La coordination étudiante - solidaire de toutes les pratiques de luttes
Depuis le 17 mars, sur Paris, existe une coordination des Ags et comités de mobilisation des facs d’Île-de-France, version Île-de-France des coordinations nationales étudiantes (pour rappel, lors de cette première coordination, l’UNEF était partie en déclenchant une alarme à incendie). Sa principale utilité depuis le début a été d’organiser un cortège interfac, autonome du cortège « Jeunes » de « l’interorga jeunes », cortège quant à lui organisé par les services d’ordre de l’UNEF et de la JC.
La coordination a toujours affirmé son refus de se désolidariser des pratiques de manifestation plus offensives que les siennes, rappelant que « cette violence, pour nous, elle ne vient que d’un seul côté, c’est la violence qu’on dit « légitime » de l’État, on l’a rejette en bloc » [1]. Après la coupure d’une partie du cortège autonome par la police lors de la manifestation du 28 avril, la coordination francilienne a voulu passer de la parole aux actes et se placer devant le carré de tête syndical, en soutien au cortège « autonome » en tête de manifestation. C’est ce qui s’est passé le 1er mai, avec les certains succès qu’on a pu observer (une tête de manif joyeusement hétérogène).
Cela devait être réitéré le 12 mai, mais la police a verrouillé la tête de manifestation. Le cortège de la coord’ s’est donc placé juste derrière le carré de tête syndical, là où se place habituellement l’UNEF et la JC, malgré les coups de pression de ces deux organisations. C’est finalement, notamment cela qui a permis la formation d’un black bloc juste derrière le carré de tête syndical (on imagine W. Martinet – chef de l’UNEF – dire « je me désolidarise des gens qui se sont infiltrés juste derrière moi, là... ») en empêchant l’installation des cordes et du camion des organisations de « jaunesse » en tête de manifestation.
Bref, même s’ils existent des divergences stratégiques et pratiques, et que ce cortège est – il est vrai -pas mal animé par des personnes d’un parti d’extrême-gauche en trois lettres, il reste un cortège d’étudiant.e.s auto-organisé.e.s plutôt enclin à la solidarité dans les discours comme dans la pratique avec les copains et copines qui vont à la castagne.
Nous ne cèderons pas face aux violences policières, qui ne font que renforcer notre détermination à lutter aux côtés de celles et ceux dont on voudrait nous éloigner. - APPEL DE LA CNE DU 30 AVRIL
Pourtant, hier, les copains et copines du service d’ordre de la coordination étudiante, après s’être fait.e.s attaquer par l’UNEF et la JC énervées de ne pas avoir le leadership de la contestation étudiante (ils ont été repoussés…) [2] , se sont fait.e.s copieusement insulté.e.s par des participant.e.s du cortège « autonome ». La même chose s’était produite le 1er mai. Plus largement, en discutant avec des ami.e.s et autres personnes croisées dans la tête de manif, je me suis rendu compte qu’il existait une incompréhension totale par rapport au cortège de la coordination, ou plutôt une sur-interprétation de ce cortège.
En effet, l’existence d’une ligne de SO qui s’arrête quand les gens sont en train de se battre avec les flics était interprétée comme une marque de désolidarisation, d’un refus politique de cautionner les tentatives de déborder les dispositifs policiers. Parce que c’est vrai que comme dit le slogan, « flics, SO, même combat »…
Alors, pourquoi un service d’ordre ?
D’aucuns diront que c’est par volonté de diviser, que c’est encore un dispositif de bureaucrates, une modalité de gouvernement, blablabla… D’abord, il faut savoir qu’un service d’ordre a des mandats et des cultures différentes selon qui l’organise. La coordination étudiante, c’est un lieu d’auto-organisation des étudiant.e.s qui vont en AG et en comité de mobilisation, il n’y a pas que des lanceur.se.s de cocktails molotovs et des virtuoses du pavé, pas que des courageux.ses qui saignent sous leur cagoule, il y en a, mais il y a plein d’autres personnes déterminées mais qui pour un tas de raison sont beaucoup moins résistantes à la violence d’État. Beaucoup de personnes qui ont peur et que cette peur paralyse. Et parce que s’auto-organiser, c’est aussi se prendre chacun.e comme il/elle est, avec de la bienveillance, d’en prendre acte et de s’organiser. Le service d’ordre apparaît ainsi comme une méthode -peut-être en qu’il en existe d’autres et j’invite tout le monde à contribuer à trouver des solutions – pour se tenir ensemble en manifestation, se rassurer.
Il n’a bien sûr aucune prétention à une quelconque hégémonie sur l’ensemble des manifestant.e.s. Il s’agit juste d’une manière d’aller soutenir la conflictualité tout en créant un lieu – à savoir un cortège – où celle-ci se vit moins frontalement.
Respect de la diversité tactiques/des radicalités de chacun.e
S’il faut le rappeler, le « respect de la diversité des tactiques », cela va dans les deux sens. Pour que tou.te.s les composantes de la lutte puissent chanter comme les NoTAV, “Si parte, si torna insieme, […] Siamo tutti black bloc” [3], il faut aussi que les composantes les plus radicales de celle-ci prennent soin des autres et des niveaux de conflictualité que chacun.e est prêt.e à vivre. « Nous n’avons pas pour habitude d’obéir à des ordres braillés par qui que ce soit, à plus forte raison quand c’est pour aller au carton à sa place. » disait dans un texte sur le 28 avril le groupe Regard Noir. Cette phrase, il me semble que la coord’ étudiante pourrait la reprendre à son compte. Si ce qu’a à offrir le cortège « joyeux et déterminé » de la tête de manif aux étudiant.e.s qui ont fait le choix de s’en solidariser mais avec leur propre pratique (faire un cortège, etc.), ne reçoivent que du mépris, et aucune considération pour leurs désirs de lutte, il est fort à parier que ces rencontres et cette puissance trouvées en tête de manifestation finissent par décroître tristement. Respecter la diversité des tactiques, cela ne veut pas dire se mettre en danger à la place de celles et ceux qui débordent courageusement.