SAMEDI 16 DÉCEMBRE 2023 À 18H
À LA BIBLIOTHÈQUE LA RUE (10 rue Robert Planquette, XVIIIe arrondissement)
– Prix Libre
– Discussions informelles du samedi contre le lundi
– Lancement des deux premières brochures du Réseau de Sédition Autonome
texte de création du Réseau :
RETROUVONS-NOUS POUR AFFIRMER LE REFUS DU TRAVAIL
Nous avons décidé de créer une organisation autonome ouverte et publique à Paris pour répondre à des enjeux politiques contemporains.
Le mouvement social du printemps dernier nous a laissé un goût amer, et cela en dit beaucoup sur la situation. Nous tirons une grande frustration de notre incapacité à y imposer des mots d’ordre à la hauteur de l’enjeu révolutionnaire qui s’y jouait, et qui se joue encore. La mobilisation était massive, parfois même exaltante ; l’illégalisme s’est répandu comme une traînée de poudre, désorientant les forces de l’ordre et les contraignant à rafler à tout-va dans les beaux quartiers par peur de quelques poubelles brûlées. Pourtant, nous avons échoué, malgré quelques tentatives, à affirmer une perspective révolutionnaire, suffisamment puissante et pertinente, pour dépasser les revendications, en particulier celle, maussade, de la retraite à 60 ans.
Une fois de plus, les slogans sonnaient creux. Le seul slogan qui semblait échapper au citoyennisme ambiant était celui qui appelait, en mémoire de ce bon vieux Louis XVI, à décapiter Macron. Il rappelait les gilets jaunes, leur refus radical de la représentativité, et leur cri de ralliement qui résonnait des ronds-points périurbains jusqu’aux Champs-Élysées : « Révolution ! »
Soyons lucides : l’ennemi ne tombera pas avec la tête du souverain. Il faut aller plus loin. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de cette situation qui voit les gestes insurrectionnels des moments de fulgurance politique massive immédiatement neutralisés, récupérés et mis au service du travaillisme de la gauche par les mots d’ordre les plus faibles et les objectifs les plus réformistes. Le travaillisme, omniprésent, porte la médiocrité politique et l’impuissance stratégique dans toutes les luttes.
Nous, autonomes, devons chercher à constituer un camp politique révolutionnaire à part entière. Et puisqu’il n’y a pas de camp politique sans base politique, nous devons nous organiser en assumant des mots d’ordre et des prises de positions qui nous soient propres. L’action seule, même illégale ou violente, ne suffit pas. On l’a bien vu : aujourd’hui, on peut tout à fait faire cramer une poubelle, ériger une barricade ou jeter un pavé pour le retrait d’une réforme (c’est-à-dire, au nom de la sauvegarde de l’exploitation conventionnelle déjà existante) ou au nom de la Sixième République.
Pour agir politiquement, d’une manière autonome et révolutionnaire, il faut prendre position. Et pour cela, il faut se rencontrer et se parler ; parler politiquement ensemble pour construire une ou des lignes politiques à la hauteur des enjeux réels. Comme d’autres, nous l’avons fait au sortir du mouvement des retraites. À Paris comme ailleurs, nous nous sommes remis·es en question pour arriver à la conclusion que, ce dont nous avons manqué pendant le mouvement, c’était la capacité à porter le dépassement de l’enjeu superficiel posé par la mobilisation : la retraite. Or, derrière la gestion économique du modèle de retraite, il y a la question éminemment politique du travail, que nous avons échoué à remettre en cause et à nier en tant que tel, au moins de manière visible et rejoignable. Cette négation du travail nous aurait rendu·es irrécupérables aussi bien par les syndicats que par la gauche parlementaire, tous deux irréductiblement travaillistes.
Mais il n’est jamais trop tard. Si le refus du travail est nulle part ou presque, il peut surgir partout. C’est un enjeu politique intempestif. Le récent décès de B., intérimaire au Décathlon de la Madeleine à Paris ayant perdu la vie lors de son premier jour de travail, pose la question du refus du travail. Tout comme la réforme du RSA, qui doit conditionner son versement à une quinzaine d’heures de travail sous-payé.
Le travail, comme problème politique, est une constante, au moins souterrainement, dans le fonctionnement quotidien de la métropole productiviste. C’est cette métropole qui a été attaquée pendant la révolte pour Nahel cet été, alors que le mouvement social précédent s’était pourtant déjà essoufflé. Aucune institution, aucune infrastructure de la mise au travail de la population n’a été épargnée par la destruction et les pillages. Intentionnellement, toutes ont été attaquées jusqu’à la plus petite, la plus anodine, la plus consensuelle : les banques, les magasins, les agences d’intérim, les écoles, les transports, etc. Nous ne pouvons pas faire comme si cela n’avait pas existé. Soyons à la hauteur, politiquement, du geste qui a été posé par les insurgé·es pendant cette révolte. Ne restons pas aveugles et silencieux·ses devant cette force de négation. Au contraire : comprenons la, apprenons de nos erreurs, et trouvons les moyens de prolonger les révoltes au delà de leurs limites.
À travers la création du Réseau de Sédition Autonome, nous proposons d’organiser un espace de réflexion et de prise de position visant à élaborer des affirmations politiques contre le travail. Cet espace est ouvert à toute personne souhaitant participer à la négation du travail, de sa suprématie, de ses valeurs, de son emprise sur nos vies. Nous n’avons pas à être d’accord d’emblée et sur tout. Au contraire, quel serait l’intéret ?Retour ligne automatique
Beaucoup de questions se posent à nous : Pourquoi, très exactement, veut-on refuser le travail ? Comment abolir le travail ? Par quel angle d’attaque peut-on s’en prendre au travail ? Le travail, c’est quoi au juste ? Nous devons nous les poser sérieusement et, pour cela, laisser place à la discorde et à la contradiction. Mais nous nous organisons dans l’espoir de faire émerger des raisons communes à cette négation du travail, et de rendre audible, et praticable, un discours suffisamment puissant pour infléchir le destin des mouvements sociaux à venir.