Puisque le savoir est une arme, à chaque fois que nous témoignons autour de nous de ce que nous avons subi et de ce que nous subissons, nous nous armons mieux et faisons un pas de plus vers d’avantage de liberté, d’égalité et de solidarité. En effet, en nous confiant sur les traumatismes qui nous ont traversé et qui nous traversent, nous les extériorisons et ainsi nous nous en soignons. Car en répartissant collectivement les peines qu’ils nous causent, celles-ci réduisent en intensité pour celleux qui les subissent directement. Illes sont alors moins désorientée.s par la douleur et peuvent par conséquent mieux se sentir donc mieux savoir ce dont illes ont besoin pour se réparer des traumatismes subis. De plus, la connaissance collective de ces douleurs empuissante l’entraide en accentuant la justesse de notre empathie.
Depuis plusieurs années je milite pour notre émancipation ainsi que pour la santé de la planète et de nous toute.s (bactéries, végétaux et animaux) qui l’habitons. Et ce de multiples façons dont certaines sont plus réprimées que d’autres par l’État, ce système autoritaire au service de celleux qui sont riches de privilèges, les dominante.s. Malgré beaucoup de précautions et de solidarités j’ai subi des violences de la part de proviseure.s d’établissements scolaires, de policière.s et de gendarmes : intimidations, convocations, menaces, contrôles, insultes, gaz lacrymogène, matraques, grenades... J’ai subi des blessures physiques passagères, un acouphène causé par une grenade a failli être une séquelle physique mais il a finalement disparu. Le reste ne se voit pas mais les blessures sont quand même présentes, que ce soit mes poumons endommagés par le gaz lacrymogène ou ma psyché endommagée par les traumatismes.
Je n’avais pas encore été arrêté. Mais le 24 août 2019, au Mans, lors d’une manifestation de gilets jaunes pour un monde meilleur et pour dénoncer le meurtre policier récent de Steve Maia Caniço ainsi que lui faire hommage, j’ai été arrêté. Je filmais des policiers en train d’arrêter un individu en le tabassant, de frapper d’autres individue.s autour et de nous gazer alors que nous étions dans des escaliers, ce qui est particulièrement dangereux. Continuant à filmer les policiers après leurs violences, je leur ai dit « vous n’avez pas honte de frapper des innocente.s ? » et c’est là qu’ils m’ont arrêté : « *prénom* *nom* contre le mur ! On sait qui t’es ! Connard ! Alors tu l’ouvres plus ta grande gueule ! Regarde moi si t’as des couilles ! Ton téléphone j’vais le détruire, j’suis officier de police judiciaire et je connais la procureure, j’vais te défoncer ! » Clé de bras, visage écrasé contre le mur, menottes serrées (qui n’ont pas été enlevées quand j’ai été conduit au commissariat, alors que j’avais un sac à dos donc j’avais la tête proche de l’appui tête ce qui m’a mis en danger). 48h d’emprisonnement en garde à vue, soit le maximum, durant lesquelles les 3 policiers m’ayant arrêté m’ont intimidé, l’un d’eux m’a dit « t’façon tu vas prendre interdiction de manifester et des travaux d’intérêt général, comme ça tu vas arrêter de faire chier et vivre une vie normale », des policiers m’ont incité à balancer d’autres manifestante.s, m’ont incité à ne pas porter plainte contre eux, m’ont menti en disant que l’avocate commise d’office n’était pas disponible et lui ont aussi menti pour allonger ma garde à vue, m’ont refusé deux fois illégalement une douche, ma mère a été intimidée lorsqu’elle est venue prendre de mes nouvelles (« c’est très grave ce qu’a fait votre fils, il a frappé des policiers ! »), mon père a été insulté d’ivrogne lorsqu’il a appelé pour prendre de mes nouvelles, l’avocate commise d’office (choisie par la police) m’a ment
i en me disant qu’il était obligatoire de donner le code de déverrouillage du téléphone, que de toute façon ils réussiraient à le déverrouiller, et m’a incité à parler (alors qu’il vaut mieux ne pas le faire pour que rien ne soit retenu contre soi, ni contre d’autres que soi).
