Parmi les collectifs et associations qui se sont mobilisés autour de la lutte anti-carcérale, se trouve le G.I.P (groupe d’information sur les prisons) créé le 8 février 1971, pour porter à l’extérieur des prisons la parole des détenus et faire connaître la réalité carcérale, par exemple en publiant les cahiers de revendication des prisons lors des révoltes de 1971-1972, à Toul, Loos-les-Lille, Fresnes, Nancy, Melun...
Le GIP s’efface peu à peu, laissant les détenus et ex détenus prendre leurs luttes en main. La dissolution du GIP est prononcée en 1972 mais ne sera effective qu’en 1973. A sa suite, naîtra le C.A.P (Comité d’action des prisonniers) fin 1972.
Naissance du C.A.P
Serge Livrozet, ancien détenu et actif pendant les révoltes de la centrale de Melun durant l’hiver 1971-1972 rencontre le philosophe Michel Foucault, un des fondateurs du GIP (Groupe d’information sur les prisons) à sa sortie de prison en 1972. Les deux hommes sympathisent. Michel Foucault préfacera le livre de Serge Livrozet paru en 1973, De la prison à la révolte.
Ils fondent ensemble avec d’autres le C.A.P (Comité d’Action des Prisonniers).
Dans le n°1 (l’ours), les différents rédacteurs sont : Serge Livrozet, Michel Boraley, Michel Foucault, Daniel Defert...
Revendications du C.A.P
Le C.A.P fait partie des associations qui se sont mobilisées contre les prisons et pour les droits des prisonniers.
Le journal affirme dans un numéro :
« Ainsi que nous avons cru bon de la préciser dans notre dernier numéro, il est vrai que les Comité d’Action des Prisonniers n’émane d’aucun parti ni d’aucun groupe, mais uniquement du mouvement général des prisons, qui a eu lieu aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur au cours de ces vingt-quatre derniers mois. »
Différents points seront développées au cours des 10 premiers numéros de son journal :
- la suppression du casier judiciaire
- l’interdiction de séjour, de la contrainte par corps et des frais de justice (n°2)
- la suppression de la peine de mort, de la prison à vie, de la tutelle pénale (n°3)
- la réorganisation du travail en prison (n°4)
- la correspondance et le parloir libres (n°5)
- le droit à des soins médicaux et dentaires corrects (n°6)
- le droit de recours et de défense des détenus devant l’Administration pénitentiaire (prétoire, libération conditionnelle, mesures de grâce, etc.)
- et le droit d’association à l’intérieur des prisons (moyen essentiel pour faire valoir les revendications précédentes) (n°7).
Le CAP se distingue au neuvième numéro en réclamant un douzième point : la suppression de la prison.
Il se définit comme libertaire et non violent. Le journal est mensuel et est tiré à 50 000 exemplaires. Il y aura 67 numéros.
Publication de lettres de détenus
Le premier numéro sort le 11 décembre 1972, peu après la création de l’association. Dans l’éditorial du n°4 (15 mars 1973), le C.A.P revient sur son mode de fonctionnement quant à la publication des lettres des prisonniers et justifie son rôle éditorial par la mission de relais de luttes de prisonniers qu’il s’est fixé :
« Nous recevons un énorme courrier, un courrier très abondant. Nous n’en avions jamais espéré tant, mais cela nous oblige à faire un choix pour la publication des lettres ou des articles que nous avons pour règle de publier dans leur intégralité. Car nous pensons que les gens concernés doivent prendre la parole sans restriction. Ce rôle de pseudo-censeurs ne nous plaît pas. Pourtant, il existe et nous sommes obligés d’en tenir compte. Le CAP a une ligne d’action précise qui est déterminée par la lutte des prisonniers. Il est donc clair que le choix des textes ira en priorité dans ce sens. »
En 1977, le C.A.P, en soutien à Taleb Hadjadj, claquemuré au Quartier de Haute sécurité (QHS) de la Santé (Paris) émet par radio. Hadjaj dira du QHS dans un n° de CAP : « "Le QHS est un laminoir. Le QHS n’est pas une prison, c’est une torture". »
En 1979, le C.A.P est très actif avec la campagne contre les Quartiers de Sécurité Renforcée (QSR) et les QHS (Quartier de haute Sécurité).
Serge Livrozet et d’autres organiseront une marche à Mende (où se trouvait un QHS) où Mende était décrite comme "chef-lieu de la Lozère et de la torture".
L’expérience du journal des Prisonniers lancé par le C.A.P durera presque 10 ans. Toutefois, en prison, comme ailleurs, à la fin des années 1970, les luttes collectives s’essoufflent et l’association décide d’arrêter.
Le dernier numéro du journal titrera : « Le C.A.P, c’est fini ! ».
La lutte anti-carcérale continue avec le journal L’Envolée depuis 1988, les émissions de radio Parloir libre (1985-2000), Ras les murs depuis 1989 sur Radio Libertaire et d’autres à découvrir sur le réseau Vive les Mutins.
A lire aussi les brochures réunies par Infokiosques sur les prisons et la répression.