Cercle de Résistance : parler de ce qu’on tait

Le Cercle de Résistance défend les migrants à travers tracts, pancartes et prises de paroles et témoigne des véritables causes et effets des migrations. Rassemblant moins de participants qu’à ses début, son avenir semble en péril malgré l’importance de son action.

“Être « sans papiers » n’est pas un délit, c’est une situation administrative !”

Victimes de préjugés et d’amalgames des plus absurdes, les migrants sont instrumentalisés par des politiciens de tous bords (ou presque).
Ils comptent parmi les membres les plus vulnérables de notre société, n’ayant, de fait, aucun droit, soit par la méconnaissance de ceux-ci soit par la difficulté à les exercer (problème de langue, refoulement avant jugement...).
L’action des institutions et des associations qui tentent de gérer leur arrivée et de leur venir en aide pâtit à la fois de l’indifférence et de l’ignorance.
Informer et témoigner des véritables causes et effets des migrations, ainsi que déconstruire de nombreux mythes, s’avère donc déterminant.

Depuis bientôt 7 ans, des personnes se réunissent, mensuellement, sur le parvis de la gare RER Denfert-Rochereau, afin de former un Cercle de Résistance. Inspiré des Cercles de Silence, cette forme alternative propose, en plus de pancartes et tracts, des prises de paroles. Pariant sur le fait qu’il est plus dur d’ignorer la parole que l’image, le Cercle de Résistance diffuse des textes traitants, sous diverses approches, des migrants et des migrations : des articles de presse, des témoignages, des analyses, des rapports, des décisions de justice, des avis du Défenseur des Droits, des délibérations des institutions européennes etc.
Les initiateurs du Cercle de Résistance se sont inspirés de luttes politiques non-violentes antérieures, très conscients qu’il y avait un droit de manifester, de s’exprimer, à exercer et à maintenir vivace.

Sur les tracts du Cercle de Résistance, on retrouve les thèmes suivants :
Soutien des étrangers et des demandeurs d’asile afin qu’ils puissent faire valoir leur droits et exigence d’une politique migratoire respectueuse de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

  • Condamnation des interpellations au faciès.
  • Refus de la « chasse » aux Rroms et aux étrangers ainsi que de l’enfermement d’hommes, de femmes et d’enfants dans des Centres de Rétention Administrative (CRA).
  • Refus de leur expulsion, alors qu’ils sont nombreux à être exposés à de graves dangers dans leurs pays où les causes de leur exil demeurent.
  • Refus du démantèlement des familles et du placement des mineurs en rétention, d’ailleurs condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
  • Dénonciation des mensonges de ceux qui veulent faire des immigrés les boucs émissaires responsables de tous les maux alors que les étrangers vivent ici, travaillent ici, cotisent et enrichissent notre pays.
  • Demande de régularisation des étrangers, travailleurs, parents d’enfants scolarisés ou étudiants.
  • Témoignages sur les luttes menées par les organisations de personnes que révoltent certaines lois et certaines pratiques violentes de l’État, indignes d’un pays se déclarant une démocratie.
  • Contestation de la politique européenne de fermeture sélective des frontières et de leur militarisation.Les budgets européens seraient mieux utilisés pour l’accueil social des migrants que dans le business de la surveillance militaire, de la rétention et de la punition.
  • Affirmation que la diversité économique, culturelle, humaine est une richesse et que les atteintes à la dignité de quelques uns blessent tous les hommes dans leur humanité.

    Présence du Cercle de résistance à l’Alternatiba COP 20 à l’Île St Denis

Lorsque les participants du Cercle de Résistance sont amenés à dialoguer avec des passants, ils sont confrontés à de nombreux préjugés.

Beaucoup affirment qu’il y a de plus en plus de migrants en France et qu’on ne peux pas accueillir « toute la misère du monde ».
A cela on peut répondre que la plupart des migrations mondiales se font entre pays proches. 60% de migrations s’effectuent du Sud au Sud. Avec une population française croissante, la proportion d’immigrants reste stable depuis 40 ans.
N’oublions pas que les migrations clandestines sont toutes forcées. En effet, ce sont, presque toujours, les conflits, l’injustice, la misère, ou les changements climatiques qui poussent à migrer.
Les nations occidentales ont exploité économiquement des colonies et lorsqu’elles s’en sont retirées, y ont laissé des pouvoirs fantoches, corrompus et manipulables, ainsi que des structures économiques rendant les échanges défavorables aux pays pauvres. Les entreprises multinationales installées dans les ex-colonies ont repris les habitudes de pillage, de pollution, en s’appuyant sur des castes prédatrices, hostiles à tout partage des richesses, pour engranger d’importants bénéfices à court terme. Les états où sont domiciliées ces entreprises n’hésitent pas à les appuyer politiquement ou militairement.
Pour lutter et s’opposer à ces pratiques, bien des opposants déclarés sont obligés de s’exiler. Pensant sortir de leur misère, de leur manque d’avenir, d’autres « votent avec leurs pieds », essayant de construire leur vie en Europe.
En somme, si l’on ne veux pas accueillir une (infime) partie de « la misère du monde », il faut que nos dirigeants cessent de soutenir ceux qui pillent « toute la richesse du monde ».

