Situation sécuritaire sous l’Administration des Opérations Militaires (HTS)
L’Observatoire Syrien des Droits Humains recense 147 meurtres depuis le début de l’année, ainsi que plusieurs enlèvements, dont l’écrivaine et opposante Rasha Nasser al-Ali.
L’Administration des Opérations Militaires de HTS poursuit ses campagnes de sécurisation dans les régions centrales et côtières de Syrie, et notamment à Homs où ses interventions se sont soldées par des exécutions sommaires, ainsi que des violences à l’encontre des résidents et des dizaines d’arrestations.
Des manifestations se sont tenues dans plusieurs villes pour exiger la libération d’une partie des 9000 personnes arrêtées par HTS depuis le 8 décembre, dénonçant l’absence de preuves justifiant leur maintien en détention et le fait que certains d’entre eux soient détenus alors qu’ils avaient passé des accords de « réconciliation ».
De nombreuses démarches volontaires de réconciliation sont refusées par HTS sous prétexte que les candidats se présentent sans remettre d’arme. L’amende de 100 dollars imposée à ceux qui se présentent sans leur arme incite des candidats à acheter des armes pour pouvoir être admis aux centres de réconciliation.
Relations internationales et relance économique
Les principales actions du gouvernement transitoire portent sur les relations diplomatiques et le développement de l’économie, sa grande priorité étant l’obtention de la levée des sanctions qui continuent d’accabler le pays en échange d’une libéralisation à marche forcée de l’économie syrienne.
Le ministre de l’économie continue de rencontrer des hommes d’affaires Syriens qui se sont enrichis sous le régime d’Assad, affirmant que la « propriété privée étant sacrée » leur argent ne serait pas confisqué. En parallèle le ministre des affaires étrangères Al-Shaibani s’est rendu au Forum Economique Mondial de Davos pour plaider la conversion de la Syrie à l’économie de marché, affirmer les 5 axes majeurs de réforme (l’énergie, les télécoms, les transport, l’éducation et la santé) et annoncer la privatisation de la production de pétrole, de coton et de meubles.
Tandis que l’Allemagne appelle la Russie à se retirer de Syrie, le contrat de 49 ans signé en 2019 entre la Syrie et l’entreprise russe Stroytransgaz pour la gestion du port de Tartous a été rompu, permettant de réduire de 60% la plupart des taxes sur les marchandises entrantes. Dans le même temps les compagnies aériennes Syrienne, Turque, Qatari et Jordanienne organisent la reprise des vols entre Damas, la Turquie, la péninsule arabique et l’Europe. Cette dernière annonce l’envoi de 235 millions d’euros d’aide humanitaire.
Alors que 195 200 réfugiés sont déjà rentrés en Syrie, la pression sur l’économie augmente. Si globalement les prix alimentaires sont en légère baisse, celui du paquet de pain est passé de 400 à 4000 livres syriennes, le besoin en boulangeries supplémentaires pour le pays étant estimé à 160 en plus des 250 existantes. Ce sont actuellement 5000 tonnes de pain qui sont produites par jour.
Transition politique et sociale, Enquête sur les crimes d’Assad
Alors que Al-Sharaa a rencontré le procureur de la Cour Internationale de Justice Karim Khan et la famille du journaliste Américain Austin Tice, disparu depuis 2012, les familles des 130 000 autres disparus du régime d’Assad continuent d’être ignorées par le gouvernement transitoire. La Commission Internationale pour les Personnes Disparues basée à La Haye a recensé 66 fosses communes à travers le pays, dont la principale à Al-Qutayfah (ancienne base militaire russe) contiendrait près de 100 000 corps appartenant aux détenus exécutés dans la prison de Saydnaya.
Concernant ses efforts pour exposer les crimes d’Assad, HTS a préféré communiquer largement sur la découverte et la destruction de 100 millions de pilules de captagon et de 15 tonnes de hashish saisis sur plusieurs sites précédemment sous contrôle de la 4e Division du frère de Bachar al-Assad, Maher.
Bachar al-Assad a par ailleurs été visé par un second mandat d’arrêt international de la Justice française pour le bombardement de Deraa en 2017, après celui délivré en 2023 pour les attaques chimiques de Adra, Douma et de la Ghouta orientale en 2013. La France va-t-elle demander à la Russie de lui livrer Bachar ?
Le conflit avec l’Administration Autonome du Nord-Est
La tension entre HTS et l’Administration Autonome du Nord-Est (AANES) est montée d’un cran malgré les pourparlers en cours. Après avoir rejeté la demande du commandant des SDF Mazloum Abdi de pouvoir constituer un « bloc » à part entière au sein de la nouvelle armée syrienne et de rendre l’accès à une partie des ressources pétrolières de la région, le ministre de la défense Abu Qasra a déclaré « on ne veut pas le pétrole, on veut [le contrôle sur] les institutions et les frontières » avant de se dire « prêt à utiliser la force ». HTS a d’ailleurs commencé à envoyer des troupes à Deir Ezzor, Raqqa et près du barrage de Tishrin où les combats entre les SDF et les milices pro-Turques se poursuivent. On dénombre 474 morts dans cette confrontation depuis le 12 décembre, dont 51 civils, 348 miliciens pro-Turcs et 75 membres des SDF et groupes affiliés.
Dans les discussions en cours, les principaux défis et points de litige concernent le maintien de la lutte contre les poches de l’État Islamique, qui a repris de la force, mais aussi la gestion et l’évacuation des camps de Al-Hol et Al-Roj où sont détenus encore 35 000 membres et familles de l’État islamique, dont près de 15 000 combattants. À l’issue de négociations avec le commandement US, la France et le gouvernement irakien, l’AANES a libéré 150 familles de l’État Islamique détenues à Al-Hol et annonce le retour volontaire de 66 autres familles chez elles en Syrie, sans qu’on sache si HTS est partie prenante de cet accord. L’Iraq prévoit le rapatriement de 10 000 de ses citoyens dans le cadre de ces mêmes accords.
La colonisation Israélienne dans le Sud-Ouest
Au Sud du pays enfin, Israël continue d’avancer sur le territoire Syrien sans que rien ni personne ne l’en empêche, volant ainsi à la Syrie une zone s’étendant sur 235 kilomètres carrés. Après être entrée dans deux nouvelles localités, l’armée israélienne a établi 7 nouveaux checkpoints et baraquements militaires, persistant ainsi à accomplir son projet de « zone tampon » lui permettant d’exercer un contrôle militaire sur 15 à 60 kilomètres en aval de sa frontière antérieure.