Il y a quatre-vingts ans jour pour jour, le 7 juin 1942, le port de l’étoile jaune était imposé par les nazis aux Juifs et Juives, y compris les enfants, dans la zone qu’ils occupaient en France, le Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR) avec ses partenaires, organise le 7 juin à Paris un rassemblement public marquant l’anniversaire de cet acte qui ouvrait la voie à la déportation et à la Shoah. Il se tiendra le 7 juin à 18h sur le Parvis des 260 enfants juifs déportés (Rue des Hospitalières Saint Gervais, M° Saint Paul), dans le 4e arrondissement, au cœur d’un des quartiers où des milliers de personnes ont été contraints porter ce signe d’exclusion et de mort.
Nous invitons toutes celles et ceux qui veulent honorer la mémoire des victimes du nazisme et de tous les génocides et crimes contre l’humanité, toutes les associations, partis et syndicats à participer à cette initiative de mémoire et de combat antiraciste.
Il s’agira également de dénoncer les profanations de ceux et celles qui arborent des étoiles jaunes dans le cadre des manifestations anti-vax et anti-pass comparant la discrimination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale à celle des non-vaccinés contre le Covid-19 . Le RAAR a mobilisé contre cette assimilation complotiste qui banalise la Shoah, organisant notamment un rassemblement unitaire la 19 septembre 2022 à Paris.
L’historien Laurent Joly, spécialiste de la déportation des Juifs en France, auteur notamment de « La Rafle du Vel d’Hiv » sera présent et interviendra puis dédicacera son livre qui vient de paraître " Rafle du Vel d’Hiv’ " dans la Librairie du Temple 1 Rue des Hospitalières St Gervais, à proximité immédiate du rassemblement .
Pourquoi l’étoile jaune ?
Le 29 mai 1942, la huitième ordonnance allemande anti-juive interdit aux Juifs de la zone occupée de paraître en public sans porter l’étoile jaune et ce dès l’âge de six ans.
Les nazis utilisent un "marquage" des Juifs déjà utilisé dans l’histoire des discriminations donc ces derniers ont été victimes. Le port de l’étoile jaune est obligatoire pour les Juifs étrangers ET français en zone occupée. L’idée de « marquage » des Juifs, suggérée en 1938 par Goebbels, est reprise par Heydrich juste après la Nuit de cristal du 9 Novembre 1938 et appliquée pour la première fois à l’automne 1939 en Pologne. Dans ce cas, l’insigne imposé aux Juifs est un brassard blanc avec une étoile bleue à six pointes.
La distribution des insignes est un moment d’identification supplémentaire. A Lens par exemple, c’est l’occasion, pour les autorités françaises, de compléter les listes en déclarant les membres des foyers juifs, qui jusqu’ici avaient échappé à l’identification.
Comment réagit l’opinion publique ? Il y a eu des gestes de solidarité. La police arrête, à Paris, des personnes portant de faux insignes, rosaces, pochettes, étoiles aux noms fantaisistes, « Auvergnat », « Swing », « Papou. Ce même jour, des individus profitent de l’insigne pour insulter les Juifs le portant dans la rue. Il y a aussi de nombreux cas de délation pour « non port d’insigne ».
Cet insigne doit être porté à partir du dimanche 7 juin 1942. La distribution des étoiles se déroule entre le mardi 2 et le samedi 6 juin dans les commissariats de quartier et de circonscription avec prélèvement d’un « point textile ». Ces modalités rappellent la participation des autorités de la collaboration à toutes les étapes du processus d’exclusion et de déportation vers mort des Juifs de France. contrairement à ce que prétend Eric Zemmour, comme l’indiquait la tribune du RAAR.
Les infractions à cette ordonnance sont punies d’emprisonnement, d’amende ou d’internement dans un camp.
En raison de la volonté d’exploiter les attentats contre l’armée allemande, dont la responsabilité est imputée par les nazis aux Juifs, l’ambassadeur d’Allemagne en France précipite la promulgation de la loi sur le port de l’étoile : promulguée le 29 mai, elle est rendue publique le 31 mai et entre en vigueur dès le 7 juin.
En rendant les Juifs immédiatement visibles et reconnaissables en public, l’étoile facilite leur contrôle et leur dénonciation, ainsi que l’arrestation de ceux qui refuseraient de se soumettre à l’ordonnance.
Le contrôle sert une politique de ségrégation, comme en témoigne la mise en place d’autres mesures, telles que l’obligation pour les Juifs de monter dans le dernier wagon du métro (8 juin 1942), l’interdiction de fréquenter les lieux publics, ou encore la contrainte de se rendre dans les magasins uniquement entre 15 et 16 heures (neuvième ordonnance du 8 juillet 1942).
Cette ségrégation doit aussi exercer une influence d’ordre psychologique et propagandiste : en imposant cette forme archaïque d’identification, les nazis espèrent en effet fragiliser encore plus les Juifs en suscitant chez eux honte et humiliation. Ils souhaitent aussi inspirer aux "non-Juifs" un sentiment de rejet et d’hostilité à l’égard de ces hommes et ces femmes considéré-es dans la vision nazie comme des êtres inassimilables et parasites.
C’est un mécanisme de stigmatisation et de marquage qu’on retrouve dans nombre d’autres génocides et crimes contre l’humanité. Dans tous les cas les populations promises à l’extermination ont été d’abord été discriminées, stigmatisées, accusées de tous les maux, mises en cause comme préparant des plans hostiles aux pouvoirs autoritaires en place. Elles ont désignées comme ennemies, regroupées, marquées et « étiquetées » sous différentes formes et enfin conduites à l’extermination ou massacrées sur place. Le génocide est souvent l’aboutissement de décennies, voire de siècles, de discriminations. C’est pourquoi le RAAR a sollicité l’association Ibuka-France qui représente les rescapés du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Son président Etienne NSANZIMANA (lui-même rescapé) interviendra lors du rassemblement.
La RAAR appelle, toutes celles et ceux qui veulent honorer la mémoire des victimes du nazisme et de tous les génocides et crimes contre l’humanité à participer à cette manifestation du mardi 7 juin.