À propos de l’opération répressive et de la défense de Prosfygika du 22 Novembre 2022

Texte du 27 novembre 2022, publié par l’Assemblée de l’occupation de Prosfiyika (SyKaPro), un squat d’Athènes qui a subi une attaque particulièremet violente de la police grecque, dans un contexte de répression générale de l’État grec contre les exilé.e.s et les squats. Texte publié en anglais sur le site de SyKaPro

Nous sommes toujours là... La Communauté reste forte et unie... Prosfygika gagnera !!!

Le 22 novembre 2022, à 5h45 du matin, toutes sortes de forces de police (police anti-émeute, bac, GIGN grec...) ont envahi le quartier squatté de Prosfygika à Athènes. Elles ont forcé et brisé la porte extérieure d’un des bâtiments, puis sont montées à l’étage où vivent deux membres de notre communauté : un compagnon – toujours sous les verrous à l’heure où nous écrivons – et un camarade réfugié iranien. Ils les ont arrêtés tous les deux et ont procédé à une fouille approfondie de l’immeuble. Pendant ce temps, tout le quartier a été encerclé par les flics – et pas seulement les abords de l’appart perquisitionné – qui tentaient ainsi d’occuper le plus d’espace possible.

L’opération a été repérée par notre patrouille de veille matinale [organisée quotidiennement en prévention de ce genre de galère], et l’information s’est vite répandue au sein du squat. Plusieurs camarades sont mont.é.e.s sur les toits des immeubles pour lancer l’alerte et ainsi réveiller celleux d’entre nous qui dormaient encore. Nous ne comprenions pas exactement ce qui se passait : nous constations que l’opération semblait limitée à un seul des 8 bâtiments du squat, mais sentions bien que l’attaque pouvait sérieusement concerner Prosfiyika toute entière. Et en effet, c’est bien une invasion policière du quartier squatté qui a eu lieu. Rétrospectivement, nous jugeons aujourd’hui que cette invasion à plus grande échelle était déjà préméditée dès le matin. Tout ce qui s’est ensuite écoulé ce jour-là a été le résultat de choix conscients et préparés à l’avance, d’une évaluation pertes-bénéfices de l’opération ainsi que, une fois sur le terrain, de la constatation de notre détermination par les fonctionnaires de la police et du ministère de l’intérieur.

Au fil de la matinée, la situation semblait devenir de plus en plus difficile. Les flics ont retenu notre camarade à l’intérieur du bâtiment, encerclant l’immeuble des heures durant. Dans le quartier, l’atmosphère était étouffante. Nous avons d’abord tenté de repousser et contenir la police anti-émeute hors de la rue centrale du quartier, afin de rouvrir un espace vital pour la circulation de ses habitant.e.s. Il s’agissait – sans entraver l’enquête – de faire sentir notre présence. Cela a permis aux habitant.e.s de pouvoir quitter petit à petit leur maison, certain.e.s pour aller à leur travail, d’autres pour emmener leurs enfants à l’école. Nous apprendrons que cela aura également mis fin à l’attente de notre camarade, tenu enfermé 3 heures dans sa maison avant d’être emmené au comico.

Parallèlement, nous recevions de plus en plus d’informations et d’indications à propos une deuxième opération policière qui avait été décidée à l’avance et qui aurait lieu l’après-midi même, après l’évacuation des deux hôpitaux voisins. Vers midi, nous avons organisé une manifestation à travers le quartier. À 16h, nous avons commencé une assemblée d’urgence, laquelle avait été publiquement annoncée. Et c’est pendant cette assemblée, vers 17h, que sont arrivés les drônes et l’hélicoptère. L’équipe assignée à la veille de sécurité a résisté du mieux qu’elle a pu, compte tenu des circonstances, utilisant tous les moyens non-criminels à disposition. Elle devait non seulement se protéger elle-même d’une répression disproportionnée par rapport à la situation, mais aussi protéger l’ensemble de la communauté, ses enfants et ses patients, et le voisinage en général.

Une vague de terrorisme s’est abattue sur les 5e et 6e immeubles, vague qui a provoqué chez des enfants et d’autres personnes du quartier des attaques de panique qui continuent jusqu’à aujourd’hui. Les policiers grecs, assassins, ont défoncé les portes des appartements avec des armes à feu, menaçant toute personne en vue, et ont tenté d’imposer un régime de terreur dans les maisons. Une femme malade et en fauteuil roulant avec sa fille, une famille dont les enfants étaient en crise de panique, une mère battue par la police et jetée à terre devant son fils de 12 ans après que leur porte a été brisée, des migrant.e.s et des réfugié.e.s coincé.e.s dans leurs maisons et dans les escaliers, comme pendant une opération à Gaza.

Après le succès de l’opération de défense qui a laissé de lourdes pertes aux forces spéciales grecques, 79 défenseur.euse.s du 22 novembre ont été arrêté.e.s et soumis.es à des coups de matraque, des de flashball, ainsi qu’à des agressions sexuelles et des tactiques de torture de prisonniers de guerre. Parmi nous se trouvaient une mère réfugiée vénézuélienne avec ses deux enfants mineurs, un réfugié d’Afrique, deux réfugiés politiques turcs, quatre compagnons de solidarité mineurs, une camarade enceinte à qui on a refusé le transport vers un hôpital, ainsi que le photojournaliste de renommée internationale Nikos Pelos, arrêté pour avoir simplement fait son travail. Nous avons été conduits au commissariat. Nous étions 79 personnes entassées sur le sol de cellules étroites où l’on manquait d’oxygène, les spots de lumières allumés de nuit comme de jour, et ce sans que le statut de garde à vue / détention n’ait été clarifié.

