En ce moment encore plus que d’habitude, vous pouvez appeler les cabines des CRA pour témoigner de votre solidarité. Si vous ne l’avez jamais fait et que vous vous demandez quoi dire, voilà quelques idées : Soutenir les retenu·e·s – numéros et adresses des CRA
SITUATION LE 10 AVRIL/
La machine à expulser n’arrive plus à expulser comme elle le voudrait, et les CRA montrent leur vrai visage : celui de la prison pure et simple, pour enfermer les personnes qui n’ont pas les bons papiers. Peu importe si les sans-papiers ne peuvent pas être déporté·e·s, si le fait de les entasser dans des cellules augmente le risque qu’iels chopent le virus, s’iels sont encore plus isolé·e·s que d’habitude, dans des conditions qui étaient déjà merdiques et dangereuses. Il faut continuer à enfermer, tant pis pour elleux s’iels crèvent. Les CRA, servent à punir les sans-pap, à leur faire peur, à les humilier, à les torturer. Si la plupart de ces taules pour sans-papiers sont actuellement fermées, d’autres continuent de fonctionner malgré la pandémie. C’est une manière pour l’état, les tribunaux, les flics et les préfectures de dire : « Vos vies valent moins que rien ». Virus ou pas, le racisme d’État fonctionne toujours très bien.
Les tribunaux continuent à faire ce qu’ils faisaient avant : empêcher les gens de sortir, renouveler la période d’enfermement pour un mois de plus. Les violences et les insultes de la part des flics sont toujours les mêmes. Pour le reste, la situation a empiré : depuis le début du confinement, les parloirs sont interdits, la bouffe et l’accès aux soins sont devenus encore plus pourris, les cellules et les salles communes sont hyper sales. Rien d’étonnant si certains prisonnier·ère·s ont chopé le virus. Le dernier, hier (9 avril) à Vincennes.
Le risque de contagion augmente la peur et la rage des prisonnier·ère·s. Des luttes éclatent : les résistances face aux keufs sont quotidiennes, des mobilisations collectives revendiquent la libération de tout le monde et dénoncent les conditions sanitaires dégueulasses, des grèves de la faim sont lancées régulièrement, des témoignages et des communiqués sortent pour faire connaitre à l’extérieur ce qui se passe dans les centres.
Que faire pour les soutenir ? Aujourd’hui, être solidaires avec les prisonnier·ère·s et lutter contre la machine à enfermer est encore plus difficile qu’avant. Appeler les cabines est toujours important. On peut aussi tenter d’autres petits gestes pour rappeler aux individus qui permettent aux CRA de continuer à fonctionner qu’on ne les aime pas, et pour essayer de les faire chier un peu. Par exemple, en continuant le mail bombing contre les préfectures (ci-dessous l’appel audio à faire tourner et le texte à envoyer avec les adresses mails).
Sur le lien difficile avec l’extérieur
Comme pour tous les lieux d’enfermements (EHPAD, HP, taules, etc.), les parloirs sont fermés depuis le 17 mars. Depuis cette date, aucune intervention officielle n’a été faite sur les centres de rétention. Sans parloirs, pas de possibilité de récupérer de l’argent pour cantiner (faire des achats type clope, crédit téléphonique ou gâteaux) et des habits (témoignages sur ça ici).
Les keufs de la PAF continuent d’essayer de briser les liens de solidarité, par exemple en transférant un prisonnier du CRA de Lille « trop soutenu » par sa famille ( qui apporte des affaires) dans un autre CRA très éloigné, ou encore, en réprimant encore plus les retenus du Mesnil-Amelot lorsqu’ils ont repérés qu’ils parlaient au téléphone avec des solidaires.
Dans beaucoup de CRA, les cabines sont hors service ou les numéros invalides. Alors qu’il n’y a plus de visite possible, au CRA de Cornebarieu-Toulouse, par exemple, les prisonniers ont été regroupés dans le bâtiment dont la cabine ne fonctionne pas.