D’abord accusé d’ « outrage » (j’aurais dit « bande d’enculés »), de « rébellion » et de « groupement en vue de commettre des violences/dégradations », puis aussi (pour me charger d’avantage) de « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » et de « complicité de violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » (parce qu’au milieu de la vidéo un manifestant frappe un policier d’un coup de poing, l’ayant filmé ça m’en rendrait complice). Passage devant une vice-procureure de la Ripoublique qui demande une comparution immédiate ou la détention provisoire, puis devant un juge des libertés et de la détention qui choisit la « liberté » conditionnelle au vu de mon casier vierge. Jusqu’à mon procès le 6 décembre 2019, soit pendant plus de 3 mois, je suis obligé toutes les deux semaines de signer au commissariat et de me rendre à une enquête « sociale », et interdit de manifester en Sarthe, en Maine-et-Loire et à Paris, sous peine de détention provisoire.
Mon téléphone m’est rendu mais la vidéo que j’ai filmée y a été supprimée. N’ayant pas l’assurance que la vidéo m’innocentant soit visionnée au procès, je garde l’avocate commise d’office car elle a vu la vidéo en audition et pourra en témoigner. Même si je crains qu’elle ne plaide pas totalement mon innocence puisqu’elle a du mépris à l’égard des gilets jaunes. Pas d’accès au dossier avant le procès alors qu’une demande a été faite 1 mois et demi avant, donc pas de préparation possible de ma défense. Nous sommes plusieurs à être jugée.s ce jour mais je passe en premier donc l’avocate a à peine le temps de consulter le dossier avant, elle objecte quand même un vice de procédure concernant la « complicité de violence » mais la juge présidente lui répond que son objection n’est pas valable car il fallait la faire minimum 10 jours avant le procès (encore aurait-il fallu que le dossier nous soit fourni !). Pour le reste l’avocate commise d’office ne me défend pas sur tout, allant jusqu’à me faire des reproches, comme si les juges et l’avocat des flics ne me démolissaient pas assez en me posant des questions n’ayant rien à voir, en se moquant quand je dis lutter contre le langage oppressif (dont fait partie l’insulte « enculé ») à l’appui d’un dossier de preuves qui le démontrent... La vidéo est fournie au dossier mais n’est pas visionnée, je dis que c’est une obstruction à la manifestation de la vérité puisque mon avocate ne le dit pas, l’avocat des policiers se moque, les juges ignorent…
Un procès particulièrement politique alors que la salle est pleine, en plein mouvement de convergence de luttes émancipatrices contre la réforme des retraites et son monde dominateur. Les juges sont obligée.s de me relaxer pour « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » car le policier ayant porté plainte pour ça ne mentionne pas dans sa déposition que je l’ai violenté. Pour les autres chefs d’accusation illes me condamnent à 4 mois de prison avec sursis sur 5 ans, 70h de travaux d’intérêt général, obligation d’exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation, 2 ans d’interdiction de manifester en Sarthe, 2 ans d’interdiction de porter ou détenir une arme (pour me criminaliser), 150€ de dédommagement pour chacun des 3 flics m’ayant arrêté, 450€ pour leur avocat, 127€ de frais de procédure, confiscation maintenue de la vidéo. Des journalistes du Ouest-France et du Maine Libre étaient présente.s, leurs articles reprennent la version policière-judiciaire. Le journaliste du Maine Libre cite mon prénom et mon âge, je lui demande par mail de les enlever pour respecter mon anonymat ce qu’il refuse en écrivant que « la justice est rendue »au nom du peuple français« » et que « les audiences sont publiques »...
Je fais appel du jugement dans le délai pressant de 10 jours, sans l’avocate commise d’office que je ne veux plus solliciter, la greffière me demande sur quoi, je réponds sur tout, elle me conseille alors de ne pas faire appel sur la « relaxe de violence », ce que j’apprécie donc je la remercie et signe le document, confiant. Mais face au système dominateur il est nécessaire d’être méfiant.e en toutes circonstances, j’apprends plus tard qu’elle n’a fait appel que sur le pénal (prison, travaux d’intérêt général, interdictions) et pas sur le civil (dédommagement flics, payer leur avocat) donc je pourrais être relaxé de tout et avoir quand même à payer les flics et leur avocat, c’est fantastique... je suis alors allé la voir pour en parler et que ça ne se reproduise pas, elle m’a assuré que c’est ce que je lui avais demandé, bah oui c’est logique je revendique ma totale innocence mais je veux quand même donner de l’argent aux flics qui m’ont violenté et à l’avocat qui a voulu m’humilier !
