« Nous ne lâcherons rien, tant que tous ceux qui peuvent revenir vers l’emploi perdureront dans le chômage ». Gabriel Attal s’est trouvé un combat : rendre la vie impossible aux pauvres qui ne travaillent pas. Faire en sorte qu’il devienne matériellement intenable de rester sans emploi trop longtemps, forcer même les plus récalcitrants et les plus anéantis à s’y coller à coup de coupes dans les aides et d’intensification du harcèlement par les agents de France Travail.
Notre premier ministre nous connaît bien, nous n’aimons pas travailler. Si tout n’est pas mis en œuvre pour nous y obliger, nous rechignons à nous lever chaque matin pour nous rendre au boulot. Les syndicats auront beau s’indigner de ce discours culpabilisant, prétendre que nul n’apprécie de se trouver sans emploi, que cette situation est toujours subie, les chômeurs ne songeant qu’à retourner au charbon au plus vite, Gabriel Attal n’en croit pas un mot et nous non plus. S’il est évident que de nombreuses personnes sont prises à la gorge et ne peuvent se permettre de vivre avec des indemnités réduites, parfois drastiquement depuis la dernière réforme du chômage, elles n’en aiment pas pour autant travailler ; ce sont les mêmes qui, si elles gagnaient au Loto, auraient pour premier geste magistral de jeter leur démission au visage de leur patron.
Ce culte moribond du travail qui court de la CGT au gouvernement ne trouve plus d’écho autour de nous. Partout où nous regardons, nous voyons toutes sortes de fuites, de dérobades et de subterfuges pour esquiver le travail, grapiller du temps de vie. Celle-ci préfèrera gagner moins en travaillant à temps partiel, celui-là réduira sa clientèle au strict minimum, cet autre se fabriquera sa propre semaine de quatre jours en feignant une grippe intestinale le jeudi soir, cette dernière préfèrera vendre quelques grammes de cannabis plutôt que de replonger même une semaine dans le salariat. Le moindre employé de bureau est passé maître dans l’art de se dérober au travail depuis l’intérieur : scroller sur Instagram à la faveur d’une bonne orientation de son écran d’ordinateur, passer pour laborieux afin de ne pas se voir allouer de tâche supplémentaire, arriver un peu en retard et partir un peu à l’avance le jour où le chef est en déplacement, repeindre sa cuisine sur son temps de télétravail, tricoter une écharpe la caméra éteinte lors d’une réunion zoom… Un tas de vieilles techniques de sabotage adaptées au goût du jour. Ces pratiques ont désormais des noms sur les réseaux sociaux, certains néologismes comme « quiet-quitting » (démission silencieuse) génèrent des vidéos à plusieurs millions de vues. C’est dire si le mot d’ordre À bas le travail est devenu mainstream.