Le 14 mars : rallumer l’étincelle, reprendre les Champs-Élysées

Appel aux Gilets jaunes, travailleurs, lycéens, étudiants, écologistes, féministes, etc.

Un an et demi après l’irruption du mouvement des Gilets jaunes, la grogne reste diffuse et partagée. Chaque déplacement d’un membre du gouvernement s’accompagne d’une perturbation. Macron est pris pour cible au-delà des frontières du territoire hexagonal. Les représentants du pouvoir ne peuvent plus apparaître publiquement sans être hués. Plus personne n’est dupe de l’escroquerie de La République en marche : un parti comme les autres, au service des possédants et des dominants. Aujourd’hui, presque aucun secteur n’est épargné par l’attaque frontale d’un néolibéralisme qui ne se dissimule plus et affiche fièrement son objectif de nous appauvrir au profit des plus riches.

Néanmoins, les colères sont trop souvent localisées et isolées. La force du mouvement des Gilets jaunes a été de poser le gilet jaune comme un signifiant, un cri de ralliement, un objet commun de la révolte qui sommeillait. Après des semaines, si ce n’est des mois, à être mis en échec et à subir l’encadrement policier, il apparaît nécessaire de reposer l’évidence d’un ciblage des lieux de pouvoir afin de donner une orientation tactique à la contestation. Là où les Gilets jaunes ont fait trembler la structure de l’État et des institutions, en contraignant le gouvernement à un recul (provisoire), le mouvement contre la réforme des retraites a vérifié que le nombre n’est pas une donnée suffisante pour soutenir le rapport de force.

Dorénavant, il s’agit de nous poser les questions vitales qui conditionnent notre capacité à sortir de l’apathie, à relever la tête, en regardant droit dans les yeux ce gouvernement et en annonçant la couleur à celui qui suivra. Désirons-nous rester sagement là où le pouvoir nous enferme ou voulons-nous aller au plus près des endroits où se prennent les décisions qui affectent nos vies ?

Le 14 mars 2020 s’annonce comme un acte décisif, non pas qu’il faille le penser comme une finalité, mais dans ce qu’il offre comme possibilité pour rouvrir un horizon où la lutte se pense en-dehors des frontières imposées à la fois par les positions sociales que tout un chacun occupe et par les normes sociales qui cadenassent nos conduites. Reprendre les Champs-Élysées, c’est poser la volonté de se défaire de l’attendu, d’être là où la bourgeoisie ne nous veut pas et réaffirmer que la plus belle avenue du monde appartient à celles et ceux qui font fonctionner la société et assurent sa reproduction. Nous avons conscience de notre force sociale, et des effets que nous pouvons provoquer lorsque nous agissons en commun dans le même but.

Sur nos lieux de travail, dans nos lycées et nos facultés, nos villes et nos quartiers respectifs, il est temps de nous détacher des vieilles formes de la contestation pour reprendre la route de l’invention émancipatrice. Ensemble, nous sommes forts, et cette force ne peut être éteinte par la répression, qui n’a d’autre objectif que de nous effrayer et nous éloigner de nos revendications initiales de justice sociale, économique, fiscale et écologique. Reposer ces questions dans l’espace public est un impératif pour formuler politiquement la question de notre rapport à l’alternative que depuis plus d’un an nous développons d’ores et déjà à différentes échelles : des solidarités partout sur le territoire, sur les ronds-points et ailleurs, cibles permanentes de la police de Macron, des résistances collectives face à la répression, des idées qui se sont expérimentées dans les assemblées et les occupations, bref, la démocratie à la base et un sens tactique de l’intervention politique.

Alors, faisons du 14 mars une date pour relancer la prise d’initiative, par des assemblées locales ou d’autres formes d’organisation. Anticipons les coups de l’ennemi, soyons créateurs, tout en étant attentifs à ses mouvements.

Cette date n’est pas une fin, mais une étape. Le 1er mai 2020 sera la suivante, d’ici là, reprenons les Champs-Élysées, rallumons la flamme et la nécessité d’unifier nos colères pour dessiner un horizon commun.

Note

Appel initialement publié sur Acta

Localisation : Paris

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