Défendons et renforçons l’accès à l’IVG en France !
Le 8 octobre prochain, une proposition de loi visant à garantir « le droit à l’IVG pour toutes » déposée par Albane Gaillot sera examinée à l’Assemblée nationale. Elle vise à renforcer les possibilités d’accès à l’IVG, notamment en supprimant la clause de conscience spécifique à l’IVG et à allonger les délais légaux d’accès à l’avortement de 12 à 14 semaines (soit 16 semaines d’aménorrhée).
Le Planning Familial du Rhône travaille depuis sa création à la défense du droit à l’avortement en France et à l’étranger. Chaque année, nous recevons à notre Centre de Planification plus de 500 femmes dont le motif initial est une demande d’interruption de grossesse. Chacune d’entre elle, mineure ou majeure, est accompagnée pour permettre d’accéder au mieux à sa demande. En France, ce sont environ 220 000 avortements qui sont pratiqués chaque année.
Les lois actuelles et leur mise en pratique sur les territoires ne permettent pas aujourd’hui la mise en pratique effective et égalitaire du droit à l’IVG pour toutes les personnes qui en font la demande, y compris lorsque la demande est faite dans les délais légaux. Dans les conditions actuelles, beaucoup de femmes sont aujourd’hui contraintes à avoir recours à des méthodes non conformes à leur choix initial, à être redirigées hors du département, ou encore à l’étranger lorsque le droit français ne leur permet pas d’avoir recours à l’IVG sur le territoire national. Plus de quarante ans après le vote de la loi Veil, le droit à l’avortement reste en réalité un parcours jalonné d’obstacles et trop nombreux sont encore les discours qui présentent l’avortement comme un drame dont on ne se remet pas, un traumatisme systématique. Ces discours sont des slogans éloignés de ce que vivent la grande majorité des femmes, ils ont pour but de culpabiliser les femmes.
« Si les médecins prennent totalement en charge l’avortement, la libération que nous demandons n’existera pas »
Dans les années précédant l’adoption de la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, des collectifs s’organisent pour proposer des avortements sécurisés aux femmes qui le souhaitent. Agissant dans la clandestinité, ils utilisent la méthode Karman, du nom d’un psychologue américain qui popularise dans les pays occidentaux une méthode d’avortement par aspiration développée en République populaire de Chine. Le témoignage qui suit est celui d’Odette, infirmière militant au sein du Comité pour la liberté de l’avortement et de la contraception.
J’ai connu « Choisir » par le biais de l’hôpital. François et Paul prenaient des gardes dans mon service. Un jour, au restaurant universitaire, ils parlent d’un mystérieux voyage à Londres. C’est surtout Paul qui insistait sur le secret, ce qui aiguisa ma curiosité. Au bout de quelques jours, François et Paul, en service, me demandèrent très souvent des seringues, compresses, aiguilles, et un jour François m’expliqua tout.
Avorter en 1979, en 2013, au printemps 2020 : une lutte
Sur son site officiel, le Planning Familial se définit ainsi : « mouvement féministe et d’éducation populaire, le Planning Familial milite pour le droit à l’éducation à la sexualité, à la contraception, à l’avortement, à l’égalité des droits entre les femmes et les hommes et combat toutes formes de violences et de discriminations. ». Si le combat pour les droits des femmes est à mener chaque jour, on imagine aisément que les conditions du confinement ont rendu la bataille encore plus ardue. Au cours d’un entretien de Couac avec Alice [1], conseillère au planning, on comprend ce qui a pu se jouer, les remaniements et adaptations nécessaires, pour continuer d’offrir le meilleur accès. L’enjeu peut-être le plus important concernait celui des IVG, puisque la question du temps et des délais y est omniprésente, et que l’accompagnement y est primordial.
Élisabeth et Simone témoignent quant à elles, de la façon dont elles ont vécu leur avortement, hors confinement et quelques années en arrière, nous permettant de saisir l’importance de cet accompagnement, qu’on imagine encore plus crucial en temps de covid. Toutes deux ont dû faire face au mépris et à la violence des professionnel.le.s censé.e.s les accompagner. Elles nous rappellent que la violence médicale, les multiples discriminations ou la domination par le savoir sont actuelles, et que la lutte pour des consultations respectueuses et le droit de savoir sur nos propres corps doivent l’être aussi, tout le temps, partout !
J’ai avorté pendant le confinement - un compte rendu
"Pendant mon interruption de grossesse, j’ai sans cesse atteint des limites. Des limites personnelles, des limites institutionnelles, des limites imposées par l’état d’urgence liée à la maladie de la Corona."
Comment le droit à l’autodétermination des femmes se voit attaqué avec des motifs frivoles et pourquoi les avortements ne sont jamais faciles.
Traduction d’un témoignage d’un expérience vécu en Suisse, paru en août 2020 sur le site suisse-allemand ajourmag.ch.
Avertissement au public : Description d’un processus d’avortement ainsi qu’une illustration photographique au paragraphe "6 décilitres de sang et des douleurs semblables à celles du travail".
Mes seins sont excessivement gonflés et me font très mal. Ces derniers jours, je vomis régulièrement et, bien que je sois très athlétique, j’ai des difficultés à respirer quand je monte les escaliers. Le test le confirme : je suis enceinte. Merde. Au téléphone, je demande à mon gynécologue de prendre immédiatement rendez-vous pour un avortement - et voilà que pour la première fois, on me refrène. « Cela ne se fait pas si vite », indique l’assistant, nous devons déjà vérifier si je suis vraiment sûre. Nous. Un médecin que je vois tous les deux ans doit donc déterminer avec moi si je veux mener une vie avec un enfant. Un rendez-vous ? « J’ai peur que cela ne prenne un certain temps, Corona, vous savez », dit l’assistant. Et je soupçonne déjà que les choses vont être très compliquées.
Quand il n’y a pas de désir d’être mère
Les publicités pour les tests de grossesse me procurent toujours un léger frisson. Je ne peux vraiment pas m’identifier à la femme au sourire joyeux qui vient d’apprendre son avenir de mère. Et à la fonction de détection de la semaine de grossesse qu’offrent certains tests, j’associe le plus facilement le calcul de la durée pendant laquelle un avortement demeurera possible. En raison de cette grossesse non désirée, je suis donc jetée hors de ma vie quotidienne et confrontée à la question de la maternité. Ou encore, au fait de ne pas vouloir être mère.