Retour et perspectives de la séquence électorale.
Dimanche 9 juin dernier, après la montée en flèche du RN aux dernières élections européennes, Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale et déroule le tapis rouge aux héritiers de la collaboration et du fascisme à la demande de Jordan Bardella. La stupeur et l’effroi s’emparent d’une partie de la population face à l’accélération de la menace d’un gouvernement RN. À cette annonce se succèdent à Paris trois soirs de rassemblements Place de la République suivis de manifestations sauvages, parfois combatives et offensives.
La sonnette d’alarme est tirée de toute part et la menace agitée du « fascisme aux portes du pouvoir » est utilisée pour justifier l’union électorale des forces progressistes et républicaines. Oublions le rôle historiquement contre-révolutionnaire de la gauche, nous serions dans le même camp : celui de la démocratie, de la République, du Nouveau Front Populaire.
Face au sentiment d’urgence et saisis par la nécessité de faire entendre une autre voix face aux chantres de la compromission, il nous est paru primordial de relancer l’Assemblée antifasciste. Relancer, car cette assemblée n’est pas nouvelle. Lancée en janvier dernier, alors que des groupes fascistes prenaient la rue suite aux évènements de Crépol, l’AG antifasciste s’était alors organisée dans la séquence de la loi immigration puis contre un meeting de Marion Maréchal et Zemmour pendant les élections européennes.
Il s’agissait cette fois-ci de faire exister une force antifasciste auto-organisée dans une perspective d’interventions, sans se raconter d’histoires quant au devenir prétendument émancipateur d’un cartel électoral de gauche. La victoire à la Pyrrhus de la gauche aux élections législatives n’est pas et ne sera jamais la nôtre. Non seulement elle se fait dans le cadre d’une percée historique du RN mais aussi, elle n’est finalement qu’un retour du parti qui a créé les CRA, tué Rémi Fraisse et réprimé le mouvement contre la loi travail. On ne peut donc pas attendre de la gauche d’endiguer une tendance historique réactionnaire, autoritaire et fascisante qui trouve son origine dans la crise du capitalisme et de sa mondialisation. En revanche, nous n’en attendons que le renforcement de l’autorité de l’État et du contrôle par ses institutions.
De l’autre côté, il s’agissait également de ne pas laisser la lutte antifasciste à des spécialistes et de refuser le mot d’ordre martelé durant toute la séquence électorale appelant a être « la rue du front populaire ». Cette stratégie conduit à empêcher les tentatives de débordements comme lors de la manifestation du 15 juin dernier par des pratiques policières - en empêchant activement des personnes qui cassent ou en restant volontairement à distance. La rue du NFP cherche à conserver l’hégémonie de l’antifascisme, quitte à se dissocier de camarades.
Après la dissolution de l’Assemblée nationale, l’AG antifasciste s’est tenue à quatre reprises. La première assemblée a fait salle comble, plus de 400 personnes étaient présentes. Les suivantes ont réunies environ 200 personnes. Ces AG ont permis de révéler des conflits et d’affirmer des ruptures qui ont débouché sur plusieurs initiatives.
À la manifestation du 15 juin nous avons appelé à rejoindre le cortège de tête antifasciste. Nous avons par la suite organisé une manif-action contre la librairie Vincent. Organisée par le comité action de l’assemblée et appelée publiquement, l’action a permis à une cinquantaine de camarades d’atteindre la cible et de la redécorer sans aucune interpellation. L’attaque de cet espace de diffusion raciste, antisémite et réactionnaire a été une réussite de cette séquence.
Dans la semaine précédant le soir des résultats des élections législatives nous avons appelé à former un cortège solidaire combatif et autonome pour déborder le dispositif classique du discours de la gauche et les directives de leurs chefs, et à se déverser en nombre dans les rues parisiennes.
Malgré les tentatives de briser la classique nasse policière par des affrontements, des feux et une attaque de la caserne militaire de la Place de la République, l’ambiance restait à la célébration d’une victoire qui nous laisse un goût particulièrement amer. Quelle est cette victoire ? Les éternelles pitreries des partis de gauche, pendant que le gouvernement assume les affaires courantes et applique l’infâme loi Immigration par décret.
Que pouvons nous tirer de cette séquence de lutte ?
L’organisation collective et publique ne fait plus partie des pratiques qui vont d’elles-mêmes à Paris. Le bilan provisoire nous le montre : la constitution de la force que nous cherchons ne se fait pas en un jour, ni même en quelques semaines. Une des réussites de l’AG est notamment d’avoir mis en mouvement nombres de camarades isolées ou non-organisés. Nous pensons qu’il est crucial de faire vivre cet espace sur le temps long pour amplifier cette dynamique.
L’organisation collective ne s’arrête d’ailleurs pas aux assemblées publiques. Les rendez-vous où l’on se retrouve pour tracter, pour faire une banderole ensemble, pour élaborer du discours participent - tout autant que des actions ponctuelles - à la constitution d’une force politique.
Des comités locaux se sont mis en place à partir de cette assemblée. La métropole parisienne atomise nos forces dans la capitale et sa banlieue. Réduire l’échelle peut permettre d’agir plus efficacement, de nous rencontrer plus aisément mais aussi de ramener l’antifascisme dans notre quotidien et pas simplement lors d’évènements exceptionnels.
Le sérieux de la tâche qui se présente à nous peut paraître titanesque, et nous enfermer dans tous les discours défaitistes, légitimer toutes les compromissions et incohérences.
Nous faisons le pari inverse d’une organisation par nous-mêmes, solidaire et offensive. Il ne tient qu’à nous de faire advenir un monde désirable et de détruire ce qui nous nuit. N’attendons pas et commençons dès aujourd’hui.
Retrouvons nous dès maintenant dans les comités locaux et aux prochaines AG !