La pire des menaces, c’est celle qu’on veut oublier : la catastrophe nucléaire.
Ce n’est pas parce que le nucléaire a depuis longtemps disparu des discours médiatiques et que la peur qu’il inspire est refoulée que le problème a cessé d’exister : avec 58 réacteurs vieillissants en fonctionnement, et malgré toute la « culture de la sûreté » dont le pouvoir se gausse, la France est désormais la première candidate à une catastrophe nucléaire. Même les autorités reconnaissent que le risque existe, après l’avoir longtemps nié. Pour autant, rien de sérieux n’est fait pour protéger la population dans cette éventualité : quand se produira notre Fukushima, ce sera le sauve-qui-peut généralisé, une vaste portion de territoire se verra gérer militairement et une partie de la population sera délibérément exposée à des niveaux sévères de radioactivité.
Mais avant même la catastrophe annoncée, tous les jours des travailleurs se font contaminer en silence dans les centrales, tous les jours des matières radioactives circulent sur les routes et les voies ferrées de France, régulièrement des « incidents » (forcément « sans conséquences ») sont signalés dans telle ou telle centrale. De fait, le niveau de radio activité ambiante ne cesse de croître. Et si on les laisse faire, le démantèlement des réacteurs obsolètes et la « gestion » impossible des 1,5 millions de mètres cubes de déchets radioactifs déjà produits multiplieront bientôt les occasions d’exposition aux rayonnements ionisants des travailleurs du nucléaire et des populations avoisinantes.
La première urgence, c’est l’arrêt immédiat du nucléaire
Contre les risques du nucléaire, il n’y a pas de remède qui tienne. La seule chose que l’on peut encore faire, c’est les obliger à limiter au maximum les dégâts. Donc, d’abord et avant tout, lutter pour obtenir l’arrêt immédiat de tous les réacteurs, afin d’éliminer le risque de catastrophe. Et, puisque dégâts radioactifs il y a, les contraindre à opter pour les solutions les moins folles et les moins porteuses de risque de contamination – pour les travailleurs (les éternels oubliés) et pour la population, celle d’aujourd’hui et celle de demain. Autrement dit : démantèlement différé tant qu’on ne sait pas faire, stockage en surface, sous surveillance, plutôt qu’enfouissement des déchets.
Croire qu’il est plus simple et plus efficace de faire porter ses efforts sur les énergies renouvelables que de lutter contre le nucléaire, c’est faire fausse route. En effet, les montagnes d’argent public qu’absorbe la gestion des installations nucléaires et de leurs déchets sont autant de sommes soustraites au développement des énergies douces, puisque, aux yeux du pouvoir, celles-ci ne peuvent être, au mieux, qu’un complément à l’électricité nucléaire. Sans compter que, le jour où la catastrophe surviendra, tous les scénarios « alternatifs » seront disqualifiés par la priorité à la gestion de l’urgence.
L’efficacité, c’est reconstruire un rapport de forces
Face à l’opposition au nucléaire, le pouvoir a d’abord choisi la répression, mettant ainsi en échec la plupart des luttes des années 70-80 contre la construction des centrales. Mais une fois celles-ci construites et le programme nucléaire installé, il a préféré désamorcer la contestation en multipliant les cercles locaux de « concertation », où les militants se sont épuisés dans des batailles à huis clos entre experts. Ainsi la contestation du nucléaire est-elle devenue peu à peu l’affaire de militants spécialisés, et, accompagnant en cela le reflux général des luttes, s’est en partie focalisée sur des recherches d’alternatives énergétiques « crédibles » – autrement dit compatibles avec le modèle productif hyper-consommateur qui nous est imposé. Du coup, ceux qui tentent encore de se battre sur le terrain contre de nouveaux projets le font dans un rapport de forces si défavorable que toute résistance semble condamnée d’avance.
Concrètement ? Retrouver tous le chemin de la lutte
Soyez positifs, soyez concrets, nous dit-on à présent. Mais quoi de plus concret que la lutte ? Le nucléaire se rappelle régulièrement à nous par ses dégâts récurrents. Pour s’en tenir à l’Ile-de-France et à ce que l’on sait, des écoles sont construites sur des terrains radioactifs (ex. : Nogent-sur-Marne) ; des fuites radioactives se produisent dans les hôpitaux, contaminant les égouts (Villejuif, nov. 2012), des camions et des trains circulent régulièrement sur les routes et les voies ferrées de nos banlieues (comme l’a révélé l’accident ferroviaire de Drancy en décembre 2013), une multiplication des cancers s’observe autour de l’ancienne carrière de Vaujours, où le CEA a fait ses premiers essais d’explosion nucléaire et que Placoplâtre prétend maintenant réexploiter... Sans oublier l’existence, à 80 kilomètres de Paris, de la centrale de Nogent-sur-Seine, dont l’explosion contaminerait durablement toute l’agglomération parisienne.
Autant de possibilités de cibler, de faire percevoir et de combattre concrètement la menace atomique, par nature invisible et diffuse, que l’on voudrait nous faire oublier. Autant de raisons et d’occasions de mobiliser, en dénonçant les ravages actuels et potentiels du nucléaire et en clamant haut et fort que la première urgence, c’est de mettre fin à sa production, partout et tout de suite.
Le jour de la catastrophe, aucune transition douce ne sera possible : arrêt immédiat du nucléaire !
Collectif contre l’ordre atomique
(contre‐lordre‐atomique@riseup.net)