Certaines situations de refus
Il arrive parfois que des débats particulièrement passionnés agitent les milieux intellectuels et/ou militants. Ces débats se couplent souvent d’une adhésion à certaines idéologies, certains groupes politiques, certaines tendances particulières. Il est régulier que ces tendances utilisent ces débats intellectuels pour régler leurs querelles de manière à peine voilées. Par des piques, des exemples connotés, des anecdotes qui ne sont qu’une manière de discréditer "l’autre camp". Nous estimons donc que, s’il s’agit d’un vrai clivage politique de fond, il mérite plus que des invectives entre militant-e-s. Il est nécessaire de faire émerger du débat. Plus encore, il est nécessaire de faire émerger un débat de qualité, qui ne soit pas pollué par les sous-entendus et les références, compréhensibles uniquement par les militant-e-s.
Parfois même, le conflit se fait de manière plus ouverte entre les différents groupes. Certain-e-s s’accusant nommément de tous les maux de la terre dans une logique concurrentielle entre groupes/tendances ou individus. Malheureusement et vu la taille encore modeste de nos espaces politiques, cette concurrence se construit souvent sur des attaques nominatives et personnelles. Il est donc nécessaire de rappeler un point important : Paris-luttes.info est lu par nos ennemis. Par les services de renseignements bien sûr qui se feront un plaisir de dresser un panorama des alliances et mésententes au sein de mouvement libertaire grâce aux textes qu’on leur a gracieusement fournis. Mais aussi par l’extrême droite, qui n’hésitera pas à s’engouffrer dans toutes nos brèches et utiliser nos faiblesses à des fins de propagande.
Il ne s’agit pas ici de mettre sous le tapis certains conflits, d’autant plus quand ceux-ci méritent d’être soulevés (questions de violences sexuelles, pratiques de la violence et de l’intimidation, de collaboration avec les flics...). Nous pensons seulement que ces conflits ne se régleront pas à travers des espaces virtuels mais bien de visu.
Un média anti-autoritaire au sens large
Il a été décidé de créer un média anti-autoritaire (et non pas communiste anti-autoritaire, ou anarcho-syndicaliste, ou anarchiste, ou tout autre courant pouvant être qualifié d’anti-autoritaire) car nous pensons que sous ce terme se retrouvent nombre d’idées partagées par des courants parfois historiquement divisés. Ces idées souffrent de leur manque de diffusion, qui amène à ce qu’elles soient peu connues et, triste corollaire de cette situation, peu discutées et parfois un peu sclérosées. Nous n’ignorons d’ailleurs pas que ces courants se sont parfois durement affrontés. Mais nous ne pouvons nous permettre de publier ces textes issus de diverses sensibilités qu’à condition que les différents auteurs ne se promettent pas réciproquement le goulag, la pendaison, l’excommunication, le cassage de gueule, ou autres réjouissances, et nous estimons raisonnable de demander cet effort, pour le bien de notre cause commune. Ici, la limite n’est pas tant à définir en terme d’embrouille, mais de tonalité dans laquelle le conflit s’exprime.
De la même manière, nous restons assez méfiant-e-s vis-à-vis des textes consistant essentiellement à s’en prendre à d’autres gens en lutte.
La question de la justice.
Trop de personnes considèrent davantage la modération comme un tribunal qui trancherait entre le juste et l’injuste, le vrai et le faux, le révolutionnaire et le réactionnaire, que comme le moyen de délimiter les contours de notre média. Pourtant, le collectif de modération ne se prévaut d’aucune autorité en la matière, ne prétend pas se hisser au-dessus du commun des militant-e-s en termes de lucidité politique, d’autorité morale ou de capacité d’enquête. Tout au plus, le collectif de modération consacre son temps à vérifier les informations apportées par les contributeurs/trices, et la facilité de la vérification dépend essentiellement de la qualité des éléments fournis par les contributeurs/trices. Il nous est déjà arrivé de ne pas passer des textes qui semblaient très intéressants, mais dont la vérification des informations paraissait hors de notre portée. En tous cas, un refus sur Paris-luttes.info n’équivaut pas à une censure ou une condamnation d’un article, et ne doit pas être considéré comme tel, ni par ses auteur.e.s, ni par ses détracteurs/trices.
