[Brochure] Calais Migrant Solidarity (2025)

Quelques textes extraits du blog de Calais Migrant Solidarity, à propos de la situation à la frontière calaisienne.

Calais Migrant Solidarity (CMS) est un collectif créé en juin 2009 suite à un camp de lutte contre les frontières qui a rassemblé plusieurs centaines d’activistes de toute l’Europe à Calais aux côtés de personnes bloquées par la frontière. Nous luttons pour la destruction du régime des frontières, en solidarité avec celles et ceux qui le subissent. CMS fait partie du réseau No Border, qui n’est pas une association ou structure centralisée, mais simplement un ensemble de gens qui partagent l’envie d’abolir les frontières et de s’organiser ensemble contre elles.

De 2009 à aujourd’hui, des membres de CMS ont mené de nombreuses actions de solidarité et de luttes contre la frontière. Copwatching, infos légales sur le Royaume-Uni, défense des squats, soutien matériel au personnes migrantes… Ces actions varient beaucoup selon les époques, les besoins, les personnes présentes et leurs envies. Pour se faire une idée des actions menées actuellement par CMS, le mieux est de regarder les dernières publications sur notre blog.

CMS n’a pas et ne souhaite pas avoir le monopole des luttes contre la frontière à Calais. Nous nous organisons volontiers avec de nouvelles personnes avec qui nous nous trouvons une affinité particulière, mais nous ne nous sentons pas tenu·e·s d’inclure automatiquement dans le collectif quiconque sentirait une proximité avec le mouvement No Border. Face à la frontière, nous invitons à la multiplication des initiatives de solidarités autonomes et décentralisées et mettons pour cela à disposition publiquement un maximum d’outils et de ressources (imprimables, vidéos…) sur notre blog.

Témoignage de Mahmoud – 24.01.2025

Je m’appelle Mahmoud, je suis égyptien, j’ai 25 ans et je suis maintenant à Calais, essayant de traverser la Manche après avoir été rejeté en Allemagne à cause de Dublin en Croatie, sans qu’ils aient écouté mon cas. J’y suis resté une journée après que la police nous ait arrêtés avec des armes et se soit montrée méchante avec nous tous. Si je reste en Allemagne, je serai expulsé vers la Croatie, qui me renverra en Égypte.

Mon père et mon oncle appartiennent aux Frères musulmans. Mon oncle est vétérinaire et mon père est ingénieur, mais ils sont en prison. J’ai quitté l’Égypte pour Oman après l’incarcération de mon cousin. J’ai quitté la faculté des sciences et je suis allé étudier en Turquie. À l’âge de vingt ans, tout était difficile pendant l’ère Corona et il n’y avait pas de soutien, alors j’ai essayé de trouver des usines pour travailler seulement un jour ou deux, toutes les deux semaines. Ils ne m’ont pas accordé de permis de séjour touristique ou humanitaire, et l’ambassade égyptienne a refusé de renouveler mon passeport après que je l’ai contactée pendant dix mois d’attente, de sorte que mes chances d’étudier là-bas étaient impossibles sans papiers ni soutien financier. Après cela, je suis allé travailler illégalement dans des usines et les Turcs m’ont utilisé pour porter des choses lourdes jusqu’à ce que je me casse le dos et que je reste à la maison pendant dix mois, sans pouvoir aller à l’hôpital sans assurance maladie. J’ai essayé à nouveau de travailler dans des restaurants en faisant la vaisselle pendant un an et demi, à raison de plus de 15 heures par jour, avec des salaires dérisoires et beaucoup de souffrance jusqu’à présent.

Après avoir économisé suffisamment d’argent, j’ai quitté la Turquie pour l’Allemagne en 25 jours. J’ai traversé 10 pays avec un groupe de Syriens. Nous avons traversé l’Italie, la Suisse et l’Allemagne. Je les ai guidés dans les trains pendant deux jours parce que je parle un peu l’anglais. L’un d’entre eux avait 55 ans (il est maintenant aux Pays-Bas) et n’avait qu’un rein en plastique. Il allait mourir à cause du manque d’eau, mais je ne l’ai pas abandonné. Je l’ai porté sur mon dos pendant des heures et les passeurs m’ont battu jusqu’à ce que je l’abandonne, mais je ne l’ai pas fait, alors que le fils de son ami l’a laissé dans la forêt. En Allemagne, ils ont refusé de soigner mon dos tant que je n’aurais pas obtenu l’autorisation de déposer une demande d’asile, ce qui n’est pas possible.

Mon dernier voyage depuis Calais s’est fait avec un mauvais passeur, mais je n’avais pas d’autre solution. Nous étions environ 80 personnes à essayer de traverser avec un bateau qui n’était pas bien gonflé et dont le conducteur était ivre. À cause des bousculades au milieu du bateau, il y avait un jeune Syrien qui avait un rhume et qui vomissait et lorsqu’il est entré dans l’eau froide, les gens se sont bousculés autour de lui et il est resté sous les Africains jusqu’à ce qu’il rende son dernier souffle et qu’il dise la Shahada. Je ne recommande pas aux groupes de différentes nationalités de voyager ensemble, en grand nombre et la même nuit. Après que la police nous a relâchés, j’ai essayé de sauter sur un ferry après m’être faufilé dans le port. Je suis tombé dans l’eau, j’ai réessayé et je suis resté dans une poubelle imbibée d’eau froide pendant 12 heures pendant que les gens travaillaient autour de moi, mais je n’ai pas eu de chance car le bateau n’a pas bougé et mon cœur s’est presque arrêté à cause du froid, alors je me suis rendu. J’espère de tout cœur que je serai bientôt en Angleterre.

Au moins, il n’y a pas de déportation là-bas et je voudrais remercier les organisations en France ici parce qu’elles sont gentilles et aident beaucoup autant qu’elles le peuvent.

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