Été 1964
New York. Dans le quartier de Harlem, l’agitation suit l’assassinat d’un jeune black de 15 ans par un policier blanc qui n’était pas en service.
Le jeune aurait menacé le flic d’un couteau. Les manifestations se transforment en émeutes : les voitures brûlent, les magasins sont pillés, les pavés, les barres de fer et les cocktails Molotov sont les (faibles) moyens utilisés pour affronter les forces de l’ordre. Les affrontements dans la rue durent pendant quatre nuits et trois journées, puis la vague déborde le quartier de Manhattan pour toucher le quartier de Brooklyn, dans le quartier black de Bedford-Stuyvesant.
D’autres villes sont également touchées ; il y a ainsi des émeutes dans le ghetto de Rochester dans le nord-ouest de la ville de l’État de New York, après que deux policiers blancs aient arrêté deux jeunes blacks alcoolisés. Le bilan de ces dix journées « chaudes » de New York et Rochester : 7 morts, 800 blessés, dont 48 policiers, plus de 1 000 arrestations, des millions de dégâts.
Ces mois « chauds » ont résonné dans tous les USA.
En été 1965
Du 11 au 16 août, c’est le quartier black de Watts, à Los Angeles, qui flambe. Avec comme prétexte l’arrestation d’un black prétendument alcoolisé par des policiers blancs. La presse WASP (white anglo-saxon protestant) se déchaîne contre la « plèbe noire ». Résultat : 35 morts, 800 blessés, 700 maisons incendiées, dévastation sur un périmètre de 77 km², 500 millions de francs de dégâts.
L’été 1966
Ce sont plus d’une vingtaine de villes qui se soulèvent dans tous les USA. Entre autres : Jacksonville en Floride, Sacramento en Californie, Omaha au Nebraska, New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago. Dans cette dernière ville, le prétexte a été que la police avait chassé des enfants qui profitaient d’une bouche à incendie pour se rafraîchir. Le point culminant de cet été a été à Cleveland, dans l’Ohio : violents affrontements avec la garde nationale. À la fin de cet été, il y avait 12 morts et 400 blessés.
En 1967
Dans le quatrième « été brûlant », plus de 100 villes étaient touchées par les soulèvements. Notamment Newark (dans le New Jersey, pas loin de New York) et Detroit.
À Newark, les heurts durèrent du 12 au 17 juillet après qu’un chauffeur de taxi black ait été arrêté. À peine arrêtées des centaines de personnes se rassemblent et jettent des pierres et des bouteilles sur la police. Cette ville de 405 000 habitants se transforme en champ de bataille, il y eut 27 morts (dont 25 noirs), 2 000 blessés. En 60 endroits il y avait des incendies, des blocs de maisons étaient criblés de balles, les magasins du centre-ville avaient été pillés, des engins blindés patrouillaient dans toute la ville avec des soldats armés de pistolets-mitrailleurs, 1 500 noirs sont envoyés en prison.
Mais ce qui se passa du 24 au 28 juillet 1967 à Detroit dépassa tout cela. Robert Kennedy parla « de la plus grande crise américaine depuis la guerre civile », le Washington Post de « la plus grande tragédie dans la longue histoire des explosions des ghettos de couleur ».
Après une razzia de la police contre un café clandestin black, c’est l’émeute et la répression. Les tanks sont dans les rues avec des parachutistes en formation, on tire contre les gens dans les rues et sur les places. Des dizaines d’hélicoptères mitraillent les fenêtres. Des pans entiers de la ville sont en feu, les rues dévastées. Dans les quatre journées et nuits d’affrontements, la police, la garde nationale et les parachutistes de la 82e et 101e division (qui s’étaient illustrés au Viêt-nam) reprennent le terrain, rue par rue, dans ce qui est tout de même la cinquième plus grande ville US, la capitale mondiale de l’automobile.
Le système judiciaire fut totalement débordé. La prison de Detroit, prévue pour 1 200 prisonniers, en accueille 1 700.
Dans les prisons pour mineurs prévues pour 120 personnes sont entassés 600 jeunes. Un garage souterrain de la police a été transformé en prison pour 1 000 personnes. D’autres gens furent bloqués plus de 24 heures dans des bus : donc pas de toilettes, pas de médecin, pas de droits, aucun contact avec des avocats.
41 personnes sont mortes à Detroit ces jours-là, 2 000 blessées, 3 200 arrêtées, des milliers sans endroit pour dormir. Ce sont 1 500 magasins qui pillés, 1 200 bâtiments incendiés, et la production automobile arrêtée. Il y eut pour plus de 7 milliards de francs de dégâts. H. Rap Brown, ancien leader estudiantin black, dit : « avant la ville s’appelait Detroit, maintenant elle s’appelle Destroyed [détruite] ».
- Ces soulèvements n’étaient pas des soulèvements organisés, mais ce qui les caractérise tous c’est que leur prétexte fut une confrontation avec la police. À chaque fois, une intervention de police fait déborder le vase. Les gens résistent à la police qui appelle des renforts, qui reçoivent des pierres et des bouteilles ; suivent les pillages. Les symboles de la société blanche — magasins et flics — étaient attaqués.
- Porteurs de cette vague : les jeunes. C’est parce qu’ils appartenaient à une minorité opprimée que la majorité des Noirs américains étaient surexploités, devaient occuper les pires emplois, être les premiers licenciés et vivre dans des taudis.
Aux USA, le chômage frappait à l’époque deux fois plus les travailleurs noirs que les blancs. La population noire était d’autant plus exaspérée que la jeunesse noire payait un lourd tribut dans la guerre du Viêt-nam.
Cette jeunesse noire exaspérée était porteuse de ces révoltes, car les jeunes étaient plus conscients du racisme spécifique à l’encontre des noirs, ne croyaient pas en une action au sein des institutions, avaient déjà souvent participé à des actions politiques.