Le ciel de la capitale chilienne est rouge : des bâtiments et des métros ont brulé toute la nuit. À Hong Kong, les barricades n’en finissent pas de barrer les rues de la métropole. À Barcelone, la police perd le contrôle. À Quito, le président de l’Équateur doit reculer, après avoir été chassé de la capitale par l’insurrection. Nous ne voyons quasiment que ça depuis plusieurs jours, de nos fils d’actualités jusqu’aux médias dominants. Les vidéos des différentes révoltes à travers le monde. Partout autour du globe, les populations se soulèvent contre leurs dirigeants, contre la corruption et l’injustice. Tour d’horizon :
– Au CHILI, un mouvement insurrectionnel a lieu contre l’augmentation du prix des transports (déjà très cher), et plus globalement contre les mesures du gouvernement ultralibéral. Innombrables sabotages et incendies. L’État d’urgence est décrété : l’armée est dans les rues. Une première depuis la dictature. Mais le gouvernement tremble, et l’augmentation du ticket de métro a déjà été annulée.
– En CATALOGNE, la colère est forte depuis le référendum pour l’indépendance écrasé par la répression espagnole. La condamnation d’indépendantistes à de lourdes peines de prison jette des centaines de milliers de personnes dans les rues. Barricades, incendies, affrontements très durs et blocages. Barcelone a vécu des nuits de feu. Des centaines de personnes ont été blessées ou arrêtées. Trois ont perdu un œil.
– À HONG KONG, d’immenses manifestations rassemblent des centaines de milliers, voire des millions de personnes depuis le début de l’été. Les lieux du pouvoir sont pris pour cible, le Parlement envahi, les aéroports bloqués. La police est tenue en échec et les émeutiers font preuve d’une imagination sans faille. Le régime chinois a déjà reculé, mais le mouvement continue, après plusieurs mois, contre la répression.
– En ÉQUATEUR, l’augmentation brutale du prix de l’essence provoque un mouvement très dur de blocage dans tout le pays. Le président doit fuir la capitale. Malgré l’État d’urgence et une répression militarisée, le mouvement social extrêmement radical et déterminé a obtenu en 12 jours l’annulation des mesures gouvernementales.
– Au LIBAN c’est un soulèvement inédit qui est en cours depuis quelques jours. Des centaines de milliers de personnes manifestent dans les grandes villes pour la justice sociale, qui a démarré contre une taxe sur la messagerie internet Whatsapp.
– À JAKARTA en Indonésie, la jeunesse veut renverser le pouvoir. Depuis des semaines, un mouvement de contestation contre la corruption et contre des lois liberticides et religieuses est animé par les étudiants. Grosses manifestations et émeutes sévères ont fait reculer des milliers de policiers. Deux étudiants sont morts et des centaines de personnes ont été blessées.
– En PAPOUASIE, la Papouasie connait ses plus violentes émeutes depuis des décennies. Les papous considères les indonésiens comme des colons sur leur sol et les accusent de contrôler l’économie locale. Les émeutes ont repris de plus belle, mi aout suite à des remarques racistes à l’égard d’étudiants papous. La Papouasie, cette province d’Indonésie s’est déclarée indépendante en 1961, mais ne l’entendant pas de cette oreille, le pouvoir indonésien en a repris le contrôle dès 1963.
– En HAÏTI, pays secoué régulièrement par des agitations, un énorme mouvement contre la corruption rassemble des dizaines de milliers de manifestants, en particulier dans la capitale, Port-au-Prince. Ici encore, c’est la question du carburant et de la corruption des élites qui a provoqué le soulèvement. Les maisons d’élus ont été incendiées.
– En COLOMBIE, la rentrée scolaire a été l’occasion d’un mouvement massif chez les étudiants, contre les violences policières et pour plus de moyens pour les universités. La police est mise en échec, et plusieurs bâtiments sont incendiés.
