Bidonville de La Défense, acte 3 : De la discussion à la lutte contre l’expulsion !

Voisins (de près ou de loin) – bidonvilles : même combat ! Empêchons l’expulsion !

Retour sur la conférence « Les bidonvilles de Nanterre, d’hier à aujourd’hui » et mise en place d’une chaîne anti expulsion.

Appel à manifestation : de la mairie à la préfecture, mardi 15 juillet 2014, 13h30, départ du bidonville, avenue de la République (friche au bout de la gare RER Nanterre Université)

Qu’on arrête surtout de nous dire, sur les marchés « non mais, eux, c’est pas pareil… Hier, nous, … ».

Celui qui s’inquiète du sort réservé aux habitants d’un bidonville, voire s’engage à leurs côtés, se voit régulièrement contesté toute légitimité à s’exprimer sur le sujet. Militant, trop engagé, qui n’a pas vécu la remise à sa place (par un journaliste, un élu interpellé, un autre militant de l’autre bord). Seule l’opinion du « riverain » (sous-entendu excédé) a droit de cité dans la sphère publique. Le « riverain » occulte par définition celui qui s’intéresse au bidonville, c’est-à-dire aux gens qui y vivent, aux personnes, le « voisin ». C’est bien autour de cette question qu’a tourné la réunion-discussion autour du bidonville de Nanterre. Celui-ci se voulait une invitation à arrêter de faire peau neuve à chaque nouveau logement informel implanté à Nanterre, à arrêter d’essentialiser les populations qui y vivent, toujours nouvelles mais vivant et reproduisant des conditions désormais bien connues à Nanterre. Qu’on arrête surtout de nous dire, sur les marchés « non mais, eux, c’est pas pareil… Hier, nous, … ». Du coup, en organisant la conférence « Les bidonvilles de Nanterre, d’hier à aujourd’hui », on appréhendait un peu : la soirée n’allait-elle pas virer à la foire d’empoigne entre points de vue irréconciliables ? Les « riverains excédés » n’allaient-ils pas débarquer en masse ? Ceux que la mairie, les journalistes, s’empressent de nous rappeler à chaque action, leurs plaintes toujours plus nombreuses, et leur déprime en raison des « nuisances ».

Près de 120 participants, visiblement de tous horizons, et beaucoup de voisins qui se sont empressés de s’inscrire sur la liste de mobilisation pour empêcher l’expulsion.

Effectivement, en masse, nous nous sommes retrouvés ce lundi 7 juillet à la Maison du Chemin de l’Île à Nanterre, au pied des tours qui abritent un grand nombre d’anciens des célèbres bidonvilles de Nanterre. Près de 120 participants, visiblement de tous horizons, et beaucoup de voisins qui se sont empressés de s’inscrire sur la liste de mobilisation pour empêcher l’expulsion. Un lundi soir, en pleines vacances. Disparus la politique et l’intérêt pour celui d’à côté ? Toujours excédés les voisins ? Pas si sûr.

« Les voisins » – thème central du livre Roms et riverains (paru à La Fabrique en 2013) et de la présentation faite par Éric Fassin à cette conférence. Thème central de la dépolitisation d’une politique qui ne veut plus dire son nom, « politique de la race » qui infériorise des populations en leur accordant un traitement différent et les conduisant à devenir « le problème » qu’on veut qu’elles soient (en évitant les ramassages d’ordures, les installations sanitaires, etc.). Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a rage, rappelait l’autre.

Pour ne pas toujours repartir de zéro, le message n’a pas été un simple discours d’intellectuel perché en haut de sa tour d’ivoire, décontextualisé. Ajouté aux nombreuses sources du sociologue au présent, l’analyse des mobilisations passées : les autres participants – Cherif Cherfi, Cheikh Djemaï et Mogniss Abdallah – ont bien montré la reproduction, parfois à l’identique, parfois avec des différences, des situations et traitements infligés hier aux habitants des bidonvilles et des cités de transit de Nanterre, dont on fête aujourd’hui le souvenir. Ils ont fait le lien entre leurs vies, leurs engagements politiques dans les bidonvilles d’hier et la situation des habitants du nouveau bidonville de Nanterre. Leur effarement aussi, devant la possibilité que tout recommence, encore.

