Au marché de Joinville, les Glaneurs® contre la récupe

Sourire Extra-brite et petites lunettes fines, la directrice de clientèle pose pour le journal, une cagette de vieilles salades à la main. Anna, 49 ans, élégante malgré sa chasuble jaune fluo, est à la une du Parisien, pour une action dont elle est bien fière, une idée qu’elle trouve « lumineuse » : chaque dimanche matin, au marché de Joinville, elle donne son temps pour la Tente des Glaneurs.

Cette association a décidé de rationaliser, pour le bien des nécessiteux, la récupe de fin de marché, et le terme "glaneurs" est en passe de devenir une marque déposée avec le soutien de l’État et de la mairie PS. Cette initiative est partie du marché de Wazemmes (59), et les camarades de La Brique en avaient rapidement repéré l’embrouille :

En deux ans d’existence, 61 tonnes de produits ont été redistribuées à plus de 1843 familles. Tout en faisant « gagner une heure de nettoyage aux équipes de la ville ». C’est donc sa seconde fonction : « Assainir le marché ».

Cette « idée lumineuse » s’attaque désormais, depuis fin 2013, au marché de Joinville dans le XIXe. Le Parisien précise même, enthousiaste apparemment, que « l’expérience va être étendue à d’autres arrondissements ». Premiers visés, les marchés populaires bien entendu : place des Fêtes, Belleville, le XIXe.

Ni Anna, la directrice de clientèle, ni la journaliste auteur du papier n’ont certainement jamais pratiqué la récupe, celle faite par tous les sans-le-sou, les réfractaires au travail, les économes, les lève-tard du dimanche ou les petits malins. Et, pour elles, « la présence des glaneurs (comprendre ceux qui sont officiels) permet d’éviter les scènes de glanage sauvage où les gens s’arrachent les cagettes, indignes de la condition humaine ». Brrr…

Voilà où réside toute l’arnaque spectaculaire et sémantique de cette horde de bons sentiments dégoulinants, à cette organisation avec responsables de com’, gilets fluos, gants pour l’hygiène, et file d’attente des miséreux priés de rester patients et d’attendre leur tour. Le glanage traditionnel de fin de marché, l’un des derniers espaces de gratuité et de liberté dans la ville, est en train de devenir sauvage.

Localisation : Paris

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