Lettre ouverte aux travailleurs de l’asile
Nous, salarié(e)s du secteur de l’asile à Coallia et à France terre d’asile, avons décidé de ne plus rester passifs. Le constat que nous dressons de notre réalité quotidienne est accablant. Pour relancer un système à bout de souffle, le gouvernement a modifié la législation relative à l’asile via une loi adoptée par le Parlement le 29 juillet 2015. Les nouvelles mesures visent à réguler l’accueil des demandeurs d’asile : raccourcissement des délais de procédure, création de places d’hébergement, prise en compte de la vulnérabilité, etc. Nous pensons qu’en dépit de ses bonnes intentions cette loi n’améliorera pas la situation des demandeurs d’asile.
Symbole du désengagement de l’État, la mise en concurrence des opérateurs entraîne une dégradation des conditions d’accueil et par conséquent de nos conditions de travail. Parce qu’ils ne peuvent pas ne pas en être, les opérateurs s’obligent à répondre à des appels d’offres aux budgets sous-évalués pour les missions à réaliser.
Avec le pré-accueil généralisé avant le passage au guichet unique, nous devons, à effectif constant, recevoir un nombre plus important de demandeurs d’asile. Ce phénomène est accentué par l’accélération de la procédure (de 18 à 9 mois) et l’augmentation des cadences se fait à notre détriment comme à celui des bénéficiaires. La surcharge de travail entraîne stress, fatigue, arrêts maladie et départs. Le manque chronique de personnel nous oblige à être dans une polyvalence forcée au détriment du travail social. Nous nous transformons alors en robots exécutants contraints de s’adapter à de nouvelles directives, souvent incompatibles avec la réalité du terrain.
Par ailleurs, l’augmentation du nombre des demandeurs d’asile sollicitant les dispositifs d’accueil contraint nombre d’entre eux à dormir devant les portes de nos structures pour avoir une chance d’être reçus. Leur sécurité comme la nôtre, dans et à l’extérieur des locaux, n’est plus garantie et face à cette situation anxiogène, nous devenons la cible principale de l’agressivité légitime qui peut en découler. A cela s’ajoutent des locaux inadaptés au sein desquels les normes d’hygiène et de sécurité ne sont pas respectées. Malgré nos multiples alertes et alors que l’État nous délègue ses missions, le soutien des pouvoirs publics est inexistant.
Confrontés à cette situation inacceptable et à une gestion catastrophique, nous demandons à l’État qu’il nous donne les moyens de faire notre travail dans de bonnes conditions et nous permette d’accueillir dignement toutes les personnes se présentant dans nos services.