Sur la « Justice »
Les possibilités de se défendre pour les prisonnier·ère·s déjà quasi inexistantes en temps normal se réduisent encore : dans la majorité des centres, la préfecture à mis en place des jugements par visioconférence, ce qui était déjà une tendance avant le confinement. Lors de ces audiences en visio, les prisonnier·ère·s ne peuvent pas s’exprimer et ne peuvent pas échanger avec leurs avocat·e·s.
À la prison du Mesnil-Amelot, les jugements se font sur requête, sans la présence des prisonniers, qui n’ont aucune communication avec leurs avocat·e·s commis d’office en commun et qui ne sont informés que des dates de jugements puis du résultat au micro.
Certains CRA ont été vidés depuis le début du confinement, comme en ce moment à Metz, Bordeaux, Nîmes, Nice, Strasbourg, Sète, Hendaye, ou Marseille. Mais ils rouvrent parfois pour transférer des personnes sortant de prison qui y sont enfermé·e·s pendant quelques jours avant d’être libérées avec assignation à résidence.
Dans les CRA qui restent ouverts, certains bâtiments fermés les semaines précédentes rouvrent : à Lille alors que la semaine dernière un seul bâtiment était ouvert, un deuxième l’a été il y a quelques jours et un troisième le sera bientôt.
Il resterait plus de 170 prisonniers dans les CRA : une cinquantaine à Vincennes, une quarantaine à Mesnil-Amelot, une quarantaine à Lille, une dizaine à Oissel, 5 à Toulouse, une trentaine à Lyon.
Les associations qui font du soutien juridique dans ces prisons ont fait des vagues de DML (demande de mise en liberté) pour tous les prisonniers en s’appuyant à la fois sur la fermeture des frontières (et donc l’impossibilité d’expulser) et les conditions sanitaires. Dans les 10 premiers jours, les juges ont libéré massivement : il reste aujourd’hui 170 prisonniers contre plus de 1400 le 16 mars.
Fin mars, ces mêmes associations font un référé devant le Conseil d’État pour demander « la fermeture temporaire des CRA », qui est rejeté le 27 mars. Depuis, il y a de moins en moins de libérations, les juges considérant qu’il n’y a plus de risques de contamination dans les CRA parce qu’il y a moins de prisonnier·ère·s enfermé·e·s. À Vincennes, l’asso à l’intérieur a fait une 2d vague de DML (demande de mise en liberté) massive, mais tout a été rejeté et les recours aussi. S’il y a eu des libérations et des prisons qui ont été vidées, les préfectures ont tenté de continuer à y enfermer un maximum de personnes et d’expulser tant que c’était possible.
La préfecture continue de maintenir des prisonnier·ère·s enfermés plusieurs semaines avant le confinement et toujours pas libérés (la rétention maximale en France est de 90 jours), mais aussi depuis des personnes qui sortent de prison ou encore des personnes arrêtées dans la rue suite à des contrôles, car le confinement a encore renforcé les contrôles d’identité et arrestations arbitraires.
Bref, le CRA reprend son fonctionnement habituel. Certains CRA se remplissent même ces derniers temps : au Mesnil-Amelot, une dizaine de personnes arrive chaque jour. Du coup, le bâtiment 12 a été rouvert et ils sont maintenant de nouveau à 3 ou 4 par chambre ; à Vincennes chaque jour il y a, à nouveau, plus d’arrivées que de libérations.
Ce sont toujours les mêmes personnes qui subissent les contradictions d’un État raciste : à la fois obligées de travailler pendant cette période alors que la plupart de la population est confinée, et ciblées par les contrôles récurrents, par la répression et par l’enfermement.
Sur les soins et l’hygiène
Comme on l’a déjà dit plus haut, les prisonnier·ère·s font déjà face en temps normal aux refus de soins voire à des ruptures de traitement, désormais c’est pire encore. Beaucoup de personnes enfermées en ce moment ont des états de santé considérés à risque (cancer, diabètes, etc.) et ne bénéficient pourtant d’aucune protection particulière.