Procès en appel le 26 janvier 2021 à Angers (pas de cour d’appel en Sarthe), à part deux membres de ma famille proche la salle est vide car d’autres individue.s venue.s en soutien sont interdite.s d’y entrer et les journalistes sont absente.s. Mais j’ai changé d’avocate sur les conseils du Réseau d’Autodéfense Juridique collective (RAJCOL), j’ai confiance en elle et elle est mieux puisqu’elle ne plaide que mon innocence, nous avons eu le temps de consulter le dossier donc de préparer ma défense, je présente de multiples attestations familiales et associatives de bonne conduite et de bénévolat solidaire, la vidéo m’innocentant est visionnée, il n’y a pas l’avocat des flics (à cause de la greffière), les juges ne sont pas agressive.fs, à la sortie l’avocate pense que la relaxe totale est probable même si elle n’écarte pas le risque d’un procès particulièrement politique car le procureur de la Ripoublique a demandé machinalement aux juges les mêmes peines que le premier jugement (la stratégie de l’État visant à nous dissuader de faire appel).
25 mai 2021 délibéré confirmant le procès particulièrement politique, je suis condamné à 6 mois de prison avec sursis sur 5 ans, 2 ans d’interdiction de manifester en Sarthe, 2 ans d’interdiction de porter ou détenir une arme (pour me criminaliser), 169€ de frais de procédure, confiscation maintenue de la vidéo. Vidéo qui prend fin lorsque je suis arrêté contre le mur et qui constitue pourtant une preuve matérielle valant plus que la parole assermentée des flics. Vidéo qui démontre que leurs déclarations sont mensongères et que les miennes sont vraies, je ne les insulte pas, je ne résiste pas à mon arrestation, mais les juges l’ayant vue me condamnent quand même pour « outrage » et « rébellion ». Illes me condamnent aussi pour « groupement en vue de commettre des violences/dégradations », alors que je n’ai commis ni violence ni dégradation, à un moment j’ai même ramassé une bouteille en verre pour la mettre à la poubelle, ce qui a été filmé par les innombrables caméras de surveillance mais les policiers ont évidemment écrit que l’exploitation de la vidéo-surveillance n’apportait rien au dossier et les juges les ont évidemment cru sur parole. Illes me condamnent aussi pour « complicité de violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » parce qu’au milieu de la vidéo que j’ai filmée un manifestant frappe un policier, ce qui est quasiment une première comme condamnation de militant.e puisqu’à la connaissance de nombreux collectifs anti-répression il n’y a qu’un seul autre militant qui a été condamné pour ce chef d’accusation en 2020, l’État ajoutant une arme à sa répression judiciaire en utilisant une loi de 2004 contre la vidéo-agression. Il ne sert à rien d’aller en cassation car ça ne concerne que les vices de procédure et celui sur la « complicité de violence » ne peut pas être pris en compte puisqu’il a été dénoncé tardivement au premier procès…
Les policiers, et l’État derrière eux, s’en sortent officiellement victimes et victorieux, et moi comme coupable et défait. En marche sur la tête, c’est douloureux et de plus en plus, jusqu’à quand le supporterons-nous ? Quand désobéirons-nous massivement à ce système dominateur ? En comptant le contrôle judiciaire jusqu’au premier procès, je subis plus de 2 ans et 3 mois d’interdiction de manifester en Sarthe, 1069€ de frais d’injustice, ce à quoi s’ajoutent 468€ de frais de déplacement de mon avocate notamment à cause du centralisme étatique. Police partout, justice nulle part, telle est la dictature, tel est l’autoritarisme, que son caractère totalitaire soit exacerbé ou pas. Un palais est synonyme d’injustice et les tribunaux sont appelés des palais, ce qui est révélateur de leur injustice. C’est donc dans un palais d’injustice que des rouages du système de domination, fonctions appelées « juges », m’ont condamné après avoir vu une vidéo qui m’innocente, rouleau-compressant ma vie. C’est pas nouveau, tout le système de domination est rouleau-compressant, alors c’est pas étonnant, encore moins quand le procès est celui d’un.e militant.e pour l’émancipation ou/et la santé planétaire. Ça n’en est pas moins douloureux. Gilet jaune, ni employeur ni employé, anarchiste communiste. Je ne suis pas le premier mais je vais faire au mieux pour être le dernier ou du moins l’un des dernière.s. Même si en réalité nous sommes toute.s impactée.s à chaque fois que l’un.e d’entre nous est réprimé.e, car lorsque les dominante.s font d’un.e individu.e dominé.e un exemple, illes répriment toute.s les autres dominée.s à travers ellui.
