Samedi 25 mars au soir. Des centaines de grenades explosives ont été tirées à Sainte-Soline. Deux manifestants sont dans le coma, le premier bilan fait état de 80 blessé·es graves. Gérald Darmanin enclenche la machine à mensonges : « Non, aucune arme de guerre n’a été utilisée à Sainte-Soline. Seules des armes intermédiaires ont été utilisées ». Le ministère de l’Intérieur a patiemment mis en place tout un arsenal sémantique pour faire croire au public (et peut-être à ses troupes) que la grenade « GM2L » et sa jumelle « ASSD » ne sont pas dangereuses.
L’argumentation ministérielle se déploie en trois points : la GM2L ne produirait « aucun éclat », serait fabriquée « sans explosif » et serait « sans effet de souffle ». Pour analyser ce discours, nous nous sommes procuré la seule expertise judiciaire effectuée sur cette grenade en France. Sauf erreur, Alban*, qui a eu sa main arrachée à Redon en 2021, est le seul à avoir obtenu une telle expertise dans le cadre de l’enquête sur les causes de sa mutilation (voir méthodo ci-dessous). Pour en finir avec ces grenades, il faut d’abord en finir avec la langue du déni. Revue de détail.
Une grenade « sans éclats » ?
D’après son fabricant Alsetex, la grenade GM2L ne produit « aucun éclat lors de son fonctionnement ». L’expertise réalisée pour le cas d’Alban se montre un peu plus prudente. Pour les experts, « les nouvelles grenades GM2L sont censées produire encore moins d’éclats » que la GLIF4 son ancêtre (nous soulignons). Ils rappellent que les GLI F4 « étaient déjà des grenades dites "sans éclats" ».
En fait, la mauvaise blague remonte à loin, comme l’explique le site Desarmons-les : la grenade OFF1, mise en service en 1976 était déjà elle-même « censée être "sans éclats", ce qui ne l’empêchera pas de faire des morts ». C’est elle qui a tué Rémi Fraisse. A chaque fois, les fabricants vantent les matériaux légers qui composent le corps de la grenade. Les experts saisis du dossier d’Alban précisent : « ces éclats seront petits et légers de manière à être très rapidement ralentis par la résistance de l’air ».
Il n’en demeure pas moins que ces éclats sont projetés à une vitesse initiale de plusieurs TGV (plusieurs milliers de mètres / seconde). Comme le montrent les photos prises par le site maintiendelordre.fr, les GM2L font bien des éclats en explosant. En outre, les éclats peuvent provenir d’autres objets situés près de l’explosion de la grenade. Lors de l’hospitalisation d’Alban, l’équipe médicale a photographié ses jambes. Les experts notent que les membres inférieurs sont « tatoués d’impacts ». Par ailleurs, de multiples brins de tissus ont pénétré son pouce. Ils se sont « amalgamés avec des éléments anatomiques ».