Compte rendu manif 18 octobre DCPB : Le S.O pousse, la police désescalade.

| Défense Collective Paris - Banlieues

Un compte rendu pour ouvrir des discussions sur les stratégies de rue.


Ce compte-rendu n’a pas vocation à refléter l’entièreté ou la chronologie de la manif, mais cherche à revenir sur les tactiques de rue dans le but de continuer à développer ensemble notre défense face à la police. Comme tous les comptes rendus, il a été écrit d’un certain point de vue : celui de la défense collective comme pratique. Et se défendre ensemble, pour nous, ça commence dans la rue.

CONTEXTE :

Ce mardi 18 octobre, on a rejoint la manif appelée par les syndicats « pour la hausse des salaires » en ces temps d’inflation. Bien sûr, on a pris la rue pour beaucoup plus de raisons que ça. On sait que ce qui nous attend cette année c’est aussi la réforme du RSA, du chômage, des retraites, bref qu’il ne s’agit pas que des travailleur.euses salarié.es mais bien de tous.tes. Macron va continuer la dynamique de casse des acquis sociaux qu’il a commencée et certainement continuer d’ignorer avec mépris les mobilisations contestataires. Pendant ce temps les prix augmentent, on a de plus en plus de mal à payer nos factures, notre nourriture, notre loyer, à subvenir à nos besoins et avoir des loisirs, bref à vivre, tout simplement.
C’est aussi pourquoi, même si ça nous fait peur, on aime descendre dans la rue : on se sent moins seul.es dans ces conditions, on prend part à la manif avec toustes et on peut exprimer notre rage et la partager avec d’autres, casser l’isolement et la passivité qui caractérise nos vies quotidiennes, s’en prendre aux responsables de ce monde de merde et avoir quelques moments hors du temps.
On aimerait que la mobilisation déborde le cadre prévu par les syndicats : celui d’une petite marche parisienne au trajet planplan. Celui la petite grève bien sage, chapeautée de A à Z et qui ne laisse aucune place à l’inventivité. Et hop, ensuite chacun.e rentre chez soi, ferme la porte de son appartement quand il a la chance d’en avoir un, et continue sa petite routine de vie. On aimerait que ces manifs et ces appels à la grève se transforment en mouvement social créatif et combatif qui déborde sur le quotidien et marque une rupture avec l’ordre des choses : le quotidien de l’exploitation et de l’oppression. Grèves, manifs sauvages, auto-réductions, squat, assemblées locales, structures autonomes et auto-organisées... Ne demandons rien, prenons tout ! Rien à perdre, tout à prendre !

ANALYSE DE MANIF

Ce jour-là, le trajet c’était Place d’Italie-Invalides et on a plutôt kiffé la manif. On voulait partager quelques pistes de réflexion là-dessus, histoire de lancer des discussions sur les stratégies de rue :

« Le SO, dans l’caniveau ! »

Globalement, on a trouvé que les gens étaient motivés et, pour une deuxième manif de mobilisation sociale au rythme plutôt lent, c’était assez encourageant. Un cortège de tête s’est lentement constitué, mais était fourni. On pense que s’il a eu du mal à se constituer c’est pour trois raisons, mais qui sont toutes dues aux stratégies des syndicats :

1) Temporelle. Les syndicats ne s’éternisent plus sur la place de départ à beugler les slogans qu’on connaît par coeur avant de se mettre en marche. C’était déjà le cas de la manif du 29 septembre. Ils partent maintenant bien à l’heure, sans nous laisser le temps de nous retrouver, de changer de look si la météo nous en dit, ou de faire une petite session d’étirement largement bienvenue avant le marathon. Pour celleux qui veulent rejoindre l’avant de la manif dans une tenue adéquate, il faut donc arriver à la manif en avance.

2) Géographique. Fini l’avachissement syndical sur la place de départ ; les syndicats s’engagent directement sur le boulevard du début du trajet de la manif, s’étalant parfois sur des centaines et des centaines de mètres. Donc quand on veut retrouver nos camarades en tête, on doit remonter touuuuuuut le long de la manif au pas de course. Ce qui, en plus de nous fatiguer, nous retarde dans la constitution du cortège de tête. Arriver par la station de métro d’après peut être une solution.

