La Voix des sans-papiers

Bulletin du mouvement et des collectifs de lutte autonomes, numéro 20 du vendredi 20 mai 2023.

Sommaire : pages 1-3, Saint-Just ; pages 4-5, Tyrannie en marche Peuple souverain Ubu roi président ; page 6, Domiciliation : Un enfer pour les enfants comme pour les travailleurs ; page 7, Loi immigration : Un fantôme menaçant ; page 8, Mali - Sauvons la FaléMé : La lutte continue, Tract et Collecte

Un peuple n’a qu’un ennemi dangereux,
c’est son gouvernement
(Saint-Just, 10 Octobre 1793)

L’Europe marche à grands pas vers sa révolution, et tous les efforts du despotisme ne l’arrêteront point. [...] La Révolution de France n’est point le coup d’un moment, elle a ses causes, sa suite et son terme. [...] Tant d’hommes ont parlé de cette révolution, et la plupart n’en ont rien dit. [...] Il y eut sans cesse en France, pendant cette révolution, deux partis obstinés, celui du peuple, qui, voulant combler de puissance ses législateurs, aimait les fers qu’il se donnait lui-même ; celui du prince, qui, se voulant élever au-dessus de tous, s’embarrassait moins de sa propre gloire que de sa fortune. Au milieu de ces intérêts, je me suis cherché moi-même ; membre du souverain [du peuple souverain], j’ai voulu savoir si j’étais libre, et si la législation méritait mon obéissance ; dans ce dessein, j’ai cherché le principe et l’harmonie de nos lois, et je ne dirai point, comme Montesquieu, que j’ai trouvé sans cesse de nouvelles raisons d’obéir, mais que j’en ai trouvé pour croire que je n’obéirais qu’à ma vertu. (...)

Tyrannie en marche, peuple souverain, Ubu roi président

« La tyrannie en marche », ainsi, le 12 septembre 2017, quatre mois après le début du nouveau mandat présidentiel de l’époque, avions-nous titré le numéro 16 de la Voix des sans-papiers.
Ce titre avait fait tordre le nez à plus d’un lecteur, certains l’avaient trouvé exagéré. Mais aujourd’hui c’est autre chose ; aujourd’hui, avec les déchaînements de violence, aux champs comme dans les villes, des bandes armées de l’État de police, ce choix d’antan n’a pas besoin, pour se justifier, d’aller chercher ses raisons chez les raisons d’un Aristote, d’un Machiavel, ou d’un Pascal. L’hubris du pouvoir politique, sa démesure monstre, la « violence de l’excès » (public) contre tout ce qui bouge et qui vit, bref, le déploiement envahissant de cette hubris du tyran, tout cela s’étale, purement et simplement, sous nos yeux : impardonnable aux yeux du monde et des millions et millions de personnes défilant dans les rues contre la tyrannie solidifiée, en acte. Aujourd’hui, des mots tels que « tyran », « tyrannie », et autres semblables, n’apparaissent plus exagérés à aucun de ces hommes et femmes indignés et révoltés. Ces mots viennent et reviennent sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, car ils correspondent à ce que pense à l’unanimité cette multitude innombrable en mouvement, la mort dans l’âme, après le dégoût et l’indignation. Après l’écœurement. Car il y a là comme un œil souverain haut perché, de maître, un souverain dédain du « bas » peuple. Il y a là ce à quoi ces masses d’humains flairent l’insomniaque oiseau de nuit et de proie ; ce à quoi des grévistes « surexcités » devinent (et s’ingénient à repousser à coups de « casserolades », charivari et huées à la mesure du personnage) le solitaire ubique dieu en herbe, incarnation et condensé des arrogances et provocations sans bornes, des crimes sans scrupules, sans remords, d’un Père Ubu guignol monstre, et menteur et volage, fait président de France, et insaisissable, immuable comme un petit grand dieu entouré de son petit Olympe de petits sous-dieux esclaves : pas un homme né d’une femme mais d’une frasque de dieu terrible honni et aimé. (...)

Domiciliation : un enfer pour les enfants comme pour les travailleurs
Pour scolariser les enfants :
Dans le primaire, à l’école maternelle, puis élémentaire, donc avant 11 ans, l’inscription dépend de la mairie et de son service des affaires scolaires. Souvent les fonctionnaires de base s’opposent à l’inscription des enfants à cause de la domiciliation alorsquec’est illégal. De même, les personnes qui sont hébergées par le samu social se voient refoulées car le 115 les fait changer souvent d’hôtel et donc de commune (26 fois en un an et demi, par exemple !). Pourtant, 5 textesprévoient lascolarisation obligatoire des enfants sans domicile fixe et qui ont une domiciliation : le Code des relations entre le public et l’administration, le Code de l’éducation, le Code de l’action sociale et des familles, ainsi qu’une note d’information de la Direction générale de la cohésion sociale de 2018 et un décret de 2020. (...)

Sauvons la faléMé (2) : la lutte continue

En dernière page de notre dernier numéro, nous avions informé nos lecteurs de la lutte engagée, des deux côtés de la rivière falémé qui marque la frontière entre le sénégal et le Mali, par un collectif de jeunes des deux pays. leur but était (est) de préserver ce qui reste de l’environnement naturel gravement mis à mal par l’exploitation industrielle de l’or : mines, depuis des décennies, exploitées au profit d’intérêts occidentaux (avant tout français) voraces et prédateurs ; mais, aujourd’hui, surtout industries chinoises de taille moyenne (mines à ciel ouvert, encore plus polluantes), et puis l’orpaillage dit traditionnel, mais pratiqué en fait avec des moyens mécaniques monstres (pelleteuses et dragues), si importants, si nombreux, et des installations mobiles si énormes, qu’il est impossible de ne pas le dire industriel lui aussi, ce prétendu orpaillage « artisanal », exercé, de plus, par des bandes organisées (armées) d’autres Chinois, ou d’africains venus d’ailleurs, notamment des Mossi du Burkina fasso. Fin 2022 et début 2023, côté malien, en voyant qu’on n’arrivait à obtenir des autorités locales que silence, ou bien menaces et arrestations et procès, les jeunes maliens se sont organisés en cortèges (plus de 200 personnes en moyenne) et se sont mis à parcourir les villages environnants dans un effort de sensibilisation de la population. (...)

Voix des sans-papiers numéro 20 - mai 2023

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