Le piège n’est pas nouveau. Et c’est un exercice permanent de contorsion que les gilets jaunes antiracistes doivent effectuer depuis le début du mouvement : d’un côté, le gouvernement et les médias de masse tentent en permanence de faire passer les GJ pour des beaufs racistes ne pensant qu’à leur portefeuille. De l’autre, les groupuscules d’extrême droite profitent de la situation pour se rendre visibles et paraître plus gros qu’ils ne le sont. Du côté des forces progressistes, anticapitalistes et antiracistes, certains se sont impliqués dès les premiers jours dans ce mouvement fondamentalement opposé au libéralisme et aux inégalités. D’autres ont préféré suivre de loin, puis s’y associer mais sans se mélanger. Enfin, certains ont carrément décidé de ne pas du tout se mêler à ce magma trop disparate et parfois contradictoire. C’était, et cela reste, le choix de chacun. Et nous devons le respecter.
Mais les choses se compliquent, notamment depuis l’acte 11 et l’attaque du cortège NPA par un groupe de nazillons. Si cette attaque ne nous surprend pas, il va falloir très vite faire front et s’y opposer, y compris physiquement.
Nous sommes conscients de la diversité du mouvement. Cela fait partie de son ADN. C’est autant sa force que sa faiblesse. Mais nous ne pouvons pas laisser quelques dizaines de fachos prendre en otage tout un mouvement en réalisant des attaques ciblées pendant nos rassemblements.
Nous soutenons donc toutes les initiatives lancées ces derniers jours pour avoir dans les rassemblements un maximum de forces antiracistes soutenant les gilets jaunes. Nous espérons également que tous les GJ qui se sont impliqués depuis des mois dans ce mouvement, et qui ne se reconnaissent nullement dans les pratiques et idées nauséabondes des identitaires et autres groupuscules fascistes, prennent part à cette lutte contre la tentative de récupération politique.
Nous pouvons (et devons) promouvoir la diversité au sein du mouvement des Gilets Jaunes. Mais cela ne peut se faire avec la présence de personnes qui combattent la diversité au sein de la société.
Concernant la présence d’autonomes, antifas et autres militants de la gauche radicale, nous la souhaitons évidemment la plus forte et massive possible. Mais que cela se fasse de façon fraternelle avec les autres GJ (en dehors des fachos) et dans le respect des pratiques de chacun.
Que les GJ peu habitués de ces sphères ne s’inquiètent pas et accueillent ces forces progressistes et anticapitalistes comme partie prenante du mouvement. On rappellera également que le Black bloc, mot lancé comme épouvantail depuis l’acte 11, n’est pas un mouvement, ni même une structure. C’est simplement un mode d’action utilisé lors de certains rassemblements, à certains moments. Un mode d’action offensif et solidaire, qui peut parfois revêtir une forme de violence contre des biens (souvent fortement identifiés au capitalisme) ou contre les forces de l’ordre. Mais il ne s’agit jamais de violence gratuite et aveugle. D’ailleurs, les premiers actes des GJ ont connu de nombreuses actions relevant des pratiques du black bloc : barricades, jets de pierre, voitures renversées...
Les tactiques offensives sont présentes au sein des GJ depuis le début du mouvement. Tout autant que les pratiques de dialogue avec la population, de blocages des routes, de débats… Si le mouvement a été aussi fort et dangereux pour le pouvoir, c’est en partie grâce à des manifestations qui ont débordées et qui ont inquiétées le pouvoir.
Concernant les forces de la gauche radicale qui décideraient de venir samedi, nous espérons que cela se fera de façon inclusive, ou, tout du moins, en étant le moins possible coupé du reste du mouvement. Car apparaitre comme une force qui viendrait s’opposer à la police, aux fachos, mais sans jamais se mêler aux reste des GJ serait une erreur. Ce serait même la meilleure chose qui pourrait se passer pour le pouvoir (et pour l’extrême droite). Il serait alors, en effet, très facile pour les deux de présenter la gauche radicale comme extérieure au mouvement et cherchant simplement à en profiter pour commettre des actes violents.
Même si cela peut paraitre difficile à admettre pour certains, il est évident que le mouvement des Gilets Jaunes a su créer une subversion totalement nouvelle chez des milliers de citoyens. Sans être en noir, sans être masqué (sauf pour se protéger des gaz), des centaines de GJ sont allés au contact et on réussi à faire reculer les forces de l’ordre, ont réussi à occuper l’espace public pendant des heures, ont mis à terre des CRS, ont forcé les portes d’une banque centrale ou d’un ministère. Il ne s’agit pas d’un black bloc comme on le connait depuis des décennies, mais l’énergie et la détermination n’en restent pas moins similaires. A nous d’y ajouter les savoirs et les forces que le black bloc ou le cortège de tête ont pu nous apporter. Mais de façon collective et ouverte aux autres (encore une fois, en dehors des groupes fascisants).
Avec ou sans gilet jaune. Avec ou sans capuche noire. Samedi, soyons tous dans la rue, tous solidaires. Contre les inégalités, contre les injustices, contre le racisme et pour faire tomber le pouvoir.