3) La meilleure pour la fin : le SO qui pousse. Cette fois, on pouvait y voir des encartés CGT, FO, FSU. Quand on y pense, ça pourrait être chouette tous ces gros bras, repoussant la police, protégés de leurs casques tous neufs et leurs gants coqués reluisants, qui s’attrappent par les coudes et tiennent les rangs serrés. Quelle belle cohésion ! Quelle belle preuve de solidarité ! Ils pourraient presque nous être sympathiques s’ils étaient solidaires de tous.tes, ne nous empêchaient pas de nous tenir où nous le souhaitons dans la rue, ne nous malmenaient/frappaient/dénonçaient pas, ne proféraient pas de commentaire âgistes, sexistes ou autres à tout bout de champ. Ça pourrait être cool le SO, s’il ne servait pas la pacification de la manifestation à tout prix. S’ils ne nous forçaient pas à avancer alors que la police nous attaque et que nous sommes en train d’organiser la riposte. S’ils ne faisaient pas le tri entre les bon.nes manifestant.es calmes et les mauvais.ses manifestant.es rebelles. S’il n’agissait pas avec cette impeccable posture d’autorité paternaliste. Le problème, c’est que le SO, il ne repousse pas la police, c’est les autres manifestant.es qu’il écrase et traite comme des merdes qu’il écarte sur les trottoirs, scindant le cortège de tête en deux mini cortèges de trottoirs isolés. La solidarité dans la rue c’est joli, mais pas quand c’est macho, corporatiste et au détriment des autres. On aime la manif mobile, libre et hétérogène. Se tenir c’est chouette, mais pas quand on te tappe quand tu essaies de te joindre à la foule et que tu te retrouves face à un mur de mecs cis machos, qui te foutent la misère alors que t’arrives même pas à te désemberlificoter de leur corde de SO de merde. La principe du SO, en fait, finalement, il craint pas mal, il restera toujours le même, et leur orga ne sera jamais mise au profit de toustes. Quand le SO impose son rythme, celui de la pacification, il est difficile de savoir quoi faire mais nous devons nous poser la question. Peut-être que si c’est intenable, on peut le laisser passer et reformer le cortège derrière lui, nous raccordant avec le reste de la manif.

On nous rétorquera peut-être qu’on est jamais content.es. Quand ils font des trous dans la manif pour que la police nous sépare du reste du cortège, on gueule, quand ils nous forcent à avancer, on gueule. Peut être qu’on veut pas de SO-corpo-macho du tout mais plutôt que chacun.e prenne en charge la défense collective du cortège comme iel le veut, que le cortège soit rejoignable et bienveillant pour tous.tes. A méditer lol.

« Manif en cage, manif sauvage ! »

Notons qu’au bout d’une dizaine de minutes, une tentative de partir en manifestation sauvage a tenté d’égayer la journée, rapidement stoppée par les flics casqués qui remontaient le cortège avec difficulté, en haletant. On peut dire que ça fait plaisir, quand on se remémore toutes les fois où on a vu des rues perpendiculaires désertes de keufs, mais que le cortège n’en avait rien à faire, continuant sur le trajet sur lequel le pouvoir a bien voulu qu’on marche.

« Ça charge, on se grappe ! »

- On ne peut pas non plus parler de cette manif sans mentionner la stratégie des flics : celle de la désescalade. La désescalade c’est quand les flics font tout pour que rien ne parte en cacahuète. Ils y ont un interêt, celui du maintien de l’ordre. Si les gens restent calmes, la manif suit son cours, et aucune action n’a lieu, ni aucune percée de ligne pour partir manifester autre part, ou laisser place à notre créativité urbaine. Prenons l’espace qu’ils nous laissent et même plus ! Profitons de cette distance pour nous assurer qu’ils ne pourront pas nous atteindre, par exemple en rendant leur chemin impraticable. Profitons de cette distance pour nous en prendre aux responsables de cette société de merde qui regorgent à Paris.

