Le droit ne nous sauvera pas

Ce texte est la présentation d’un projet qu’on avait dans la tête depuis longtemps. Après les coups de matraque de la police, la violence du système continue au sein du tribunal. Ça fait pas le même bruit, au contraire, les salles d’audience c’est calme. Les juges, les procureurs et les avocats y parlent le langage de la répression et nous on les comprend pas toujours. Les articles, les lois, ça a soudain l’air bien loin de nous, techniques, incompréhensibles, dépolitisés. Parce qu’on pense que le tribunal est un endroit de lutte comme les autres, on pense aussi qu’il faut dépasser le discours « technique » du droit, pour dévoiler son rôle politique de domination. Le but c’est d’écrire, réfléchir, et partager autour de la justice, celle dont on veut plus et celle qu’on voudra faire.

Nous affirmons que le droit est l’outil de domination par excellence. Droits de l’homme et lois liberticides même combat. Nous affirmons aussi que le droit est une arme de vieux connards bourgeois pour structurer la société selon leurs intérêts. On va mal parler parce que le droit c’est l’endroit où ça parle bien. La violence ne sera jamais de dénoncer toutes les sales robes noires qui remplissent les tribunaux. La violence c’est la décision d’envoyer quelqu’un croupir derrière des barreaux, « motivée » par le racisme du juge. La violence des mots c’est celle du français colonial, froid, bien formulé, utilisé par la préfecture pour écrire des dizaines d’OQTF (obligation de quitter le territoire français = ordre de déportation) par jour. Oui la justice française c’est une justice de classe et une justice de race.

Y a pas plus hardcore que ce gros bouquin rouge qu’on appelle Code pénal. On va le dire, les politiques sont des porcs, les keufs des bâtards, les procs des fils de chien, les avocats des profiteurs et les juges des assassins. Ça vous choque comme formulation ? Nous ce qui nous choque c’est les 71 000 personnes en taule, les 131 suicides et « morts suspectes » (l’euphémisme pour ne pas parler de meurtre) en 2018, et les 18 depuis le début de 2019. Ce qui nous choque c’est les 50 000 personnes qui passent par an dans centre de rétention administrative, ces taules pour étrangers.

Ouais même les Droits de l’homme, la grosse disquette de l’État français, c’est de la merde. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse d’une déclaration qui nous explique que le droit de propriété c’est le plus important ? Ça justifie les meurtres de « légitime défense » et la répression contre les pauvres. Le droit et les avocats ne nous sauveront pas.

Le droit c’est un endroit de pouvoir, mais on veut plus vous laisser le plaisir de rigoler en vous branlant sur Foucault. Le tribunal c’est un endroit de lutte. On réclame justice. C’est nous les victimes de votre système, vous nous devez des comptes et des explications. Il faut perturber le silence complaisant des salles d’audience. Il faut rendre claires toutes les horreurs auxquelles on assiste. Les flics et les juges sont partout, ils ne nous laissent pas tranquilles, faut leur rendre.

Ici on veut affirmer qu’il n’y a aucune différence entre un prisonnier pour des raisons politiques et un prisonnier de droit commun. Pas de différence de noblesse entre un Gilet jaune et un gars qui se fait chopper pour deal. C’est la même répression qui s’abat sur les mêmes pauvres, pour nous empêcher de nous organiser.

Par contre on ne va pas se mentir. On fatigue des gauchos blancs qui découvrent la justice depuis 3 mois. On fatigue des boloss qui veulent libérer uniquement les prisonniers « politiques ». Tu crois que c’est pas politique de voler pour manger ? Tu crois que c’est pas politique les toxicos là pour consommation et deal ? Tu crois que c’est pas politique les meufs en longue peine pour avoir riposté et parfois buté leurs mecs violents ? Tu crois que c’est pas politique les travailleuses du sexe qui se retrouvent devant le tribunal pour proxénétisme pour avoir simplement hébergé des meufs qui font le tapin en galère ? Tu crois que c’est pas politique les exilés qui ont refusé de monter dans des avions de déportation et qui se retrouvent en taule ?

Les flics et les juges ne sont rien d’autre que l’extension des politiques de contrôle meurtrières des gouvernements en place. La loi française elle n’est pas sortie des cieux. Elle a été écrite par des hommes, par des blancs, par des bourgeois, là pour protéger leurs intérêts. Alors aucune réforme de ce droit dans ce système ne nous sauvera de la galère, de nos haines, ou de nos détresses.

En attendant, personne capte rien au droit, et c’est fait pour. Au tribunal tous les jours on voit partir des gens qui ne comprennent même pas leur condamnation. Le droit est illisible. On va la rendre compréhensible. Le but de cette page c’est d’outrepasser le conseil des « gens qui savent ». Parce qu’on sait déjà. On sait quand on se fait contrôler par les flics, quand il faut se cacher, quand des proches font de la taule. On sait. Alors le but c’est de partager ce savoir et d’y voir plus clair. Ensemble. Et ensemble de s’organiser contre les flics, les tribunaux, les matons, tout drapés de leur légalité puante. Ici on collectivise, on s’exprime. On veut pas juste faire des fiches techniques, on veut mettre au clair ce que la loi veut dire, politiquement.

Envoyez-nous les questions que vous vous posez, vos coups de gueule de sortie de tribunal et de parloirs. La justice c’est pas à eux, c’est à nous. Nous on a pas l’État, mais on a le Code pénal sous la semelle.

Écrivez-nous à cpsls@riseup.net ou contactez-nous sur notre page Facebook : Code pénal sous la semelle

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