Le terrorisme d’État réprime pour contenir la subversion dans l’immédiat, mais aussi et surtout pour provoquer à long terme l’auto-censure des diverses manifestations de notre soif de liberté, d’égalité, de solidarité et de justice. Les individue.s constituant l’autoritarisme violentent par la punition tout.e dominé.e qui déborde d’amour des rangs qu’illes nous dictent de suivre à mort. Pour préserver et amplifier leurs privilèges, illes s’échinent à essayer de tuer toute étincelle d’amour émancipateur émergeant d’un.e individu.e dominé.e, pour ne pas qu’une telle étincelle ne se propage, ni ne devienne flamme. Mais l’individu.e dominé.e, ayant goûté à la liberté de déborder d’amour, ne peut plus que s’émanciper à vie. C’est pour quoi je continue à militer pour notre émancipation et la santé planétaire. Je manifeste toujours mon amour, les plus de 2 ans et 3 mois d’interdiction de le faire dans la rue en Sarthe n’empêche pas les autres manières de me manifester, les dominante.s ne pouvant pas taire l’amour que je me porte et que je porte à autrui. Nous disons souvent que l’espoir fait vivre et la source de l’espoir c’est l’amour, qui fait espérer le meilleur pour qui il est porté, donc en réalité c’est l’amour qui fait vivre. Et même rouleau-compressé, l’amour subsiste ; les dominante.s pourront toujours s’échiner à aplatir l’amour de chaque dominé.e, ces amours dominés ne courbent jamais réellement l’échine et se relèvent pour se reconnecter entre eux, s’évertuant à briser les frontières qui tentent de les isoler.
Je suis conscient des risques que j’encours à militer pour ces causes salvatrices, et loin de moi l’envie d’être un martyr (« un mal pour un bien » -> faux) alors je fais de mon mieux pour les éviter. Mais ces risques ne m’arrêtent pas pour autant car je suis aussi conscient des risques que nous encourons à ne pas militer pour ces causes salvatrices : autoritarisme de plus en plus totalitaire, aggravation de l’exploitation et de la pollution de notre environnement et de nos vies, croissance de la misère et des oppressions, conséquences climatiques dévastatrices. Nous n’imaginons pas à quel point le chaos que nous vivons serait plus horrible si nous ne luttions pas déjà pour notre émancipation et notre santé en faisant preuve d’entraide, de désobéissance, d’auto-organisation, de résistance, de créativité, d’autonomie, d’opposition et d’entrave au système de domination. À quel point la planète et nous, ses habitante.s, serions d’autant plus chaotiquement dominée.s, exploitée.s, tuée.s. Bravo à nous !
Je suis aussi conscient du fait que la lutte pour ces causes salvatrices transforme ! Que cette lutte émancipe du conditionnement subi, que lutter ainsi c’est s’en libérer. Qu’en agissant, que ce soit par la discussion, l’organisation, la solidarité, l’action physique, etc, se crée en nous une prise de conscience de la possibilité de dépasser les frontières que les dominante.s imposent à nos existences, de là un sentiment de puissances individuelle et collective se développe et le monde des possibles s’ouvre en grand.
Je suis aussi conscient de la puissante joie que je trouve en militant pour notre émancipation et la santé planétaire, en partageant émotions, pensées, savoirs et actions avec des inconnue.s qui deviennent des connaissances et des amie.s. Quelles puissances cette généreuse solidarité et ce sentiment de faire famille vivante, même si elle n’est pas complète. Je suis aussi conscient du puissant espoir que je gagne en réalisant que je ne suis pas seul lorsque nous nous serrons les coudes. De la puissante dignité que je gagne à chaque fois que nous désobéissons pour ne pas que les dominante.s nous marchent dessus et à chaque fois que nous gueulons lorsqu’illes nous marchent dessus. De la puissante joie qui me traverse lorsque je me sens humblement utile à mon émancipation et ma santé ainsi qu’à celles des autres. Tout autant qu’à me sentir humblement utile à la convivialité amoureuse qui nous lie et qui nous émeut(e). Puissantes joie et convivialité qui remplacent la tristesse/névrose et la solitude du sentiment d’impuissance que j’avais quasi-totalement et que j’ai de moins en moins.