Dans le public, jeunes habitants du bidonville actuel ont côtoyé habitants et travailleurs de Nanterre, étudiants et militants de tous bords, parfois venus de plus loin, de l’Essonne, du 93. D’un peu partout où ces situations sont vécues et se reproduisent, de gauche à droite et de droite à gauche.

Évidemment, il n’était pas question, hier à la conférence, aujourd’hui alors que l’expulsion doit être prononcée par le tribunal de grande instance, de s’aveugler. Les réactions de haine sont bien réelles, le massacre de Darius à Pierreffitte, qui s’est produit quelques jours après avoir pris l’initiative de programmer le débat, le rappelle, de même que les insultes de certains jeunes du quartier à l’entrée de la conférence. La méfiance, le rejet de tant de monde pour ces habitants des bidonvilles, désignés comme « Roms », en font bien ce nouvel « autre » parfait qui, bien souvent, ne peut se défendre.

Il y a bien eu ceux qui ont soulevé notre absence de réalisme, voire ont pointé… Non, en fait, on a cherché mais on n’a pas très bien compris le fond de l’intervention de cet homme bien mis, en chemise bleu, planté au milieu de la salle, co-propriétaire d’à côté soucieux du prix de son mètre carré. Il a bien essayé à deux reprises d’expliquer à tous les présents (qui ont pris sur eux) qu’il fallait « vraiment discuter, écouter tous les points de vue », sans jamais donner le sien. Bref, les soutiens d’habitants du bidonville étaient tous « convaincus, du même bord, parlaient bien, étaient éloquents comme Éric Fassin… ». Un puits sans fond mais on a compris l’essentiel, on était certainement tous les « bobos » perchés vivant en réalité rive gauche et dont Éric Fassin rappelle dans son bouquin la figure fantasmée. Antienne du discours de droite cherchant à délégitimer tout soutien humaniste, politique...

Sauf, comme l’a rappelé ce dernier, qu’en face de tous les discours dominants de rejet, de racisme et d’indifférence (de la police à la justice, des médias aux hommes politiques, en particulier locaux, jusqu’aux fameux « riverains excédés » tout le temps interviewés), il fallait vraiment oser pour dire que les 120 personnes présentes (moins une) étaient les dominants, les bien-pensants qui risquaient de manger ceux qui avaient un avis contraire et les laisser face aux sauvages d’à côté.

Un tel débat a le mérite d’avoir en tout cas apporté un cinglant démenti à ceux qui opposent systématiquement le bidonville et son voisinage (voir par exemple le torchon produit sur la question par Amel Brahmi-Howton dans Le Parisien du 24 juin dernier, le jour de l’audience, « Les Roms préoccupent le voisinage »). Fatigue, craintes, parfois même tensions et bagarres oui. De temps en temps. Mais aussi, comme dans les cités environnant le bidonville de Nanterre, collecte et récup’ de vêtements, de nourriture, de fourniture pour l’école, de lits, accompagnement et soutien pour les inscriptions à l’école, aux centres de loisirs...

Sur le cas précis du nouveau bidonville de Nanterre, qui doit en rappeler d’autres, le débat a montré qu’alors que les pouvoirs publics (de l’organisme propriétaire du terrain et aménageur de La Défense au passage, l’EPADESA, à la préfecture en passant par la municipalité de Nanterre) n’ont jusqu’à présent eu en tête que de faire primer le droit à la propriété sur les droits humains ou, à tout le moins, attendre en silence une expulsion qui ne devrait jamais tarder et qui soulagerait tous nos petits représentants soucieux de l’ordre public ou de leur clientèle électorale, les habitants des classes et quartiers populaires ont été loin d’être indifférents à ce que vivent les plus précaires qu’eux. Leurs voisins. Les solidarités peuvent se nouer, pour peu qu’une occasion s’y prête, qu’un collectif se monte et facilite et ou rende publiques ces solidarités plus silencieuses, individuelles.

