28 mai 2022
Le Théâtre Nout a été expulsé de manière inattendue le vendredi 27 mai aux alentours de 9h30 du matin. L’expulsion est advenue trois jours après avoir reçu le mail de notre avocate annonçant la volonté du propriétaire de se positionner sur un accord amiable : un départ volontaire le 30 juin, qui nous aurait permis de trouver calmement des solutions de relogement pour toustes les habitantes.
Cette opération d’expulsion s’est déroulée dans un soi-disant calme comme le dit la mairie dans son communiqué, obligeant les habitant.es à sortir du lieu en y laissant une partie de leurs affaires personnelles. Alors que le propriétaire affirmait vouloir réhabiliter le lieu pour offrir l’espace à des associations et artistes, c’est dans le chaos que les habitantes ont du se faufiler, 30 minutes durant, pour tenter de sauver quelques affaires. Sur le toit une société était en train de démolir certaines parties du lieu, faisant éclater verrière et tuiles. Ces opérations de destruction ont empêché d’une part aux habitantes de récupérer leurs affaires qui sont légalement censées être placées dans un hangar de stockage temporaire, mais aussi témoignent de la volonté des organismes décisionnaires de rendre ce lieu inhabitable et inaccessible. De plus, dans cet élan de destruction, les espaces adjacents se sont vu être détruis de la même manière, échappant de justesse à un accident puisque les personnes y travaillant n’étaient heureusement pas à l’intérieur à ce moment-là.
Ces lieux qui sont loués à des artistes sont à présent en lambeaux. Cette opération d’une violence exacerbée, qui a pu être observée tant par la police, le propriétaire que les services de la mairie à failli se prolonger sur celle du nouveau lieu occupé depuis le vendredi 20 mai. Se situant dans la même rue, les forces de police ont également tenté d’expulser ce dernier, d’une manière qui aurait donc été illégale. Le vandalisme communément attribué aux squatteureuses n’est qu’une formule stigmatisante qui ici a été explicitement employée par le propriétaire et celleux qui profitent de la spéculation de la propriété privée pour s’enrichir.
Le théâtre a reçu des critiques infondées encouragées par les représentant.e.s de la mairie et les ancien.nes employé.es de la municipalité. Ces propos qualifiaient d’une manière stigmatisante les habitant.es de simples squatteureuses, passant sous silence toute la dimension sociale et politique.
En effet, ce lieu a permis au collectif de créer des liens fort avec le voisinage, mettant en place des distributions à prix libre de fruits et légumes, des permanences et suivis juridique en droit des étranger.ères. Différents ateliers s’y sont également développés comme des ateliers collectifs de réparation de vélo, d’autodéfense féministe ainsi que des cantines et autres évènements de soutien à prix libre. Ce lieu a ouvert ses portes à différents collectifs leur permettant de s’y organiser et d’avoir accès à un espace que ces groupes n’auraient pas ou difficilement pu trouver ailleurs.
Les personnes qui ont pris le temps de passer au théâtre ont pu observer que les membres de ce collectif proviennent d’horizons très différents, ayant des besoins divers. Cet espace d’habitation hétéroclite a accueilli des personnes en situation de mal-logement ou en situation administrative précaire. Parmi elles, une famille composée de deux enfants s’est installée dans le théâtre, ainsi qu’une famille de nationalité polonaise ayant elle-même vécue une expulsion, et, s’étant retrouvée délaissée par les services de la municipalité. Initialement accompagnée au théâtre par une employée du CCAS, cette dernière s’est vu refuser toute prise en charge par la mairie ou le département durant un an et demi. N’obtenant aucun accès à une habitation adaptée à leurs besoins, iels ont été accueilli.es au théâtre. La récente solution de relogement à l’initiative de la mairie ne leur aura été opportunément proposée qu’une semaine avant l’expulsion du lieu. Cela illustre l’intérêt non assumé que la mairie pouvait bel et bien trouver dans les actions de ce collectif.
Différents propos affirmaient que le collectif du théâtre refusait d’accueillir ces personnes, alors que ce n’est évidemment pas le cas, et que de nombreux liens forts ont été créés avec les personnes qui le désiraient. Il est vrai que certaines personnes qui en avaient besoin n’ont pas pu être accueillies, d’une part car le théâtre était sous la menace d’une expulsion depuis fin mars, rendant tout accueil bien plus violent, et d’autre part car l’espace du lieu était limité. Ce lieu, reposant sur des moyens minimes, ne peut en aucun cas remplacer la collectivité locale ou l’état dans son devoir de subvenir aux besoins et apporter l’aide demandée aux personnes qui y font appel.
Ce lieu n’ayant pas les moyens équivalents de ceux que pourrait mobiliser un organisme étatique, que ce soit en termes de soutien médical, de présence pour des personnes ayant des troubles psychiques, voire de prise en charge des situations d’addiction, il ne peut en aucun cas être mis en parallèle avec l’action de ces organismes, qui sont payés et formés pour les réaliser.
Et pourtant, l’entraide autonome et l’autogestion développée autour de ce collectif est apparue comme plus viable que les potentielles actions de l’état.
Face aux mensonges et aux attaques injustes que nous subissons, nous revendiquons le droit de nous défendre publiquement.
Qu’au printemps fleurissent les squats !
Des habitant.es de l’Ile-Saint-Denis