Depuis plus de deux ans, des centaines de femmes et d’hommes luttent contre le projet Grand Contournement Ouest (GCO) en périphérie de Strasbourg dont le principal concessionnaire est l’entreprise Vinci.
Par la construction d’une autoroute payante, elle prétend notamment désengorger la métropole.
En réalité, ce projet ne répond en aucun cas à cette problématique, mais annonce une destruction massive de l’environnement du Bas-Rhin. Nous nous opposons à cette entreprise désastreuse en pointant les responsables par une action de désobéissance civile, qui visera les locaux de Vinci.
Par cette action, nous voulons apporter notre soutien aux opposants au GCO et interpeller pouvoirs publics, médias et citoyens sur l’emprise de multinationales de construction et de concession sur tous les niveaux de notre démocratie. Nous demandons l’arrêt des travaux au moins jusqu’au nouveau jugement du Tribunal Administratif de Strasbourg attendu courant 2020.
Le 25 septembre dernier, le tribunal administratif s’est prononcé en faveur de la poursuite des travaux malgré le caractère illégal de l’arrêté préfectoral. Ce jugement visiblement irrégulier est utilisé par le ministre de la transition écologique François de Rugy pour soutenir à son tour le projet. Balayant d’un revers de main les propositions alternatives énoncées par les opposants au GCO.
La situation devient critique, aboutissant à des négociations qui semblent être à l’imagede la politique environnementale : incohérentes et inactuelles.
Dans ce contexte violent de refus de discussion, 10 femmes et hommes ont entamé une grève de la faim depuis le 22 octobre, qui se poursuivra jusqu’à l’obtention d’un moratoire. Cette prise de décision extrême et dangereuse - unique recours pour être entendus doit nous alerter sur l’état de notre démocratie et l’hypocrisie des pouvoirs publics qui aiment à manipuler les objectifs climatiques en les laissant toujours lettres mortes. Partout dans le monde, l’urgence du changement affleure et met en effervescence toutes les couches de la société. Devons-nous encore rappeler les conclusions du rapport du GIEC ? Limiter l’augmentation de la température mondiale sous les 1,5°C est impossible sans des changements drastiques, incompatibles avec l’action inhibitrice de l’État. L’Europe ne tiendra pas ses promesses formulées lors de la COP 21 et la France n’est plus le moteur de la transition écologique. Nous devons nous réveiller, et faire du GCO un exemple, à la suite de la victoire historique contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Les orientations prises par le gouvernement en matière d’environnement doivent se traduire enfin par des prises de décisions rapides, claires et courageuses, s’émancipant de l’emprise des pouvoirs privés.
Cela doit commencer par l’abandon de projets surannés, pensés dans les années 70 etayant aujourd’hui perdu toute leur pertinence.Le GCO est l’archétype même des résidus d’un ancien monde. Un monde préférant le béton à l’éco-taxe, un monde révérant Vinci mais restant sourd aux recommandations des différentes commissions ainsi qu’à la démocratie locale vivante qui souffre de ne pas être entendue. Le GCO menace plus de 300 d’hectares de terres agricoles fertiles. Au poumon millénaire de cette région, à un écosystème déjà fragile, à l’histoire sédimentée est opposée l’univocité d’une artère polluante et stérile.
Nous n’inventons pas ces caractéristiques, elles ont été démontrées dans 7 rapports accablants (autant accablants qu’explicites), tous apportant des conclusions similaires et se complétant, pointant l’absurdité d’un tel projet.
Ceux-ci montrent le faible pouvoir de fluidification du trafic (estimé aux alentours de 4%), notamment induit par le coût de l’autoroute et la nature pendulaire des transports intramuros. Ils soulignent le péril encouru par les espèces protégées de la région, tel que le grand hamster d’Alsace, déjà en voie de disparition. Dès 2013, le projet du GCO a été jugé par le rapport Mobilité 21 comme un projet de seconde nécessité. Par la suite, tous les avis des commissions environnementales ont corroboré et encore accablé l’obstination du couple public-privé, État-Vinci.
En juillet 2017, le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) organe d’experts issu du ministère de la transition écologique formule lui-aussi un avis défavorable. En dépit d’un second avis défavorable du CNPN (décembre 2017) et allant exactement à l’encontre de cette position, en soutenant la poursuite des travaux Mr. François de Rugy discrédite l’action du ministère en rendant illégitimes et impuissantes ses propres instances normatives.
L’extravagance de cette entreprise est encore soulignée par la multitude et la qualité des alternatives à la résolution des problèmes que rencontre la municipalité de Strasbourg, qui démentent les objections avancées par le Tribunal Administratif de Strasbourg dans son jugement du 25 septembre. L’association “GCO Non Merci” a notamment publié un guide proposant plus de dix solutions, incluant le covoiturage, l’amélioration du système de transports public pour diminuer le phénomène d’autosolisme ou encore le cisaillement des flux de l’A35 déjà existante. Ces mesures sont à lier rapidement avec l’instauration d’une taxe carbone suivant le modèle allemand, effective depuis 2005. Ces solutions alternatives s’inscrivent directement dans les orientations des assises de la mobilité 2017, qui préconisent des politiques publiques de transport moins polluants.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suspension immédiate du projet, et a minima l’arrêt complet des travaux dans l’attente d’un jugement suspensif. Après notre action, Vinci ne pourra plus feindre d’ignorer les revendications citoyennes. Le débat public, trop longtemps étouffé, doit maintenant s’engager.