Fort de cette affluence et d’une discussion qui semblait pour beaucoup conduire à faire plus pour les habitants, pour qu’il ne s’agisse pas là d’un événement et d’une belle discussion sans lendemain, les personnes présentes se sont constitué en assemblée générale improvisée et ont voté un appel à adresser individuellement et collectivement au maire de Nanterre (par ailleurs président du conseil d’administration de l’EPADESA) et au préfet des Hauts de Seine, à ces adresses :

Pour l’envoi individuel de cet appel au maire de Nanterre : http://www.nanterre.fr/TPL_CODE/TPL_ELU/PAR_TPL_IDENTIFIANT/2/150-les-elus.htm

Pour l’envoi individuel de cet appel au préfet des Hauts-de-Seine :Retour ligne automatique
http://www.hauts-de-seine.gouv.fr/Contactez-nous

Appel des participants

L’appel exige, d’une part, au maire de Nanterre d’empêcher toute expulsion qui aura nécessairement pour effet de détruire toutes les démarches et les efforts entrepris par les habitants du bidonville pour accéder à une « vie familiale normale ». Il enjoint, d’autre part, au préfet des Hauts-de-Seine de suspendre l’exécution d’une procédure d’expulsion sans solution qui serait ordonnée par le Tribunal de grande instance de Nanterre.

La soirée s’est achevée sur une mise en garde avant le verdict qui devait tomber jeudi 10 juillet, pour une liste de diffusion plus large et des actions pour empêcher l’expulsion. La décision n’était pas parvenue à l’avocate que la police était déjà sur le bidonville jeudi après midi pour mettre la pression sur les habitants et les pousser à dégager les lieux avant la semaine prochaine. Ce matin, vendredi 11 juillet, Le Parisien nous faisait l’honneur de nous informer que la décision avait été prononcée et que l’expulsion était imminente.

Hier matin, le Parisien nous faisait l’honneur de nous informer que la décision avait été prononcée et que l’expulsion était imminente. 48h de délais. Grands princes. A peine sortie, la décision a été adoubée par une municipalité de Nanterre aux abois. Pleurant le « douloureux retour des bidonvilles », elle produit dès le vendredi matin un communiqué où l’hypocrisie le dispute au mensonge : s’empressant de « prendre acte » d’une décision qui la soulage après trois mois d’absence et à laquelle elle a directement participé (le maire étant président de l’organisme qui a lancé la procédure d’expulsion devant la justice), la mairie regrette de n’avoir pu faire face à une telle urgence, dont la résolution est, comme dans les bidonvilles d’hier, uniquement rejetée sur l’État et la région.

Communiqué de la mairie de Nanterre

Sauf que la conférence de lundi l’a montré. Les gens n’ont plus la mémoire courte. Non ! Le problème n’est pas le bidonville, comme le rédacteur du communiqué municipal, Jonathan Gilberg, semble l’indiquer [pièce jointe] (Pour adresser ses protestations, adresses et numéros de téléphone en pièce jointe). Le problème est l’absence de solution sociale, humaine à cette question, de proposition de relogement, comme la circulaire d’août 2012 l’exige. Non ! La mairie n’a jamais rempli ses obligations sur l’accès à l’eau (la canalisation détournée a d’ailleurs été coupée jeudi matin, avant même la décision) ni celles sur le ramassage des ordures ou les sanitaires... Oui, elle se satisfait du dégagement d’un problème qu’elle a contribué à créer sans un mot sur les alternatives, sur le sort de la dizaine d’enfants scolarisés et des cinquante familles bientôt jetées à la rue. Le bidonville est le problème ! Jetons ses habitants à la rue ! Vaste programme.

Plus que jamais, la conférence de lutte de lundi doit se transformer en mobilisation contre une expulsion sans aucune solution, bafouant délibérément tous les délais légaux, les droits de la défense (on s’en serait douté) et le minimum de dignité des habitants.

Plus que jamais, la conférence de lundi doit se transformer en une lutte anti-expulsion, même au cœur de l’été.

Voisins (de près ou de loin) – bidonvilles : même combat ! Empêchons l’expulsion !

Appel à manifestation : de la mairie à la préfecture, mardi 15 juillet 2014, 13h30, départ du bidonville, avenue de la République (friche au bout de la gare RER Nanterre Université)

Pour toute inscription à la liste de diffusion ou pour recevoir les SMS de la chaîne anti expulsion (sur le modèle des copains du Transfo) : à envoyer au 06 95 43 31 74 ou sur le mail : bidonvillevsladefense@gmail.com

L’appel peut (doit) être soutenu, il est toujours à signer et à relayer auprès de la mairie de Nanterre et de la préfecture des Hauts-de-Seine (cf. http://www.change.org/BidonvilleNanterre).

Localisation : Nanterre

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