De ces points de vue les victoires militantes pour ces causes salvatrices sont nombreuses ! Elles résident à la fois dans le fait que les actions pour ces causes émancipent celleux qui y participent. Et dans les graines que ces actions militantes représentent comme inventivité et apprentissage. Il y a donc des victoires individuelles et collectives : la critique se radicalise autant que son efficacité, les illusions sont démasquées, le langage devient moins oppressif, la solidarité s’enracine, la désobéissance et l’auto-organisation s’activent. Pourtant il y a une tendance majoritaire à considérer que les mouvements sociaux émancipateurs ne sont souvent que défaites : une réforme non-annulée ou une occupation expulsée ou une offensive n’obtenant pas ses objectifs. Car cette considération est réductrice, ne prenant en compte ni les victoires individuelles et collectives qui ont lieu durant ces mouvements, ni les victoires à long terme du fait de l’inspiration et de la réutilisation d’outils dont l’efficacité a été démontrée. Si je lutte contre telle bataille ET SON MONDE DOMINATEUR, c’est parce que de base je lutte pour notre émancipation et notre santé. La victoire de telle bataille n’est donc pas la seule possible, il y a plein d’autres victoires à gagner au cours de la lutte contre cette bataille car c’est aussi une lutte contre le système dominateur. Officiellement ce ne sont pas des victoires, à cause du mythe du grand soir et du bombardement médiatique, qui invisibilise nos victoires en détournant notre attention sur celles des dominante.s, pour asphyxier nos espoirs et nous immobiliser. Comment donc prendre conscience de nos victoires pour continuer à lutter pour ces causes salvatrices ? A l’inverse de ce que nous avons tendance à faire, il nous est nécessaire d’ignorer l’officiel mensonger et d’accorder de l’importance à nos vérités officieuses ! Et aussi de faire preuve d’humilité en considérant que notre lutte s’insc
rit dans le long terme de la guerre des classes que nous mènent les dominante.s. Nous remportons de nombreuses victoires plus ou moins importantes, certes pas autant que nous l’aimerions parce que nous sommes légitimement exigeante.s face aux horreurs et urgences que nous subissons, mais nos efforts portent des fruits. À nous de prendre le recul nécessaire pour être humbles avec nous-mêmes, pour reconnaître la pertinence et la puissance de ce que nous avons fait et de ce que nous faisons.
Bref : basta la vision simpliste et officielle de soit nous perdons soit nous gagnons, rien ne sera jamais ni parfait ni total. Nous sommes effectivement en train de perdre individuellement et collectivement sur de nombreux plans, rien de nouveau puisque nous sommes dominée.s, mais nous ferions mieux de conscientiser et clamer que nous sommes aussi victorieuses.eux sur plein d’autres plans ! Même si nous ne discernons pas toutes nos victoires ici et maintenant. La dictature de l’immédiateté et l’impatientisme légitime ont tendance à nuire à l’efficacité de nos militantismes en nous incitant à agir en réaction pour obtenir rapidement un résultat. Car lorsqu’il n’est pas rapide ou n’est pas décelé, nous avons tendance à ne pas privilégier ce qu’il est nécessaire de faire pour essayer de produire ce résultat, voire à ne plus le faire du tout. Or la lutte émancipatrice et sanitaire (dans un sens opposé à celui du passeport « sanitaire » !) s’inscrit dans un temps long et dans une réalité complexe, où la désobéissance individuelle d’ici et maintenant participe à produire une auto-gestion collective là-bas dans trois ans. Tout évolue, donc tout a de l’effet. L’humilité permet de mieux apprécier l’efficacité de nos efforts salvateurs, de mieux critiquer nos stratégies pour les améliorer et en changer, de mieux embrasser l’espoir que porte notre amour. L’humilité et l’indulgence avec nous-mêmes, que certaine.s appellent « bienveillance », sont des forces empathiques qui font radicalement évoluer les rapports de force en faveur de notre émancipation et de la santé planétaire.
