Des agents de la brigade anticriminalité (BAC) à tous les coins de rue, l’air toujours à l’affût d’une occasion de cogner quelqu’un : il est 6 heures du matin dans ce quartier du 18e arrondissement de Paris et le périmètre est déjà bouclé.
Le périmètre, c’est le pont Saint-Ange, un tronçon du boulevard de La Chapelle qui enjambe les voies ferrées de la gare du Nord, à la lisière de la Goutte-d’Or. Ces 200 mètres de no man’s land étirés sous le métro aérien étant dépourvus de riverains, ils offrent une relative sécurité contre les plaintes de voisinage et sont donc régulièrement visités par les sans-abris, les galériens et les débrouilleurs du quartier. Aujourd’hui, c’est au tour des migrants de se faire déloger. Près de quatre cent grands voyageurs, forçats de l’exil en provenance d’Afrique de l’Est pour la plupart, dont des femmes et des enfants, croupissent ici depuis huit mois dans des tentes ou à même le sol. Beaucoup rêvent encore d’un départ pour l’eldorado britannique. Un campement de rue en pleine Ville Lumière, la gêne visuelle infligée aux cars de touristes qui passent par là pour rejoindre Pigalle, l’embarrassante démonstration de la politique de pourrissement infligée à ces réfugiés sans refuge – tout cela finissait par faire désordre. Ce 2 juin à l’aube, les garde-chiourmes montent donc à l’assaut pour faire place nette et disperser la misère.
Opération humanitaire ou rafle “de gauche” ?
Depuis plus d’une décennie, plusieurs campements précaires de migrants fleurissent aux alentours de la gare du Nord, à Paris. Entre répercussion des exodes d’Afghanistan, du Mali ou de Somalie, et espoirs d’un asile sûr outre-Manche ou dans l’Hexagone.
Mardi 2 juin, l’un de ces bivouacs de fortune, apparu depuis de nombreux mois, était évacué au petit matin, à grands renforts de moyens policiers… et de discours « sociaux ». Une expulsion parmi tant d’autres, dont l’objectif semble avant tout d’invisibiliser les indésirables.