Mexique : mobilisation et auto-organisation indienne et populaire face aux ravages des tremblements de terre

Suite aux tremblements de terre qui ont ravagé le Mexique durant le mois de septembre, toute une mobilisation populaire a émergé pour déblayer les décombres, rechercher les disparus, collecter des vivres et reconstruire les habitations détruites. Face à la militarisation de la catastrophe, aux instrumentalisations étatiques et aux tentatives de spoliation et de déplacement forcé des victimes, toute une série d’initiatives autonomes et un « fond de reconstruction indigène » sont en train de se mettre en place.

Le 7 septembre au Mexique, un tremblement de terre de force inédite (8,1 sur l’échelle de Richter) ravageait la zone de la côte ouest du Chiapas, le sud de Oaxaca et tout l’isthme de Tehuantepec, provoquant des dizaines de morts et la destruction de dizaines de milliers d’habitations dans des zones peuplées majoritairement par des peuples et communautés indiennes (binniza, ikoots, chontales et mixes principalement).

Le 19 septembre dernier, c’est cette fois la zone centrale du Mexique (30 millions d’habitants) qui était touché par un autre tremblement de terre de force 7, affectant le Morelos, Puebla, le Guerrero et la ville de Mexico, 32 ans jour pour jour après le séisme qui avait totalement ravagé la capitale en 1985. Le bilan est d’au moins 300 morts, et là aussi des dégâts matériels énormes pour la population.

mobilisations populaires pour déblayer les décombres dans le centre-ville de Mexico

Face à ces catastrophes, tant dans la capitale que dans les communautés ravagées par les séismes, les gens s’organisent spontanément pour rechercher les disparus, déblayer les décombres et s’entraider pour le quotidien. Comme le raconte SubVersiones, l’un des principaux médias libres mexicains, A Mexico "les policiers locaux et fédéraux se contentaient de bloquer et de barrer des rues et devaient s’arrêter, amorphes, devant la solidarité de toute une ville. Les autorités des districts urbains marchaient en rond, conscientes peut-être de leur inutilité absolue. Tous les pouvoirs constitués pouvaient être observés, en fin de compte, pour ce qu’ils sont : inutiles et impuissants. La force des gens, de l’auto-organisation et du soutien mutuel, en revanche, n’arrêtait pas de se multiplier (...)" (voir la traduction de l’article sur le site du CSPCL). Une mobilisation populaire généralisée, qui n’est cependant pas exempte de discriminations et de préjugés classistes et racistes, comme le rappelle un autre article.

Après les premiers jours du drame, tant dans la capitale que dans les villages alentours, la tension est rapidement montée entre la solidarité populaire face aux dégâts des séismes, et les autorités gouvernementales qui tentent de s’emparer des collectes de la population. "A travers des actes de brigandage, ses agents au service de la violence volent l’aide humanitaire réunie par le peuple et la détournent pour la distribuer sous leurs propres conditions en promouvant leurs icônes, gouvernements, institutions et partis politiques", racontent à ce sujet des brigades autonomes de solidarité. "Sur les lieux du désastre, l’État s’interpose entre ceux qui travaillent pour éviter même qu’ils puissent communiquer et se coordonner entre eux. Durant ces derniers jours, nous avons pu voir comment se met en place une version particulière du plan militaire DNA-III, appelé Plan-MX. De ce que nous pouvons en apprécier, l’armée arrive sur les lieux de désastre, là où le peuple participe avec succès depuis des heures et des jours au sauvetage de vies en danger, et de manière autoritaire, met de côté les secouristes pour prendre le contrôle des lieux afin d’opérer de manière complètement inutile, en augmentant le risque de décès de ceux qui sont restés coincés sous les décombres. (...) Comme si cela ne suffisait pas, ils font preuve de beaucoup d’impatience pour revenir à une apparente « normalité », même si pour eux, cela implique la disparition des personnes qui continuent à être ensevelies sous les décombres, certaines vivantes, d’autres non. Ils prétendent occulter de cette manière l’ampleur réelle de la tragédie et l’énorme corruption de ceux qui administrent, aujourd’hui tout comme hier, les gouvernements à tous les échelons".

"Nous attirons aussi l’attention sur la tentative de spoliation et de déplacement forcé des victimes (pour cela pour eux, les séismes sont très bien tombés). Tant dans les communautés rurales que dans les villes affectées, les désastres leur servent de prétexte pour nettoyer de leurs habitants les zones ayant de l’intérêt pour le grand capital", dénoncent-ils également dans leur communiqué. Au delà des zones urbaines et de leurs projets immobiliers, nombre de communautés touchées sont en effet confrontées depuis des années aux tentatives de spoliation de leurs terres par des multinationales minières et de production d’énergie éolienne, parmi lesquelles de nombreuses entreprises européennes (EDF par exemple à Juchitan et dans le village binniza d’Union Hidalgo, fortement touchés par le séisme).

Un "fond de reconstruction indigène", autonome des institutions politiques officielles et visant à contrecarrer l’instrumentalisation des efforts de reconstruction au profit des partis politiques et des intérêts capitalistes est en train d’être mis en place par les zapatistes et le Congrès National Indigène. À Paris, le CSPCL se propose de relayer cette initiative et de collecter les dons pour aider cet effort autonome de reconstruction.

union hidalgo, village en lutte contre les projets éoliens d’EDF, un des nombreux villages sous les décombres du séisme....
Mots-clefs : Mexique | auto-organisation

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