La tambouille de milieu
Le collectif de modération de Paris-luttes à toujours utilisé le terme « d’embrouilles de milieu » pour définir certains textes que nous refusions. Mais ce que nous refusons c’est surtout la « tambouille de milieu ». Comme le disent certains camarades, on s’en fout du "Santa Barbara militant" notre but n’est pas de focaliser l’attention sur notre propre nombril, mais de porter un discours et de s’intéresser à ce qui se passe dans la société. Il nous semble que c’est une erreur de se focaliser sur la dimension purement conflictuelle de ce qu’on refuse, cela porte à confusion et donne l’impression que nos médias veulent circonscrire le débat, alors que le but est de l’élargir. Il est notoire que dans les milieux extraparlementaires, que ce soit l’extrême gauche, l’ultra gauche, le milieu anarchiste ou autonome, les conflits idéologiques prennent très fréquemment une importance qui vient très largement éclipser les conflits bien plus importants qui traversent une large part de la société. Les mauvaises langues disent qu’il s’agit de s’arracher quelques maigres parts de marché idéologique dans un contexte de raréfaction de la demande. Ceci pour dire que nous ne refusons pas le conflit, mais attendons qu’il soit proportionnel aux enjeux et théorisé. Les récits épiques de bagarres entre camarades n’intéressent personne, si ce n’est leurs auteur-e-s et leurs proches. Nous ne les publions donc pas.
Notre parti pris est celui de l’anti-sectarisme. Il nous amène à passer certains textes issus de tendances diverses voire (parfois) conflictuelles mais souvent complémentaires. Cette pratique marque une rupture avec les précédentes expériences de médias coopératifs. Par exemple, on retrouve sur Paris-luttes.info des textes syndicaux que les anciens sites d’informations antiautoritaires refusaient la plupart du temps. A contrario, certains autres textes considérés comme valables sur les anciens médias sont considérés comme n’ayant pas leur place sur Paris-luttes.info (par exemple les articles non signés, avec très peu d’informations, les billets d’humeurs...). Mais Paris-luttes.info n’est pas la voix du « milieu », que personne n’est d’ailleurs jamais parvenu à définir. Il s’agit de la voix de tous les gens en lutte qui refusent de reproduire les dominations à l’œuvre dans la société. Ce site n’est pas l’expression d’un groupe sociologique restreint mais celle d’une vision politique, parfois contradictoire, mais allant dans une logique de libération individuelle et collective.
Notre collectif a été contraint de définir par lui-même les limites de la sphère politique et sociale dont il entendait propager les idées et les pratiques. Il n’a jamais pris de positions figées, et les questionnements sur les frontières de cette sphère politique sont en constant débat. D’autre part, il est bon de rappeler que d’autres médias existent, sur Internet ou ailleurs, collaboratifs ou non, dans lesquels il est possible de trouver ce que nous ne publions pas. Pour les rares textes, sons ou vidéos dont la modération du site aurait empêché toute diffusion (si ces textes existent), nous n’entendons empêcher quiconque de créer d’autres médias pour les diffuser. Comme nous avons créé Paris-luttes.info, plutôt récemment, pour les raisons que nous avons déjà exposées, nous encourageons également celles et ceux qui le peuvent et le veulent à créer des outils comme des mailing-lists, des forums, ou autres, pour pallier à ce qu’un média comme Paris-luttes.info ne peut réaliser, plutôt qu’à se tourner vers des outils empoisonnés comme les groupes facebook ou blogs publicitaires.
Enfin, le collectif est ouvert à celles et ceux qui voudraient le rejoindre sur ces bases, Nous avons également par le passé organisé des réunions ouvertes à toutes les personnes qui souhaitaient nous rencontrer. Les réunions pouvaient être thématiques (le son) ou des moments de formation et de prise en main du site. Mais le peu d’affluence à ces réunions nous a amené à les abandonner. Peut-être relancerons-nous l’idée d’ici quelques temps !
Pour finir, rappelons que Paris-luttes.info est avant tout un site d’infos locales, et que dans l’immense majorité des cas, les contenus posant des problèmes de modération ne sont pas réellement liés à l’aspect local des luttes franciliennes. Et surtout, en 3 ans, plus de 5 500 articles y ont été publiés !
Le collectif de modération de Paris-luttes.info