Manifestation du 1er mai à Paris : beaucoup d’interpellations mais beaucoup de solidarité !

Communiqué du groupe légal de la Coordination contre la répression Paris / IDF

Encore une fois, l’État a fait usage d’une violence physique inouïe envers les manifestant·e·s doublée de nombreuses interpellations sous le désormais classique chef d’inculpation de « groupement en vue de... ». Ce délit d’intention lui permet d’arrêter à peu près tout le monde, sous prétexte d’être muni·e d’équipements de protection devenus nécessaires au fil des années voire d’être simplement présent·e dans des cortèges inondés de gaz lacrymos. Ces armes de dissuasion massive n’entament pourtant pas la détermination des manifestant·e·s et la défense collective qui s’organisent contre les gardes à vue (GAV) humiliantes et arbitraires, les détentions provisoires punitives ou autres condamnations pour l’exemple.

Il nous a été rapporté à maintes reprises les méthodes humiliantes des flics. D’abord lors des contrôles d’identité : menaces de fouilles au corps sur des femmes par des hommes policiers, insultes désormais banales (« sales gauchistes » ou autres cordialités du même genre, voir à ce sujet « Paroles de flics ». Ensuite lors des GAV pour constituer des charges afin de pallier le vide des dossiers : insistance pour que les prévenu·e·s soient photographié·e·s avec des k-ways noirs ou des foulards - qu’on les ait portés ou pas lors de l’interpellation, on peut tout à fait refuser de se prêter à cette ridicule comédie ! -, pressions pour obtenir les codes PIN des téléphones, complications pour accéder à leurs droits de voir un·e avocat·e de leur choix ou, pour de nombreux camarades venant d’autres pays, d’être assisté·e·s d’un·e interprète. Nous avons aussi vu, lors des contrôles d’identité, les flics consulter des listes de noms imprimées sur des feuilles de papier... Sans doute pour coincer de dangereux Gilets jaunes interdit·e·s de Paris ces deniers mois, ou des personnes visées par les petites fiches du renseignement de la préfecture de police ?
Et aussi lors de la sortie place d’Italie où les manifestant.e.s devaient se laisser fouiller et abandonner leurs gilets jaunes pour pouvoir sortir, il est clair qu’il s’agit-là d’une mesure vexatoire de plus n’ayant pour finalité que d’humilier ceux·elles qui osent encore sortir dans la rue et de montrer que la police a tout pouvoir.

Si nous déplorons évidemment l’interpellation de 34 personnes qui ont ensuite subi 24 heures de GAV lors de l’épisode de la Pitié-Salpêtrière, nous nous réjouissons que cette nouvelle tentative de discréditer les manifestant·e·s se soit soldée par la mise en lumière d’un nouveau mensonge d’État. L’intox ignoble s’est retournée contre son envoyeur, le sinistre de l’Intérieur Castagneur, grâce aux témoignages des personnes victimes comme des équipes médicales - même si, pour nous, la porte fermée au nez des manifestant·e·s reste terrible. Cela évoque à tou·te·s ceux·elles qui ont vécu le magnifique cortège du 14 juin 2016 l’ignoble propagande de la pseudo « dévastation » de l’hôpital Necker et nous espérons que ce nouvel événement amènera toujours plus de monde à prendre conscience du véritable visage de nos ennemi·e·s.

Le groupe légal Paris a pu intervenir auprès de 140 personnes, dont deux mineur·e·s, après des signalements qui ont débuté dès mercredi matin et se sont poursuivis les deux jours suivants. La préfecture parle de 330 interpellations et 210 GAV à Paris.

Parmi ces 140 personnes, nous en dénombrons une quinzaine qui a été relâchée directement des commissariats sans poursuites. Comme quoi, on peut nous retenir longtemps et nous relâcher sans suites. S’en souvenir si nous sommes placé·e·s en GAV un jour.

Nous dénombrons une vingtaine de condamnations légères, les fameux « rappels à la loi » (RAL). Précisons que si cette mesure n’est pas officiellement une "condamnation", le RAL (qui peut-être prononcé pour des durées de un à six ans) suppose une inscription dans des fichiers consultables par les flics et les juges. Elle s’applique pourtant souvent à des personnes pour lesquelles il n’a pu être retenu aucun délit. C’est une logique de criminalisation intentionnelle et de fichage systématique, l’idée étant de ne pas relâcher les gens sans que rien ne s’inscrive dans leur dossier.

