Aux alentours de 1905, des anarchistes organisent des balades champêtres dominicales. Elles ont lieu dans des localités proches de Paris (Herblay, Meudon, Rambouillet, Saint-Germain-en-Laye, la forêt de Sénart) et sont annoncées chaque jeudi dans les colonnes de L’Anarchie.

On se donne rendez-vous gare Saint-Lazare ou gare d’Orsay, le plus souvent, et l’on part en bande joyeuse, emportant avec soi des provisions pour la journée et des instruments de musique, resquillant quand on peut pour ne pas payer le train, multipliant les provocations à l’égard des voyageurs à mine de bourgeois égarés dans les mêmes wagons.
Après une bonne marche entre champs et forêt, on s’assoit pour se restaurer, écouter un conférencier et reprendre en cœur le répertoire des chansons libertaires (…) C’est le moment de faire un peu de propagande en distribuant les invendus de L’Anarchie et en collant quelques affichettes.
Grisés de plein air, chargés de fleurs, tous repartent par le dernier train, plus bruyant que jamais, faisant retentir, jusque sous les verrières de la gare d’arrivée, des couplets à la gloire de l’anarchie.

Anne Steiner, Les En-dehors. Anarchistes individualistes et illégalistes à la « belle époque », L’Échappée, 2019, p. 25-26.