Le mental des personnes arrêtées n’a jamais été brisé. Les slogans à l’intérieur des cellules ont été rejoints par ceux que lançaient nos camarades et soutiens, rassemblé.e.s devant le comico. Nos rythmes ont résonné... La colère et le militantisme ne se sont pas éteints au petit matin, mais ont continué sans relâche pendant notre long transfert à Kavala, notre séjour là-bas et notre longue attente à l’intérieur des bus de transport et pour finir au tribunal. Ceux dont le moral a flanché, c’étaient les mercenaire de l’État.

La vindicte de l’État et de ses mécanismes, en particulier du gouvernement fasciste de Mitsotakis, s’est également fait sentir lors du rassemblement de solidarité de masse à au tribunal. Les forces répressives ont refusé de fournir de l’eau et de la nourriture aux camarades accusé.e.s. Là, lors de la deuxième attaque contre les militant.e.s solidaires, un camarade avocat et militant (il est également actif dans l’assemblée du No metro on the Plateia à Exarcheia) a été tabassé. Les flics et le gouvernement n’ont pu pardonner notre juste résistance et notre attitude digne : cela se sentait non seulement dans la violence de la répression, mais aussi dans les accusations exagérées qui nous étaient adressées dans un style fasciste.

Nous ne voulons pas être victimisées par la violence de l’État. Les accusations auxquelles nous sommes confrontés sont disproportionnées, y compris face au droit civil, et sont le produit de la criminalisation des militant.e.s par un État de plus en plus autoritaire. Cela devrait peut-être nous inquiéter. Mais nous savons qu’il ne peut y avoir de lutte sans coût. Nous connaissons la brutalité de l’État. C’est un honneur et un devoir de risquer de tomber pour défendre la vie et la lutte. Nous avons lutté dignement contre des forces inégales. Le 22 novembres 2022, les 79 défenseur.euse.s de Prosfygika se sont battu.e.s pour les 400 habitant.e.s de la communauté et du quartier de Prosfygika contre l’assaut meurtrier de la répression. Et nous savons qu’au bout du compte, l’addition va être salée. Mais c’est le prix à payer pour celleux qui luttent pour une cause juste.

Nous remercions chaleureusement tou.te.s les camarades et collectifs qui se sont mobilisé.e.s pour défendre le quartier et sa communauté. Merci pour leur multitude de messages de soutien, de déclarations de solidarité et d’appels à la mobilisation. Leur camaraderie nous donne force et espoir en ce sol de lutte que nous partageons, et sur lequel nous marchons de là où nous sommes.

Plus encore, nous voulons parler de l’attitude de nos plus jeunes camarades, qui étaient les plus courageux.ses. et les plus abnégué.e.s. Pour leur courage inébranlable face aux forces armées supérieures, aux flashballs et aux matraques, sur les toits et les parapets. Par chance, personne n’a été tué.e. Iels ont tenu bon jusqu’à la fin. C’est là que l’on sent la force des jeunes camarades, et nous devons tous y croire. Iels ne se sont pas seulement levé.e.s pour défendre la communauté de Prosfygika, mais aussi pour défendre ce qu’elle est profondément : une communauté de la classe opprimée. Les militant.e.s, les anarchistes, les communistes, les réfugié.e.s et les migrant.e.s, les enfants et les personnes âgées, les personnes mentalement vulnérables, les familles. Pour défendre chacun.e d’entre nous.

Nous ne sommes pas arrivé.e.s jusqu’ici par hasard. Depuis 13 ans, avec toutes nos contradictions en tant qu’enfants formés par ce système, nous avons essayé de construire des relations fraternelles, sororales et politiques basées sur l’horizontalité, la confiance, la solidarité et selon une perspective commune. C’est pourquoi aujourd’hui, nous pouvons mener cette bataille en faisant corps, ensemble.

Nous considérons la prochaine période comme un moment critique pour la survie de Prosfygika, mais aussi comme une grande opportunité de renforcer notre légitimité sociale, notre autonomie et la défense ce qui nous lie, notre quartier.

Nous demandons à chacun.e d’informer le monde sur le projet social de Prosfygika, afin de briser l’isolement et l’exclusion. Nous demandons aux solidaires de se manifester pour renforcer la communauté Prosfygika. Nous demandons à chacun.e. de nous soutenir de toutes les manières possibles.

Pour nous, c’est clair : en ciblant notre camarade, une tentative est faite pour criminaliser le quartier et la communauté squattée Prosfygika dans son ensemble. L’opération de criminalisation de la communauté et de l’Assemblée de Sy.Ka.Pro est le véritable ciblage des mécanismes répressifs contre les projets sociaux de base et les communautés auto-organisées. Ils puent la provocation de l’État. Les positions politiques, le cadre organisationnel et l’histoire militante de la Communauté et de l’Assemblée des squattés prosfygika constituent la réponse la plus puissante à la planification étatique et parapublique.
(https://twitter.com/hashtag/Prosfigika)

Solidarité avec la communauté du squat de Prosfiyika
Si nous tombons, nous tomberons avec eux
Prosfiyika signifie « pauvres rebelles »
Soit nous gagnerons, soit nous gagnerons

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