De nombreux passants affirment aussi que les migrants « sans papiers » s’accaparent le travail de citoyens français.
Une fois encore, il y a plusieurs clichés à abattre.
La population française vieillissante provoque un besoin de main d’oeuvre jeune, peu qualifiée. C’est un fait dont sont conscients les politiciens, mais la majorité d’entre eux refusent de l’admettre car les migrants sont des boucs émissaire tout désignés dont ils rechignent à se priver.
La libéralisation du marché et les dérégulations que cela a entraîné on fait que près de 17% des emplois vacants en France ne sont pas accepté par les Français car trop pénibles et trop mal payés. Ce sont ces emplois que prennent les ouvriers « sans papiers ».
Les grandes entreprises (à commencer par les secteurs du bâtiment, de la restauration, du nettoyage, des services) ne s’y trompent d’ailleurs pas car elles sont friandes de cette main d’oeuvre silencieuse et jetable.
Le problème ne vient donc pas des migrants mais bien des atteintes faites au Code du Travail et plus généralement, de la libéralisation du marché et de la remise en cause des acquis sociaux.

Ces thèmes et bien d’autres sont abordés lors des Cercles de Résistance, mais ce type de manifestation est en régression. Malgré de fortes participations lors de sa création, le Cercle de Résistance n’a plus, aujourd’hui, que de faibles effectifs. Pour les nouvelles générations militantes, les pratiques et les façons de réagir ont changé de formes, on se réfère plus aux réseaux sociaux qu’aux tracts. Désabusés ou simplement fatigués, certains anciens ont quitté le cercle, tandis que le le silence des médias quant au sort des migrants n’a pas suscité une relève.
Il est pourtant, plus que jamais, important de poursuivre la lutte. Défendre les plus faibles c’est aussi nous défendre tous. N’oublions pas les paroles du poème du pasteur Niemöller (1) et souvenons-nous que si la répression s’attaque d’abord aux plus vulnérables, elle ne s’arrête jamais là.
Si les nouvelles formes de communication sont un atout à exploiter, il est néanmoins important de ne pas négliger le contact direct cela permettant de maintenir une dimension humaine à la lutte. Le moyen le plus efficace de changer le monde n’est-il pas que chacun agisse d’abord dans son entourage et sa commune ?
Les membres du Cercle de Résistance espèrent que cet article poussera certains de ses lecteurs à se joindre à eux. Ils seront chaleureusement accueillis.

Le Cercle de résistance sera présent lors de la Semaine Anti-Coloniale (2) (à la Bellevilloise du 14 au 15 février 2015) où sera tenu un stand. Nous espérons ainsi éveiller des vocations et, qui sait, peut-être aider à la formation de nouveaux Cercles de Résistance.

Prochain Cercle de Résistance :
Jeudi 29 Janvier sur le parvis de la Gare RER Denfert-Rochereau, de 18h30 à 20h00.
Plus d’informations, recevoir une newsletter, notre site : http ://www.cerclederesistance.fr .

Notes :
(1) Ce texte est lu à chaque fin de cercle :
Quand ils sont venus chercher les communistes, JE N’ETAIS PAS COMMUNISTE.
je n’ai rien dit ;
Quand ils sont venus chercher les juifs, JE N’ETAIS PAS JUIF.
Je n’ai rien dit ;
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, JE N’ETAIS PAS SYNDICALISTE.
Je n’ai rien dit ;
Quand ils sont venus chercher les catholiques, JE N"ETAIS PAS CATHOLIQUE.
Je n’ai rien dit ;
PUIS, ils sont venus me chercher,
ET IL NE RESTAIT PLUS PERSONNE POUR PROTESTER !
Pasteur NIEMÖLLER, 1942, traduction de l’oral.
(2)http://anticolonial.net/

Note

Sources et compléments :

  • Atlas des migrants en Europe - Géographie critique des politiques migratoires
    association MIGREUROP - observatoire des frontières (réseau européen d’associations)
    http://www.migreurop.org/
  • Atlas des migrations : Un équilibre mondial à inventer
    Catherine Wihtol de Wenden, Madeleine Benoît-Guyod (Cartographe)
    Editions Autrement Collection Atlas/Monde, 2012
  • Le droit d’émigrer
    Catherine Wihtol de Wenden
    CNRS éditions 2013
  • Pour une politique ouverte de l’immigration
    Conseil scientifique d’Attac
    Éditions Syllepse, 2009
  • Réseau éducation sans Frontières : http://www.educationsansfrontieres.org/
  • La Cimade : http://www.lacimade.org/
Localisation : Paris 14e

À lire également...