : le récent procès d’Aube Dorée en Grèce, conduit par le gouvernement supposément modéré de la “Nouvelle Démocratie” dirigé par le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis.
Après cinq ans de procédure, ce groupe néo-nazi qui avait obtenu des sièges aux parlements grecs et européens a finalement été désigné comme une organisation criminelle.