La désescalade, on peut dire que ça nous fait de l’air. La police est restée en majorité à distance mais visible pour dissuader et surtout, elle n’a pas tiré de gaz. A-t-on jamais vu une manif avec des affrontements et des actions sans une gouttelette de gaz lacrymogène ? Mais que fait la police ? Rappelons que le masque de plongée décathlon qui englobe les arcades et le masque de respiration FFP2 ou FFP3 trouvable dans tout magasin de bricolage qui se respecte restent nos accessoires de défense favoris pour ne pas subir la PLS utime du gaz lacrymo, qui, s’il fut noté absent lors de la dernière manif, fera peut-être un retour fracasssant jeudi.

La manif a pu compter 11 interpelé.es, ce qui est assez peu pour le niveau de déter, même si on aimerait pouvoir construire un cortège suffisamment solidaire pour tenter d’aller repêcher les camarades arrêtés. Pour travailler cela, rejoignons les ateliers de déplacement collectif organisés ponctuellement par tel ou tel collectif.

Pendant les charges, on s’est à plusieurs reprises retrouvé.es compressés les un.es contre les autres, sans plus aucun espace propre. Rappelons que se tenir les un.es les autres par les épaules pour former des grappes humaines reste la technique la plus efficace pour garder un espace vital dans les mouvements de foule et permet aussi de ne pas tomber, de ralentir l’effet panique et de se sentir rassuré.es car faisant corps ensemble. D’ailleurs, quand les flics font des percées dans le cortège, il est toujours intéressant qu’un pan de la manif se rabatte sur eux en les contournant. Encerclés, leur confiance en eux paraît dégingoler et cette configuration offre plein de possibilités de défense.

« La BRAV arrive, on va les chercher ! »

- Parlons communication au sein du cortège de tête :

On a eu le sentiment qu’on entendait crier « BRAV à droite ! » « La BRAV arrive ! » à tout bout de champ. La BRAV, c’est la brigade de répression de l’action violente, c’est les flics avec les casques blancs, à pied et en uniformes légers et donc mobiles. Ils vont au contact et font souvent les arrestations, une fois libérés derrière une ligne d’anti-émeute eux lourdement équipés, qui les ravalera une fois l’intervention menée. Si gueuler les positions des keufs nous semble important pour informer de leur présence, on a vu que leur simple nom faisant reculer le cortège de 20m. Il faut le dire. La BRAV nous fait peur, mais elle n’est pas sans faille, ni imbattable. Pendant les GJ elle s’est faite bolosser maintes et maintes fois, et il y eut des manifs où quand on criait BRAV, des pans de manifs se ruaient sur eux pour venir les chercher. Bref, informons nous des positions des keufs mais donnons nous confiance face aux BRAV, tenons-nous, et tentons, à minima, de reprendre l’ascendant psychologique.

« Parapluies ! abrACABabra »

  • Petit point stratégies de rues :
    Big up aux Chantiers, dont le matos est toujours consentant à se faire recycler dans le barricadage de boulevard parisien, bien loin de son originelle ennuyeuse fonction. A plusieurs reprise on manquait de matériel, ouvrir l’œil sur ce qui nous entoure reste le meilleur moyen de dégoter des trésors urbains insoupçonnés.
    Big up aux génies du mobilier urbain qui libèrent les poubelles de verre. On ne se lasse jamais d’admirer miroiter les reflets du soleil d’octobre pendant le baptême de l’air d’une ou deux bouteilles de rouge.
    * Svp veuillez conserver le matériel pour le moment le plus adéquat, AKA les contre-charges, moment de vulnérabilité des bleus.
    ** SVP bis : pour des raisons de sécurité, veuillez avancer jusqu’à la ligne d’arrivée pour effectuer le saut en hauteur.
    Big up aux fans d’Action et de Décathlon pour les parapluies. Une fois ouvert en l’air il permet de retrouver ses accolytes dans la foule. Cet accessoire de style protège des armes de la police grâce à sa base mobile le long du manche (l’effet de recul permet l’absorbtion des chocs des grenades et LBD). Quand on court on le ferme pour ne pas gêner les autres. Quand ça canarde on l’ouvre et on le tient à la verticale pour faire effet banderole. Comme on y voit quedal, avoir un binôme derrière qui nous tient par l’épaule c’est parfait pour pouvoir avoir des yeux et pouvoir se positionner correctement. Si on en a plein on peut faire des murailles de parapluies et c’est très BG en plus d’être utile. Car oui, les parapluies peuvent aussi servir de cape d’invisibilité pour cacher tout ce qui plaît aux caméras de BFM TV et confrères et tuer dans l’œuf toute tentative de répression judiciaire fondée sur l’image. Si on propose ça c’est qu’à la manif de mardi, on peut dire qu’on a bien manqué de banderoles pour avoir un cortège défini, protégé et compact. S’il y en avait deux, elles n’étaient pas faites pour la protection, et les gens qui les portaient ne semblaient pas dans cette optique.

