Assistants personnels intelligents et bourrage de crâne publicitaire

Tandis que les pubs pour les « enceintes intelligentes » nous fracassent la tête, une brochure critique vient de paraître sur infokiosques.net : OK Google... raconte-moi une blague.

Le bourrage de crâne des « assistants personnels intelligents » est en marche !

Partout, dans la rue, dans le métro, à la télé, au cinéma, dans les magazines, tout semble organisé pour que chacun.e tombe dans les bras du nouveau gadget nécessaire au bien-être de tout individu qui se respecte : une intelligence artificielle, qui comme d’autres auparavant (on peut penser au GPS, au smartphone, et d’autres déjà bien présentes dans notre vie quotidienne), permettent de nous faciliter la vie, de soulager notre intelligence personnelle à nous, celle qui à force d’être assistée s’efface, s’estompe, disparaît peu à peu...

Les publicitaires des « enceintes intelligentes » Google Home, Amazon Echo (Alexa), le HomePod d’Apple (Siri) et probablement d’autres jouent de leur imagination progressiste pour nous faire consommer. Ah qu’il est beau le capitalisme 2.0, renforçant à la fois les valeurs travail et famille, mais aussi l’ouverture d’esprit, et surtout, la pulsion consumériste :

Pour en savoir plus sur ces enceintes intelligentes, et surtout, sur Google et le monde que façonne cette multinationale (sachant que ses concurrents ne valent guère mieux...), lisez le texte « OK Google... raconte-moi une blague », disponible sur infokiosques.net sous forme de brochure (en PDF), ou à lire directement sur l’écran :

Sommaire

  • La technocratisation, ou la « siliconisation » du monde
  • L’hyper-normalisation de la surveillance électronique
  • La « cyborgisation », ou l’avènement d’un Google Homme
  • Vers un choix civilisationnel nécessaire
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Extraits

C’est à ma grande surprise que je découvrais hier l’existence du « Google Home ». Que pouvait bien évoquer ce nom : un énième gadget destiné aux maisons intelligentes signé Google ? Je n’étais pas loin du compte, il s’agissait bien d’un outil de domotique pour piloter sa maison, à la différence près qu’il ne ressemblait pas au boîtier relativement peu intuitif que je m’étais imaginé ; j’avais affaire à un assistant vocal à qui il était apparemment possible de poser n’importe quelle question. Ainsi, à l’instar de la box muette posée en haut d’un meuble, le « haut-parleur intelligent cylindrique doté de deux micros et de quatre Led » avait sa place en plein milieu du salon, érigé en symbole d’une technologie de plus en plus encline à répondre à toutes nos aspirations (...)

Si aujourd’hui le Google Home répond à ce besoin de gagner du temps et d’aider quotidiennement à simplifier la vie, il est intéressant de noter d’autre part que le développement des nouvelles puissances technologiques s’accompagne paradoxalement d’un sentiment d’impuissance chez ceux d’entre nous qui se sentent comme « des feuilles dans la tempête, incapables de maîtriser le cours des évènements, tant sociaux que personnels ». Cela est notamment lié au fait que ces dispositifs entretiennent un certain culte de la vitesse, porté par nos sociétés industrialisées et automatisées.

Nous sommes tellement pris dans un mécanisme de l’urgence, que nous plaçons dans ces technologies un espoir de salut, dans la mesure où elles nous permettront de ne plus être pris par le temps, et à la fois de tout contrôler (comme avec notre chère tour de contrôle 2.0, j’ai nommé le Google Home), tandis que cette accélération à laquelle nous sommes soumis est renforcée par ces dispositifs qui visent une accélération que nous ne pouvons pas suivre. (...)

L’assistant domestique intelligent Google Home est « toujours à l’écoute ». Rien de plus normal néanmoins pour un assistant vocal qui par essence, se base sur la reconnaissance vocale du langage naturel. Car pour détecter et réagir aux mots magiques « Ok Google », ce dernier est en permanence à l’affût de ce qui se dit autour de lui. Bien que Google confirme que, dans le cas où ces termes ne sont pas entendus, la séquence audio est stockée localement sur l’appareil puis rejetée, comment en avoir la certitude ? (...)

contrairement au smartphone ou à l’ordinateur, le Google Home ne demande aucun effort, il est beaucoup plus facile d’accéder à l’objet désiré instantanément. Comme précédemment avec les Google Glass, le dispositif intègre pleinement la réalité de l’utilisateur qui se trouve alors augmentée, on entre ipso facto dans un monde de l’homme augmenté ; l’ère du cyborg, où réel et virtuel s’entremêlent, où la relation entre l’humain et la machine devient de plus en plus fusionnelle. En effet, il est « bien plus naturel de demander à haute voix la météo de demain, que d’ouvrir sur PC et d’aller sur un site Web dédié à la météo ». Désormais, il faut être connecté et ne pas se séparer du monde en même temps. Les objets intelligents mutent, évoluent et engendrent de nouvelles espèces, préparant l’apogée d’une nouvelle réalité, augmentée, améliorée, où nos capacités cognitives, notre intelligence, se déploient dans notre prolongement qui prend la forme des machines. (...)

voici comment « parler » au Google Home : tout d’abord en commençant les phrases par « OK Google ». (Notez qu’il peut y avoir un petit temps d’attente avant d’obtenir une réaction et qu’il faut parfois répéter la phrase en articulant.) Toute commande s’arrête par « OK Google Stop ». Dommage, on ne peut pas négocier avec un assistant vocal (du moins, pas encore). C’est pourquoi nous nous découvrons comme assujettis, en proie à une servitude volontaire, contraints de nous machiniser, de nous simplifier, réduits à répondre à des stimuli en s’adaptant au langage machine, rejetant ce qui relève du monde intérieur, de la pensée, du dialogue intérieur, du sensible. En déléguant aux machines le soin de régler nos relations et nos rapports avec le monde nous finissons par ressembler à ces automates qui n’ont besoin de solliciter en nous que l’élémentaire. Si ces technologies prétendent nous simplifier la vie, elles réduisent aussi nos comportements à la logique de leur fonctionnement dépourvu d’ambiguïté, d’ironie ou d’émotions. Car oui, « l’enceinte connectée de Google est potentiellement sans limite si on sait comment lui parler. (...) Encore faut-il savoir quoi lui demander et comment formuler les demandes. » (...)

A lire en intégralité sur infokiosques.net. À télécharger en PDF au format cahier imprimable/photocopiable et au format page par page.

Note

À lire également, Dans la Google du loup - Reportage au coeur de la Silicon Valley, paru initialement en 2015 dans le n°9 de la revue Z.

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