Lors de la manifestation parisienne du 12 décembre dernier, les Brigades de Solidarité Populaire ont été la cible de trois charges policières consécutives sur le boulevard Sébastopol. Nous portions deux banderoles avec les inscriptions « Autodéfense populaire » et « Islam, gauchisme, séparatisme, et toi t’es fiché·e pour quoi ? ». Les banderoles ont été arrachées et cinq camarades interpellé·es. Aujourd’hui, deux d’entre elleux sont toujours en procédure et font l’objet d’un contrôle judiciaire les empêchant de manifester.
Cette manifestation a marqué jusqu’aux observateurices étrangèr·es, tant par la violence de la stratégie policière mise en place tout le long du parcours que par la communication mensongère et autoritaire de l’État, qui prétend avoir agi en prévention contre d’hypothétiques regroupements de manifestant·es violent·es.
En réalité, de nombreuses enquêtes, dont celle de Médiapart [1], démontrent le caractère provocateur des charges policières dans le cortège, ainsi qu’une répression disproportionnée.
Si l’enquête de Médiapart a le mérite de rendre incontestables les violences policières et l’arbitraire judiciaire, un angle mort nous apparaît dans le traitement médiatique de cette journée : la dimension politique de cette répression.
Certes, il est légitime de souligner que ces attaques policières font de nos cortèges des espaces risqués, où la répression peut s’abattre aveuglément sur nous tou·tes. Mais cette répression vise plus durement les militant·es organisé·es, affichant les signes d’une appartenance politique. Parmi les interpellé·es figurent en effet des représentant·es de collectifs identifiables : avocat·es (Black Robe brigade), journalistes (Reporters en colère), lycéen·nes, street-medics. La police a ciblé les personnes portant des banderoles, des pancartes, des gilets jaunes, des vêtements noirs... toute allusion, toute référence politique fait l’affaire, surtout si elles sont le fait de groupes organisés, ou assimilables à des mouvements sans-étiquettes, autonomes ou anarchistes, porteurs en soi de messages politiques forts et identifiables.
En ce qui concerne les Brigades de Solidarité Populaire, les images de la charge des BRAV-M contre les cortèges sont édifiantes : alors qu’aucun trouble ne survient et que, repoussé·es une première fois sur le côté, les camarades tentent de reprendre leur progression le long du parcours, iels sont chargé·es deux nouvelles fois conduisant aux interpellations et au vol des banderoles. L’arbitraire seul ne peut expliquer cet acharnement.
Si nous avons été chargé·es, frappé·es, interpellé·es et détenu·es (certain·es jusqu’à 72h), ce n’est pas comme simples manifestant·es sur lesquel·les ce serait abattu le bras armé d’un État aveugle et violent. Mais bien parce que nous étions groupé·es, derrière des banderoles portant nos mots d’ordre. Mais bien parce que nous faisons le choix du positionnement et de la construction politique.
Il est clair que nous assistons aujourd’hui à une criminalisation des opinions politiques contestataires à travers la mise en accusation des militant·es. La publication le 6 décembre dernier de décrets autorisant l’extension du fichage aux opinions politique et non plus aux seules actions, en est une preuve supplémentaire.
Mettre l’accent uniquement sur l’arbitraire c’est renvoyer ces attaques à leur dimension individuelle, comme si - et c’est parfois le cas - nous n’étions que des individus isolé·es face à la répression étatique. C’est aussi vouloir faire la distinction entre les bon·nes et les mauvais·es manifestant·es, celleux qui subiraient une répression aveugle et celleux qui la mériteraient.
Nous sommes les Brigades de Solidarité Populaire, c’est à ce titre que nous avons été attaqué·es, c’est à ce titre que nous soutenons tou·tes les victimes de la répression policière et étatique, c’est à ce titre que nous poursuivrons la lutte.
Seul le peuple sauve le peuple.