Sur l’évolution des pratiques de maintien de l’ordre dans les manifestations

Ces derniers mois, la question de la doctrine du maintien de l’ordre commence à interroger dans les médias. Il faut dire qu’avec la répétition régulière et importante de situations émeutières depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, le maintien de l’ordre a été particulièrement mis à l’épreuve. Ce texte essaie de revenir sur les transformations opérées ces dernières années dans la pratique du Maintien de l’ordre en France.

Ces derniers mois, la question de la doctrine du maintien de l’ordre commence à interroger dans les médias. Il faut dire qu’avec la répétition régulière et importante de situations émeutières depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, le maintien de l’ordre a été particulièrement mis à l’épreuve. Il faut dire aussi qu’il s’est montré plutôt inefficace, voire même — pour les observateurs de terrain — contre-productif. Et là, tout le monde semble s’étonner de voir que le modèle de maintien de l’ordre français ne fonctionne plus. Ce n’est pas un truc qui passionne grand monde, les doctrines de maintien de l’ordre… Parce que sinon, il y avait un certain nombre d’éléments qui permettaient de le voir venir.
Certains commentateurs, parmi les plus perspicaces, ont noté que la transformation des formes de la mobilisation n’y était pas pour rien. Si on peut objecter que le sous-entendu derrière cette phrase qui voudrait que les manifestations soient de plus en plus violentes est faux, en plus, en disant ça, on ne dit rien. Parce qu’en parallèle, la police, ils n’étaient pas dans un caisson d’hibernation, et la doctrine du maintien de l’ordre elle aussi elle a évolué. Et, comme on va le voir, c’est sûrement là que ça a déconné.

Jusqu’au début des années 2000 on avait un modèle de maintien de l’ordre qui avait été pensé comme un tout, il alliait prévention (en discutant en amont avec les organisateurs et en ayant des relais sur le terrain parmi eux) et une politique de gestion de la foule (qui consistait essentiellement à laisser faire dans un périmètre choisi par la police en séparant « le bon grain de l’ivraie », main dans la main avec les organisateurs). Pour ça il se basait sur des unités spécialisées, les CRS/GM [1] et sur les agents de la préfecture (ceux en civil qui sont franchement reconnaissables et que les gens prennent à tort pour des RG). L’idée c’était d’éviter au maximum que les situations problématiques arrivent, et quand elles finissaient par se produire, de réduire au maximum le risque que quelqu’un (dans un camp ou l’autre – voire neutre) finisse sur le carreau. La foule devait être canalisée au maximum tout en évitant les points de contact entre elle et les forces de l’ordre, pour diminuer au maximum les points de tension. Quand des violences éclataient, la police avait deux méthodes principales : soit elle essayait de les circonscrire dans l’espace le plus petit possible et à l’endroit où elles risquaient de faire le moins de dégâts soit au contraire elle essayait de faire éclater les groupes qui s’opposaient à elle en de plus petites entités, et ce jusqu’à ce que le calme revienne. On peut dire qu’il s’agissait d’une certaine manière, comme avec un feu de forêt, de laisser la violence se produire en la canalisant. Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que le maintien de l’ordre de l’époque aurait été fait en douceur, le souvenir de M. Oussekine ou de V. Michalon devrait suffire à disperser ce malentendu. L’État, ce monstre froid, fait à ce moment le choix d’une violence rationalisée. L’idée c’est aussi d’accompagner la tendance à la baisse de la conflictualité violente dans le paysage politique qui s’opère à partir de la fin des années 1970. C’était un choix politique d’avoir une gestion technique de la question.

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Notes

[1et sur des unités de police nationale dédiées, les compagnies de district ou compagnies d’intervention en renfort

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