Une manif en colimaçon

Bref récit d’une longue manif en serpentin dans le quartier Latin.

Après la manif de l’aprem, avec quelques camarades on a vent de plusieurs manifs sauvages en cours vers Bastille, et on est dans aucune, quelle frustration ! On décide donc de prendre l’apéro place de la Contrescarpe. Le trajet jusqu’au quartier latin se fait sous un bruit constant de sirènes de police en direction de Bastille. On sent bien un parfum de débordements dans l’air. Malheureusement à notre arrivée, la flicaille avait déjà réservé la place pour elle toute seule. Il faut dire qu’on s’en doutait, vu le nombre de camions de CRS qui stationnaient rue Monge.

De part et d’autre de la place dans la rue Mouffetard, nous voilà donc quelques dizaines, peut-être deux cents, Grosjean comme devant. On garde notre matos d’apéro (bières, chips, grenadine) pour plus tard. Vers 18h45-19h, on se décide alors à quelques dizaines de personnes, à partir sillonner le quartier. D’abord 50, on sera jusquà 150 (estimation toute personnelle) par moments. Je ne décrirai pas toutes les déambulations (reproduites sur la carte) jusqu’aux alentours de 21h, mais je me contenterai de certains moments.

D’abord il y a eu des moments comiques. Au début par exemple, on passe rue du Pot de Fer, où les bars sont remplis et la rue étroite. On se dit qu’on ferait mieux d’attendre les condés pour leur laisser une chance (il s’agissait quand même de les faire courir). C’est alors qu’on a pu assister à une scène surréaliste, où les keufs marchaient en bloc au milieu des client.e.s des bars. Certes, on a le rire facile.

Ce qui a pas mal plombé le cortège, c’est l’indécision. Que de fois n’a-t-on tergiversé aux carrefours pour décider où aller ! Il y avait donc beaucoup d’inertie à ces moments-là, ce qui a permis aux flics de nous rattraper facilement. Comme l’a dit un camarade à un croisement, on aurait bien eu besoin des spontanéistes. En même temps, ça nous a permis d’atteindre un objectif : tourner autour et dans le quartier Latin, sans s’en éloigner. Le fait de tourner a permis d’agréger des gens au fur et à mesure. Peut-être qu’au bout d’un moment on aurait dû partir vers un lieu (l’EHESS par exemple), mais ça ne s’est pas fait.

Rester dans le quartier Latin était très avantageux pour nous, car le dédale de ruelles permet de s’échapper. Spéciale dédicace au Passage des Postes qui a sauvé une bonne partie du cortège d’une nasse. Malheureusement, la solidarité a pêché à ce moment-là car une vingtaine de camarades sont resté.e.s salement gazé.e.s et nassé.e.s par les flics dans l’entrée d’un parking (au niveau du panier de basket sur la carte, avouez que c’est malin). Certaines de ces personnes ont été embarquées plus tard, alors que les autres ont été libérées car les flics étaient surmenés. Comme quoi la stratégie de la manif en serpentin a payé.

Il y a eu des moments jubilatoires, comme cette cavalcade le long du Jardin des Plantes : après avoir longuement hésité à parcourir la rue de peur d’une nasse, on a osé la prendre au pas de course.

Il y a aussi eu des moments plus tendus, comme ce CRS tout seul au milieu de la rue Mouffetard (point « flics » sur la carte), qui, alors qu’il se faisait copieusement insulter dans la joie et la bonne humeur, a pointé son arme sur des gens . Quelques instants plus tard, un autre CRS fera le même trajet tout seul sous les mêmes quolibets, mais restera de marbre. 2 salles 2 ambiances.
Il y a aussi eu une grosse salve de lacrymos, alors qu’on profitait d’une autoréduc bien méritée sur les pommes et clémentines au croisement de la rue de l’Estrapade et de la rue Clotilde (icône « explosion »). Je ne sais pas ce qu’il est advenu de toutes les personnes qui étaient là, car ça s’est dispersé dans toutes les rues alentours.

Finalement, ç’a été deux bonnes heures de déambulations, et ça faisait du bien de se promener ensemble. Mais je sais qu’il n’en a pas été de même pour tout le monde, qu’il y a eu des nasses, que des flics ont salement malmené des manifestant.e.s, que d’autres personnes ont eu la malchance de tomber sur des milices fascistes.
C’est donc amer que je suis parti du quartier, me demandant quelle stratégie de notre part aurait pu permettre de mieux nous défendre.

Un serpentin

Localisation : Paris 5e

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