La nouveauté de ce 1er mai 2019, ce sont les interdictions de Paris qui ont accompagné ces RAL - 3 mois pour ce que nous savons. Encore une atteinte au droit de manifester.

Dans l’ensemble, les comparutions immédiates (CI) ont été le plus souvent refusées par les prévenu·e·s -demandant un délai pour préparer leur défense. Des procès de « renvoi » sont prévus les 21 et 23 mai, d’autres encore les 3, 6 et 14 juin. D’autres ont été renvoyé·e·s au quatrième trimestre 2019 et un au mois d’août.

Parmi les personnes qui ont refusé la CI, au moins une dizaine sont actuellement en détention provisoire (DP), c’est à dire en maison d’arrêt en attente de leur procès.

Fait particulier de ce 1er mai, nous sommes en contact avec une dizaine de personnes d’autres nationalités -dont un·e mineur. Elles ont été particulièrement bien soignées par les autorités : après leur GAV elles sont passées soit par la case « expulsion » et placé·e·s en CRA (Centre de rétention administrative), à Vincennes ou au Mesnil-Amelot, soit par la case prison (DP). Le traitement à leur égard a été des plus aléatoires, car certaines ont été jugées en comparution immédiate lorsque le parquet a décidé de les poursuivre (procédure pénale classique). En l’absence de poursuite pénale, d’autres ont été traitées selon les procédures du « droit » des étrangers, placées directement en CRA, sous le coup d’un ordre à quitter le territoire français (OQTF). Elles sont menacé·e·s d’expulsion avec des interdictions du territoire français de 24 mois pour ce que nous savons.

Nous saluons toutes les initiatives visant à enrayer la machine répressive qui ont eu lieu depuis mercredi dernier et enraciner les solidarités. Comme le rassemblement qui s’est organisé, dès le 2 mai à 16h30 devant le dépôt de la Cité, la création du « Collectif des 34 » de la Salpêtrière et les nombreuses personnes qui ont envoyé des témoignages à la presse dès le mercredi soir, l’appel à rassemblement devant le CRA de Vincennes ce dimanche 5 mai... Il y en a certainement eu d’autres. C’est tout ce que le sinistre duo police-justice combat : rester solidaires des personnes à l’intérieur.

Nous voulons remercier les nombreuses personnes qui nous ont appelé·e·s pour signaler l’interpellation d’un·e ou de plusieurs proches. Outre la solidarité effective que cela permet de mettre en œuvre au moment des premières comparutions devant la justice, c’est extrêmement précieux que la répression policière et judiciaire soit combattue collectivement. Le fait de prendre contact avec la ligne antirep permet de faire des liens entre tou·te·s les manifestant·e·s et les interpellé·e·s, de déjouer la volonté de nous isoler. Nous ne déléguons pas non plus à la préfecture la gestion de nos proches interpelé·e·s. C’est extrêmement déterminant que nous ne la laissions pas régner en maître, mais que nous puissions dresser nos propres inventaires et constats. Seul·e·s, nous sommes impuissant·e·s.

Nous invitons tou·te·s les personnes interpelé·e·s et plus largement, toutes celles qui le souhaitent, à venir à la Coordination qui se réunit tous les mardis à 18h30 à la bourse du travail de Paris. Nous appelons à aller au TGI les 21, 23 mai et 14 juin prochains. Ainsi que tous les lundis et mardis qui suivent les samedis de manifestation Gilets jaunes. N’hésitez pas à abonder notre caisse de solidarité et à faire circuler le lien autour de vous (https://bit.ly/stoprep). Nous lancerons un appel à dons dans les tout prochains jours.

Nous en profitons pour vous informer que la Coordination organise un week-end d’échanges et de formation pour lutter face à la répression ainsi que pour collecter des fonds, le 1er et 2 juin à la Parole errante (9, rue François Debergue, Montreuil, M° Croix de Chavaux). Deux jours - et une soirée festive le samedi soir - pour continuer de tisser des liens entre collectifs, groupes et individu·e·s qui luttent contre les violences d’État en manif, dans les quartiers populaires, en soutien aux migrant·e·s et aux sans-papiers comme lors de toutes actions politiques visant à tenir en respect les patrons, l’État et toutes ses polices.

Vive la riposte collective !

Le groupe Légal de la Coordination contre la répression et les violences policières Paris-IdF
Pour nous contacter : stoprepression(at)riseup.net
Caisse collective en ligne : https://bit.ly/stoprep
Plein d’infos sur https://rajcollective.noblogs.org/

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