La justice et la prison ne régleront pas les violences sexistes et sexuelles

En ce 25 novembre, le Genepi réaffirme que la justice et la prison ne régleront pas les violences sexistes.

En ce jour du 25 novembre, journée de lutte contre les violences faites aux femmes, nous militantes féministes anticarcérales, affirmons que le système police/justice/prison ne nous sauvera pas du patriarcat et qu’il n’est pas une solution aux violences sexistes et sexuelles. Nous nous opposons à ce système qui, même s’il est réformé, échouera à prendre en charge les victimes de violences sexistes et sexuelles.
Sans condamner ou porter de jugement sur les femmes qui ont eu ou souhaitent avoir recours au système pénal, nous affirmons que la justice et la taule sont des outils foncièrement antiféministes et patriarcaux, racistes et classistes, mais également des institutions violentes et précarisantes pour les femmes qui y sont confrontées. Ainsi, nous revendiquons que la question de la taule est éminemment féministe et que le féminisme se doit d’être anticarcéral.

Solidarité avec les femmes enfermées et avec les proches des prisonnier.es

La taule est une institution sexiste, transmisogyne, raciste, classiste. Elle est, en soi, une violence contre les femmes qui y sont confrontées, qu’elles y soient enfermées ou qu’elles soient des proches de prisonnier.es.

Si la majorité des détenu.es sont des hommes ,la prison enferme aussi les femmes. Les femmes qui ne sont pas conformes aux normes genrées du patriarcat sont plus souvent et plus sévèrement sanctionnées par le système carcéral, au regard par exemple de la criminalisation des travailleuses du sexe. Le système police/justice/prison est ainsi un outil de contrôle des femmes, de leur comportement et de leur corps. En taule, les femmes font face à des situations d’incarcération particulièrement précaires. De manière générale, elles souffrent d’un isolement important, étant détenues loin de leurs proches. Cela est exacerbé pour les femmes qui, arrêtées dans les territoires coloniaux français, vont être incarcérées dans l’Hexagone. Les femmes trans font, quant à elles, face à une véritable politique de violence de la part de l’institution carcérale. Elles sont incarcérées, sur la base de la mention de sexe à l’état civil, dans des prisons pour hommes, où elles sont placées à l’isolement pour leur soi-disant sécurité, et sans que leur avis ne leur soit demandé.

La prison enferme, avec les prisonnier.es, leurs proches et les précarise. Pour les proches, l’incarcération entraine souvent la perte d’un revenu. En parallèle, elles et ils doivent envoyer de l’argent en prison afin de subvenir aux besoins de leur proches incarcéré.es. Les proches qui maintiennent des liens sociaux sont dans l’immense majorité des femmes : mères, sœurs, compagnes, amies, etc. A travers l’incarcération, il y a une exploitation du travail des femmes proches. Elles vont prendre à leur charge les contraintes matérielles de l’institution carcérale, elles vont aider de l’extérieur à accomplir diverses démarches administratives et elles vont fournir un soutien moral et émotionnel. Elles se retrouvent également dans des situations d’isolement social du fait de la stigmatisation d’avoir un.e proche incarcéré.e. A la fin de l’incarcération, l’État exige en plus d’elles qu’elles jouent un rôle de « caution de réinsertion ». La prison est une autre façon pour l’État patriarcal de contrôler, de précariser et de discipliner certaines femmes.

Nous, militantes féministes anticarcérales, affirmons notre solidarité avec les femmes incarcérées et avec les femmes proches de prisonnier.es.

La police, la justice et la prison ne nous sauveront pas du patriarcat

Pour nous, militantes féministes anticarcérales, le système police/justice/prison n’est pas une solution pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Non seulement ce système est profondément patriarcal et antiféministe, mais il est également raciste et classiste.

Le système police/justice/prison est destructeur pour les femmes qui y ont recours. Pour que les violences vécues soient reconnues, elles doivent correspondre aux représentations racistes, classistes et sexistes de la justice. Il faudrait ainsi une « bonne victime » (femme cis, blanche, bourgeoise, hétérosexuelle, qui répond aux normes de genre), un accusé faisant partie des groupes visés par le système police/prison/justice et une violation du consentement tel qu’il est défini par la justice sexiste. Il est également attendu des femmes un « bon » comportement, tant vis-à-vis de la réaction aux violences vécues que face au système pénal. Elles doivent ainsi se conformer à certaines attentes de genre et doivent faire correspondre leur récit à ce qui est entendable pour la justice, qui définit pour nous ce que consentir veut dire et ce qu’être agressée signifie. Nos histoires sont disséquées et désavouées et nos affirmations mises en doute. Les femmes sont dépossédées de leurs récits et les violences ne sont que rarement reconnues.
Ainsi, si la peine carcérale peut procurer dans l’immédiat un sentiment de sécurité aux victimes, le système pénal ne favorise aucunement la prise en compte de leurs volontés et de leurs nécessités. En mettant l’accent sur la punition des agresseurs, le système police/justice/prison ne fournit pas aux victimes de violences domestiques de solutions pour y échapper. Il ne prend pas en compte les contraintes économiques qui empêchent de nombreuses femmes de quitter leur foyer. L’omniprésence du débat sur le durcissement des peines éclipse les mesures qui doivent permettre aux femmes de quitter des environnements violents et de ne plus se taire.

Nous, militantes féministes anticarcérales, refusons que notre féminisme et nos vécus justifient et renforcent le système police/justice/prison

Le système police/justice/prison sert le patriarcat, ainsi que l’ordre raciste et bourgeois.
En individualisant et en isolant les violences auxquelles nous sommes confrontées, le système ne remet pas en cause ce qui fonde ces violences : le patriarcat. L’incarcération, et plus généralement l’arsenal des peines de la prise en charge judiciaire des violences sexuelles et sexistes, ne proposent aucune solution aux rapports de domination de sexe qui favorisent l’émergence de ces violences. De plus, la justice, en ne traitant que certains cas de violence, invisibilise tout le continuum de violences faites aux femmes. L’incarcération ne combat pas les rapports de domination qui permettent à la violence patriarcale de s’exercer en toute impunité.
La justice, en condamnant toujours les mêmes et en administrant des peines différentes en fonction des caractéristiques de classe et de race, est également au service des politiques racistes et classistes de l’État. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est instrumentalisée de manière sécuritaire par l’État via le système judiciaire français qui vise et enferme systématiquement les mêmes groupes sociaux.

CRAME LA TAULE ET CRAME LE PATRIARCAT !
MINISTES ANTICARCÉRALES TANT QUIL LE FAUDRA !

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