Sur le non-événement Necker

Necker est de toute évidence une manœuvre de propagande politique visant à discréditer le mouvement contre la loi « travail » et son monde. Retour sur la « production » d’un évènement.

La violence de la propagande politique lancée par le gouvernement et alimentée par les classes politiques et médiatiques à propos de la dernière manifestation est à pleurer de rage. Il faut pourtant se donner la peine de déconstruire ce qu’on peut appeler la « production » d’un événement, tant la réalité des faits a été recouverte de blabla, de la déformation la plus malhonnête au mensonge le plus infecte.

Voilà ce que nous dit le storytelling politico-médiatique : des « casseurs » ont « délibérément visé » l’Hôpital Necker (Martin Hirsch), et l’on même « dévasté » (Manuel Valls), « alors que l’enfant du couple tué [dans l’assassinat revendiqué par l’Organisation de l’État islamique] s’y trouve » (Bernard Cazeneuve). Cette version est reprise en cœur par les médias dépendants, de l’info continue de BFM au JT de France 2, des articles du Monde à ceux du Figaro ; c’est celle qui m’a été répétée par des amis presque telle qu’elle.

Tout est à expliquer dans cette fumeuse opération de communication politique. À commencer par le terme de « casseurs ». Ce qui est désigné, c’est le cortège de tête des manifestations, ce que certains qualifient parfois de Black blocks ou de cortège détèr’ (comprendre « déterminé »). Dans ce cortège divers et bigarré, mélangé aux autres, il y a effectivement des gens qui cassent. Mais jamais sans raison, jamais gratuitement.

Toujours dans deux perspectives : 1- Dans une perspective symbolique – casser les symboles de l’ordre stato-capitaliste et « rendre » la violence que celui-ci nous impose à grande échelle (et qui, à force de naturalisation des faits sociaux, n’est plus toujours perçu malgré son évidence). Donc des banques, des affiches publicitaires, des assurances, du mobilier urbain coercitif, etc. 2- Dans une perspective tactique – ceux qui ont vécu les manifestations des derniers mois savent ce qu’il en est : les policiers provoquent systématiquement des affrontements avec les manifestants, en se mettant en travers du parcours légal, en essayant de couper la manifestation en plusieurs parties, en gazant, matraquant, envoyant des grenades lacrymogènes et de désencerclement, kärcherisant ceux qui ne veulent pas se laisser faire. Quand le niveau de la violence est imposé aux manifestants qui sont là pour défendre l’intérêt général, ceux-ci n’ont que deux choix : s’enfuir ou se battre masqués en tenant la police à distance par le jet de projectiles – souvent arrachés aux rues ou aux bâtiments.

Ce qui s’est passé à côté de Necker est tout simplement lié à un affrontement de ce type : en fait, il s’agit d’un non-événement. Personne ne casse pour casser. L’hôpital n’a certainement pas été « délibérément visé » en tant qu’hôpital pour enfants, il a été pris dans les logiques expliquées ci-dessus. L’hôpital n’a pas été « dévasté », mais quelques unes des vitres de sa façade ont été légèrement endommagées. Il n’y a pas de rapport entre les anticapitalistes et les sbires de l’Organisation de l’État islamique. Par conséquent, saturer toute la sphère médiatique de ces mensonges est une tentative odieuse de salir la beauté et la grandeur de cette manifestation qui fut massive, festive et, parfois malgré nous, combattive. Les quelques directions de partis ou de syndicats qui, à l’image de Pierre Laurent, usent de la catégorie foireuse de « casseurs », y participent.

Comme d’habitude, on en oublie qui sont les véritables casseurs : Marisol Touraine qui supprime 22 000 postes dans les hôpitaux publics ? El Khomri qui plie encore un peu plus les travailleurs aux réquisits du capital en dérégulant le marché du travail ? Cazeneuve qui envoie les CRS au contact pour faire du chiffre et stigmatiser le mouvement ? Sur cette dernière question, rappelons qu’au-delà du non-évènement Necker, 150 manifestants ont été blessés, dont certains gravement. Et c’est ce qui aurait dû être le vrai sujet : un mouvement en train de gagner sa première bataille et un gouvernement qui pratique la fuite en avant vers l’autoritarisme, combinant violence physique et propagande politique.

Note

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Localisation : Paris 15e

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