– En IRAK, un peuple martyrisé par les guerres se soulève depuis trois semaines, pour des droits sociaux, des services publics, et contre la corruption. La répression, qui se fait parfois à la mitrailleuse et au lance-roquette, a fait plus de 100 morts et blessé des milliers de personnes.
– En GUINÉE, la population manifeste contre un nouveau mandat du président Alpha Condé depuis une semaine, et subit une répression sanglante.
– En ALGÉRIE : des manifestations monstres ont fait tomber le président Bouteflika qui monopolisait le pouvoir depuis 30 ans. Mais la mobilisation continue. Chaque semaine, des milliers de personnes défilent pour réclamer la fin du système politique. Vendredi, le mouvement fêtait le 35e vendredi consécutif de manifestations.
– En ÉGYPTE : Depuis 2013 où le général Sissi a pris le pouvoir par un coup d’État en Egypte. Il n’y avait pas eu de manifestations. Elles étaient même interdites. Ces manifestations de septembre font écho à des appels lancés sur les réseaux sociaux, émanant notamment d’un homme d’affaires égyptien en exil, Mohamed Ali qui accuse Sissi de corruption. Toutes les manifestations ont été durement réprimées. Plusieurs arrestations et blessés.
– Au SOUDAN : Commencé fin décembre 2018, les protestations dénonçaient le cout de la vie trop chère. Peu de politiques et de médias ont évoqué “le fait que pour la première fois, il s’agissait d’un mouvement civil qui refuse la charia et qui rejette en bloc les idéologies islamistes qui ont fait tant de mal à la région” (Hind Meddeb). En mai nous faisions une vidéo qui liait les révoltes entamées en Algérie, Soudan et Hong Kong, un manifestant soudanais interviewé disait. “On veut des changements, et on veut que ces changements viennent de la base”. Aussi nous avions constaté qu’une femme charismatique était devenue un symbole de la lutte et enflammait son auditoire par des chants révolutionnaires. Alors que la population poussait pour établir une constitution démocratique, la révolution soudanaise a été volée par les militaires qui ont exercé des attaques barbares au courant du mois de juin. Depuis un mouvement de transition est en place et s’assoie complétement sur les revendications. Des massacres sont même revendiqués par des militaires.
– Et en FRANCE ? Cela fait près d’un an que le mouvement des Gilets jaunes a commencé. Un épisode insurrectionnel a bien failli emporter le gouvernement entre la fin du mois de novembre et le début du mois de décembre dernier. Il a été écrasé par une répression de nature dictatoriale, sans équivalent en Europe : plus de 12 000 arrestations, des blindés dans les rues, des milliers de blessés, des centaines de personnes touchées à la tête, éborgnées et mutilées à vie.
Face à la soif de justice sociale, le gouvernement Macron a choisi la force, le gaz et le sang. Depuis le début de l’année 2019, c’est une opération de contre-révolution qui est en cours. Nous payons le soulèvement de l’hiver dernier par des procédures répressives hallucinantes, une militarisation accrue de la police et une propagande médiatique plus abrutissante que jamais. À présent, le gouvernement Macron s’aligne sur toutes les orientations de l’extrême droite, de l’interdiction de manifester aux lois patronales, de l’État policier à l’humiliation de femmes musulmanes.
Les révoltes qui montent partout montrent que les aspirations à la justice et à la liberté sont partagées aux quatre coins du globe. Que les Gilets jaunes étaient loin d’être des enragés isolés. Ces insurrections sont liées entre elles. Elles se nourrissent. Du reste, le triomphe des soulèvements est la seule option viable, face à des gouvernements de plus en plus autoritaires, qui verrouillent leur répression pour gérer le désastre social et écologique qui s’aggrave rapidement.
Pompiers, soignants, enseignants, étudiants, chômeurs, lycéens. Le pays est au bord de l’implosion. Mais un samedi ne suffira pas. Par contre, bloquer le pays une semaine pourrait bien faire tomber le pouvoir, pour rejoindre la grande vague de colère mondiale…