Actuellement au Mesnil-Amelot, un retenu qui a la maladie de Charcot a été enfermé entrainant une interruption brutale de ses traitements quotidiens. Il avait obtenu du juge une remise de peine pour ses 3 derniers mois de prison suite à un examen à l’hôpital de Fresnes qui le jugeait particulièrement à risque en cas de contamination. Alors que des matons l’ont encouragé à appeler sa famille pour venir le chercher à la sortie, il se retrouve face aux flics de la PAF et transféré directement au CRA. À l’audience JLD (juge des libertés et de la détention) il a été prolongé sous prétexte qu’il n’avait pas de certificat médical, audience à laquelle il n’était pas présent ni au téléphone ni en visioconférence. On développe ici un cas, mais cette situation n’a rien d’une exception.
Les prisonniers enfermés n’ont pas accès à des tests, mais pour autant sont prolongés, car les juges considèrent qu’il n’y a pas de risque de contamination. C’est carrément du foutage de gueule : dans les CRA les mesures sanitaires ne sont pas respectées du tout.
Les conditions d’hygiène sont désastreuses, comme le confirment des photos sorties du CRA de Lille. Ou encore, à Oissel la semaine dernière tous les retenus étaient cloués au lit, sans aération des chambres, sans aucune protection, sans informations.
Enfermer et laisser des gens enfermés dans ces prisons est, d’autant plus en ce moment d’épidémie, un choix politique : les préfectures et l’État ont décidé de « courir le risque » de laisser, et même faire, crever des sans-papiers.
Luttes
Au CRA du Mesnil-Amelot, le 30 mars au matin quasi tous les retenus étaient en grève de la faim et ont écrit un communiqué qui appelle les journalistes et les gens à l’extérieur à se saisir de la question. Le lendemain (31/03), les prisonniers demandent aux associations de relayer un maximum leur communiqué, de contacter la préfecture pour exiger la fermeture du centre, de contacter des journalistes pour que les prisonniers soient entendus dehors. Le 2 avril, certains retenus sont toujours en grève de la faim.
Dans le même temps à la prison pour sans-papier de Lesquin vers Lille, la majorité des personnes enfermées vont se mettre en grève. Depuis, rien n’a changé, toujours très peu de libérations et de plus en plus de personnes enfermées. Pas mal de retenus expriment un gros coup au moral, n’ont plus la de force pour lutter et perdent espoir. Ils expliquent que la solidarité entre prisonniers est mise à l’épreuve par la maladie, comme c’était le cas aussi à Oissel la semaine dernière alors que quasi tout le monde était malade.
Le 9 avril quasiment tous les prisonniers (34 sur 38) du centre de Lesquin se remettent en grève de la faim pour exiger des réponses de l’administration et que soient mises en place des mesures de prévention face au COVID, que les prisonniers puissent cantiner.
Hier, on a eu l’info qu’à Vincennes un prisonnier est malade et alors que les flics mêmes ont été obligés de confirmer qu’il s’agissait du Covid–19, il n’a pas été hospitalisé, mais mis en isolement ! Enfermé depuis plus d’un mois, il a forcément été contaminé au centre. Les prisonniers du bâtiment 2A ont alors commencé à gueuler et à foutre un peu le bordel, suite à quoi ils ont reçu des masques. Ils refusent d’être mis dans des cellules individuelles comme les flics l’ont demandé : « maintenant c’est trop tard, pourquoi vous n’avez pas fait ça avant ? ». Ils ont refusé collectivement de manger, ils paniquent et ils sont vénérs.
La quasi-totalité des retenus du 2B ont refusé collectivement les masques ainsi que d’être divisés individuellement dans les chambres. Les prisonniers captent bien le foutage de gueule, que porter des masques n’aurait pas de sens parce que ça fait deux mois qu’ils sont enfermés ensemble sans aucune précaution. La seule possibilité c’est la libération.
Alors que des solidarités se tissent à l’intérieur et les luttes continuent, le contact avec l’extérieur est désormais encore plus difficile et que la répression des flics est rendue encore plus invisible.
Même si on est confiné·e·s, soutenons-les !
Libération immédiate de tou·te·s les prisonnier·ère·s !
Virus ou pas, disparition des CRA !
La parole des prisonnier·ère·s à faire circuler au max :
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Article initialement publié sur abaslescra.noblogs.org et bientôt dispo en anglais