Brigades spécialisées de terrain : programmées pour traquer

La police est-elle sans foi ni loi ? Elle a en tous cas beaucoup de moyens et de droits. Ces dernières années, l’appareil répressif français s’est doté de nouvelles unités de maintien de l’ordre, avec des missions et des territoires de déploiement privilégiés, et choisi d’assouplir les modalités d’exercice du métier, notamment les conditions d’ouverture du feu en situation de « légitime défense ». Une enquête de Lundi.am

La loi « relative à la sécurité publique » de février 2017 qui assouplit largement les conditions d’ouverture du feu des policiers n’en finit pas de produire son cortège de drames. Le nombre de morts s’accélère. En 2022, pas loin d’une dizaine de personnes sont mortes, tuées par des agents après des « refus d’obtempérer ». Si tous les morts ne sont pas imputables à la BST, la plupart viennent d’unités de police « d’exception » (comme les BAC). Cette recrudescence des comportements de cow-boys (je tire d’abord, je pose les questions ensuite) peut faire craindre une évolution de la situation « à l’américaine ». Là-bas, les police officers ont encore moins d’hésitation à plomber des conducteurs durant des contrôles, même ceux qui s’arrêtent (et surtout s’ils sont Afro-américains [1]).

D’autant que devant l’absence de réaction de « l’opinion », d’organisations des droits de l’homme, d’organisations de gauche, et devant la marée de commentaires haineux qui suit chaque claquement de feu – entre appel à « remettre les racailles dans le droit chemin » (à balles réelles) et louange de chacune de ces exécutions (« vu le laxisme de la justice, il est normal que la police s’occupe de ces délinquants de cette manière ») – la liste risque encore de s’allonger dans les prochains temps...
Flashback

Dans la nuit du 18 au 19 août 2022 un équipage de quatre policiers de la BST de Vénissieux retombe sur une voiture signalée volée. Une semaine auparavant, une course poursuite s’était déjà engagée avec la wago suspecte, mais ils avaient été semés par le même conducteur. Cette fois les filles de l’air n’allaient pas s’en tirer comme ça : le véhicule suspect se trouve bloqué sur le parking de Carrefour pour un « contrôle ». Le chauffeur retente sa chance:une marche arrière pour se dégager, une marche avant pour se tracer. Un des policiers se retrouve accroché au pare-brise, un autre reste sur le côté et les deux tirent. Le passager et le conducteur, Adam et Raihane, sont mortellement touchés. Des renforts de police arrivent alors en masse et évacuent les autres voitures présentes sur place. Circulez, y’a rien à voir.

Deux semaines plus tard, même chorégraphie. Un Roubaisien de 23 ans est tué dans des circonstances similaires à Neuville-en-Ferrain, près de Tourcoing, par une patrouille de la BAC. Le passager finit en garde-à-vue pour « complicité de refus d’obtempérer ». La presse locale rapportait :

« Alors que les policiers s’approchaient, et après qu’un fonctionnaire a réussi à ouvrir la portière avant, le conducteur a, selon le parquet de Lille démarré et percuté "sur le côté" l’un des policiers, selon la source policière ».

Un an auparavant, rebelote. Dans la nuit du 29 août 2021, à 3h du matin, une tentative de vol de karcher à l’enseigne Kiloutou de Rézé est signalée. La police arrive alors qu’une voiture s’en va. Un policier vide son chargeur sur le véhicule avant d’interpeller le conducteur. Le jeune interpellé raconte au tribunal, un an après : « j’ai enclenché la première, il y avait la place de passer. Mais j’ai même pas eu le temps d’enclencher la deuxième qu’ils ont tiré ». En tout, 24 coups de feu retentissent. « Si je m’étais pas planqué, je serais plus là… Il y avait quatre balles sur le pare brise au niveau de ma tête ».

Bien sûr l’IGPN assure que les tirs sont proportionnés. Et bien sûr le procureur assure que « les policiers n’usent de leurs armes que dans des cas extrêmes ! » Le jeune homme est condamné à 4ans de détention, plus 8000 euros d’indemnisation pour Kiloutou, et 4370 euros aux policiers pour préjudice moraux et physiques…

Même histoire, ce mercredi 7 septembre à Nice. Un homme est repéré par les policiers pour sa conduite erratique. Coincé dans le flux de la circulation, au volant d’un « véhicule volé », il enclenche une marche arrière pour essayer de s’enfuir. Un policier, à coté du véhicule, l’abat. L’exécution est filmée et devient virale sur les réseaux sociaux. Ce qui n’empêche pas les syndicats policiers de monter au créneau pour défendre leur jeune collègue et féliciter son « sang-froid extrême ».

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