Et puis l’important, ce n’est pas nos utopies, c’est nos luttes qui visent à nous en approcher. La lutte pour l’émancipation et la santé est permanente et insatiable, depuis toujours. Lutter en ce sens est en soi une victoire, et plus encore que ce que nous le pensons. C’est par des pas plus ou moins petits que nous avançons vers l’émancipation, l’anarchie, les communs et la diversité. Plus nous sommes à en faire et plus notre progression en ce sens est importante, car plein de peu font énormément ! À tout instant il y a l’opportunité de transformer le réel en mieux, de sourire à l’avenir en faisant du présent un meilleur passé au lieu d’un pire, en imaginant et en agissant pour concrétiser nos rêves individuels et collectifs, du mieux possible. De la plus petite échelle à la plus grande, chaque matin, midi, soir, nuit, avec l’humilité réaliste qui fait défaut au mythe du grand soir et qui permet que les soirs soient de plus en plus « grands ».
Tout cela me fait penser qu’il est particulièrement sain de militer pour ces causes salvatrices, chacun.e selon ses énergies, envies et manières. Lutter pour notre émancipation et notre santé c’est assurément en gagner ! Cellui qui participe au combat de ces causes salvatrices en partage directement les victoires individuelles et collectives ! Si j’écris tout ça en plus de mon témoignage de la répression étatique subie, c’est parce que j’en ai besoin pour me réparer de ces violences répressives traumatisantes. Je n’ai pas besoin que les agente.s étatiques m’ayant violenté soient spectaculairement condamnée.s pour avoir obéi à des ordres et à une doctrine répressive, mais qu’illes démissionnent et se repentissent en réparant les dommages qu’illes ont participé à causer. Je n’ai pas besoin de punir mais que nous partagions et acceptions nos vérités pour que nos confusions se dissipent et qu’ainsi nous agissions le plus justement, en réparant les torts causés et en nous transformant pour ne pas les reproduire. Je n’ai pas non plus besoin de solliciter l’État, ses institutions et ses agente.s, au contraire car je suis en rupture avec le système dominateur donc je les boycotte et m’y oppose. J’ai besoin de ne pas alimenter les causes de mes/nos souffrances. J’ai besoin de remplacer les tristes contraintes imposées par de joyeuses contraintes désirées. J’ai besoin que la légitimité de la colère des dominée.s et de ses expressions ne soit pas questionnée, mais qu’elle soit considérée et soutenue. Et surtout j’ai besoin que nous construisions et partagions ensemble cette culture conviviale de la solidarité, de la dignité, de l’émancipation, de l’autonomie et de la joie.
Je remercie toute.s celleux qui m’ont soutenu et me soutiennent, ainsi que le collectif anti-répression de la Sarthe et le Réseau d’Autodéfense Juridique collective pour leur aide particulière. Une constante pensée solidaire pour toute.s les réprimée.s de la planète, que j’encourage à témoigner elleux aussi de la répression subie et de la solidarité reçue, ou leurs proches pour les réprimée.s morte.s ou ne pouvant pas témoigner, de n’importe quelle manière. Exprimons-nous, soutenons-nous, (é)levons-nous ! La solidarité et le savoir de nos vérités sont nos meilleures armes. Aimons-nous, croyons en nous, agissons seule.s et ensemble, de sorte de détruire chaque jour un peu plus ce qui nous tue et de construire chaque jour un peu plus ce qui nous fait vivre. Nous sommes le vivant qui se défend et qui attaque ce qui lui nuit ! Chacun.e d’entre nous est plus puissant.e que ce les dominante.s nous conditionnent à croire, et ensemble nous sommes surpuissante.s ! Ne nous laissons plus marcher sur les rêves, ce sont nos boussoles, nos réalités à venir ! Alors ne les abandonnons pas et ne les étriquons pas pour qu’ils rentrent dans de funestes urnes. Désobéissons à la misère du dystopisme/cauchemardisme qui va de moins pire en moins pire, embrassons l’utopisme et suivons nos rêves pour aller de mieux en mieux ! Pour ne plus subir le cauchemar que les dominante.s nous infligent, imaginons nos utopies et construisons-les ! Mort aux institutions policière-gendarmière, judiciaire et carcérale, vive la justice réparatrice et transformatrice ! Mort à la répression, vive la solidarité ! Mort à la domination, vive l’émancipation ! Mort au mépris, vive l’empathie !
Nous menant une guerre des classes, les dominante.s essaient de nous enterrer. Le mépris égarant leur lucidité, illes oublient que nous sommes des graines. Les Communes refleu-riront jusqu’à ce que les fleurs en devenir que nous sommes éclosent joyeusement partout dans la société humaine.