    Pour quelques conseils en cas d’arrestation, de la maison au tribunal, le petit manuel de défense de A à Z https://defensecollectiveparisbanlieues.noblogs.org/brochure-de-a-a-z/

La Défense Collective Paris Banlieues

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Revue de presse du lol, la sociologie selon les médias.

On avait envie de faire un ptit TOP 3 des meilleures phrases de merde de la presse, à moitié pour en rire et à moitié pour rappeler qu’on refuse les étiquettes médiatiques et policières. Soyons solidaires en manif, quels que soient nos modes d’action.

- PALME D’OR :

BFM TV LOVE : à propos des gens grossièrement regroupés sous cette étiquette policière des « casseurs » : « Tout cela est préparé en amont [...] Deux ou trois jours avant, ils peuvent louer un appartement sur le trajet de la manifestation, c’est là qu’ils cachent [...] leurs vêtements noirs. » C’est vrai qu’à chaque manif, on ne sait plus où dépenser nos fortunes, alors on se rabat sur des AirBNB dans le centre parisien pour quelques jours. La dolce vita. 8)
Regarder à 2min30 https://www.bfmtv.com/replay-emissions/22h-max/le-mouvement-sera-t-il-reconduit-demain-18-10_VN-202210180784.html

PALME D’ARGENT :

BFM / Best Friend Media : Quand MichelSocio de comptoir nous dévoile « Quelques clés de BlackBlocks » : « Ils peuvent confier leur matériel à des femmes. Pourquoi des femmes ? Eh bien parce que[...] ». Parce que les femmes sont des êtres incapables d’avoir la volonté propre de tout casser. Naturellement.
La même vidéo https://www.bfmtv.com/replay-emissions/22h-max/le-mouvement-sera-t-il-reconduit-demain-18-10_VN-202210180784.html

PALME DE BRONZE :

Journal du dimanche des boloss "Une source policière a confirmé à l’agence que près de 200 casseurs, tous vêtus de noir, avaient « constitué un bloc avec la volonté d’en découdre ». Cette même source a affirmé que près de 60 d’entre eux faisaient partie de « l’ultra-gauche ». Mais oui, on se rappelle tous.tes ce moment où les flics ont mis la manif sur pause, nous ont demandé de nous séparer en deux, à droite les casseurs option ultra gauche et à gauche les casseurs simples ?
https://www.lejdd.fr/Societe/greve-du-18-octobre-des-casseurs-impliques-dans-des-incidents-lors-de-la-manifestation-a-paris-4141615

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Rejoignez-nous ! La DCPB (Défense Collective Paris Banlieues) tient sa réunion ouverte à tous.tes, les 1er et 3e dimanche du mois, à 18H au local de la Fabrik assiciation, au rdc de la grande barre d’immeuble du 23 rue du docteur potain, en face du DOC. Sortir au métro Télégraphe sur la 11 !

Pour nous contacter : defensecollective-pb@riseup.net
Pour les ressources : https://defensecollectiveparisbanlieues.noblogs.org/
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Mots-clefs : manifestation
Localisation : Paris

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