La France va mal. Ça fait un petit bout de temps qu’elle va mal. Avant, j’observais de façon passive cet enfoncement progressif dans la médiocrité. Mais là, je sais pas, avec l’état d’urgence, la déchéance de nationalité, une vieille de 72 piges qui se fait agresser par les flics, quelque chose a changé, j’ai eu modestement envie de l’ouvrir.
Et puis il y a cette daube de loi sur le travail qu’on s’apprête à déverser sur nos têtes. Qui est prêt pour davantage d’aliénation et d’épuisement dans sa vie quotidienne ?
S’il me restait une fierté d’être français, c’était le fait d’être un des rares pays à avoir un putain de système social de bâtard. Du moins, en théorie, car beaucoup de patrons se torchent déjà le cul avec le code du travail. Mais du coup tout ça va devenir légal.
Si je comprends bien, tout le monde va devoir bosser comme un cadre, sans la paye d’un cadre. Remarque c’est déjà ce qui se passait quand je bossais comme « chef de projet » dans un agence web. Donc ce sera généralisé pour tous, cool non ?
C’est ça qui vous attends les jeunes. Quitte à faire mon vieux con, il y a dix ans de cela, le gouvernement avait déjà essayé de s’attaquer au code du travail avec nouveau contrat bien pourri, le CPE. En gros cela permettait au patron de vous virer si l’envie lui prenait pendant une période de deux ans.
À l’époque, j’avais bloqué mon lycée pour protester, comme des milliers d’autres l’avaient fait. À ce jour, c’est le dernier mouvement social de grande ampleur en France a avoir vaincu un gouvernement.
L’expérience m’a tellement marqué que j’en ai tiré un roman : BLOCUS TOTAL.
À l’époque, il n’y avait pas encore eu l’explosion des réseaux sociaux, et nous étions beaucoup moins informés qu’avant. Cela n’a pas empêché le mouvement de prendre et de se répandre.
Maintenant, j’ai l’impression que tout le monde est bien plus informé, bien plus vénère et manie mieux la rhétorique contestataire qu’avant, mais que rien ne se passe. J’ai l’impression que cette surinformation a neutralisé tout envie d’agir concrétement.
Comme si partager un article sur Facebook allait remplacer le fait d’aller gueuler dans la rue.
La vidéo de mamie platane va probablement atteindre les 8 millions de vues, mais vous croyez que ça va changer quelque chose à l’état d’urgence ? Les gens vont s’offusquer deux minutes puis continuer à scroller et cliquer sur un article Topito.
Le gouvernement est tranquille.
Quel est l’intérêt d’avoir aiguisé son esprit critique, d’avoir déconstruit la propagande médiatique, de s’être dit prêt à en découdre avec les flics si c’est pour aller signer une pétition ?
Je suis sûr que beaucoup, à plusieurs reprises, se sont demandés ce qu’ils pouvaient bien faire en plus du clicodrôme. Ils ont regardé autour d’eux, et n’ont rien vu, donc ils attendent encore qu’on vienne les chercher pour l’hypothétique Gros Mouvement Social de leur Génération.
N’attendez pas que les syndicats bougent le petit doigt pour faire quelque chose. Apparemment, ils ont du mal à se remettre de la défaite sur les retraites en 2010. De plus, certains d’entre eux entretiennent des relations malsaines avec le Parti Socialiste, et se retrouvent castrés dans leur puissance d’agir.
N’attendez personne. Comptez sur vous. Il y a moyen d’agir tout de suite et efficacement en bloquant vos facs et vos lycées.
C’est pas compliqué et il n’y a pas besoin d’être nombreux. Un petit groupe de 4 ou 5 suffit. Pointez-vous très tôt dans votre établissement, et utilisez ce que vous avez sous la main (bancs, chaises, tables, cadenas...) pour bloquer les entrées. Prenez un drap pourri qui traîne chez vos parents, un marqueur, et faite une banderole. BLAM ! Vous avez un blocus.
Le blocus a un effet très pratique : celui de mettre dans la rue des gens qui n’étaient pas censés y être.
Alors peut-être que les manifestations vous paraissent ringardes et inefficaces, mais je vous assure plusieurs millions de personnes qui descendent dans la rue à plusieurs reprises, comme c’était le cas lors du CPE, ça a son efficacité. Et quand plus de trois millions de personnes sont descendus dans la rue après les attentats de Charlie Hebdo, le gouvernement n’a pas manqué de le remarquer (pour tout récupérer en rase-mottes bien sûr).
Vous allez voir, même si vous vous sentez un peu seul au début, vous n’allez pas tarder à attirer du monde dans vos rangs. Le pire qu’on pourra vous dire c’est « Vous n’avez pas le droit ! », mais vous serez étonné du nombre de personne qui n’ose pas franchir une barrière une fois qu’on l’a mise devant eux.
Et n’oubliez pas de contacter tous les journalistes locaux au préalable. Les barricades ça passe bien en photo et à la télé. Et ça pourrait donner des idées à d’autres.
Car beaucoup de personnes attendent juste que quelqu’un prenne l’initiative. Il suffit d’une poignée qui tracent une ligne dans le sable. Ça a commencé comme ça pour le CPE. Et je rappelle qu’il n’y avait pas Facebook pour communiquer, pas de smartphone pour filmer. L’information circulait moins rapidement. La crise était devant nous, la jeunesse n’était pas aussi désabusée, le FN ne faisait pas 30% aux élections. Bref, il y avait beaucoup moins de raisons de se révolter que maintenant, et ça a pris quand même, alors pour quoi ça ne prendrait pas maintenant ?