La justice en boucle pour enfermer... Retour sur le procès d’une révolte.
Vendredi 5 mars 2021 avait lieu au tribunal de Meaux le procès des personnes inculpées pour la révolte du CRA du Mesnil-Amelot. On y était présent.es, pour soutenir les révoltés et les luttes des prisonnier.es en général !
On a déjà beaucoup parlé de la révolte qui a eu lieu en janvier. Pour un rappel des faits, n’hésitez pas à lire cet article.
Depuis, l’Assemblée contre les CRA Paris-IDF a organisé, en soutien, une réunion publique, une cantine et un rassemblement devant le tribunal le 5 mars. Le but : que soient visibilisés au maximum la révolte et les conditions d’enfermement dégueulasses, ainsi que la criminalisation du refus des tests PCR et le doublement des 90 jours de rétention.
Devant le tribunal on était une quarantaine de personnes venues pour soutenir les inculpés. On n’a pas pu rentrer, les jauges Covid étant un bon prétexte pour supprimer la publicité des audiences ; la bonne dizaine de policiers présents devant les portes nous ont donc repoussé.es. En revanche, le fait que les inculpés soient collés les uns aux autres dans le box n’était pas un problème apparemment !
On s’est installé.e à quelques mètres, tentant à un moment de faire entendre nos voix, mais peine perdue, la salle d’audience étant trop éloignée de l’entrée du tribunal. On est resté.e quand même et jusqu’au couvre-feu !
Durant l’après-midi, on a improvisé une petite manif dans le centre-ville de Meaux, distribuant tracts et chantant des slogans de solidarité, afin d’informer la population de ce qu’il se passait dans le tribunal de la ville au moment-même. Un groupe d’ados près d’un arrêt de bus s’est mis à chanter avec nous le slogan de solidarité avec les inculpés ! Devant la Poste, on a rappelé que cette dernière avait collaboré (encore aujourd’hui) à la dénonciation des personnes sans-papiers.
Entre temps, à l’intérieur, le procès commençait. Une défense collective avait été élaborée. L’idée était la suivante : ne jamais parler des faits, ne pas rentrer dans le jeu de la justice qui essaie de rendre coupable ; ne pas se balancer les uns les autres, mais plutôt démontrer que les seuls responsables sont justement l’État et le système judiciaire, par un enfermement sans cesse prolongé, dans des conditions humiliantes et éprouvantes. Si les flics avaient bien réussi leur petit jeu en montant les retenus les uns contre les autres lors des gardes à vue, au procès, les inculpés ont fait preuve d’une solidarité belle à voir, en refusant de répondre aux questions de la procureure et des juges.
Plusieurs nullités ont été plaidées, notamment une remettant en cause l’heure à laquelle les inculpés ont été placés en garde à vue. En effet, leur GAV a commencé à 16h45, alors qu’ils étaient privés de liberté de mouvement depuis 5 heures déjà. Comme les autres, cette nullité a été "jointe au fond" puis rejetée. Dans le cas contraire, elle aurait permis de faire annuler toutes les auditions de garde à vue...
Sur le fond, les plaidoiries ont notamment porté sur les conditions de rétention, basées sur des témoignages de prisonnièr.es, ce qui a fait réagir le président qui ne voulait pas d’une "tribune politique" ! Un ancien retenu, un journaliste de L’Humanité (qui avait dernièrement été en visite en CRA auprès d’une sénatrice) et le juriste Serge Slama ont témoigné des conditions de rétention, de l’allongement de la période maximale d’enfermement, de la problématique du refus de tests PCR, qui est puni par des peines de prison ferme ou permet de ré-enfermer les personnes en CRA pour 90 jours. En réalité et contrairement à ce que veut faire croire le juge, tout ça est très politique !
Rappelons que le juge du tribunal de Meaux ce jour là , Mr Guillaume Servan, est un ancien Juge des libertés et de la détention du Mesnil-Amelot. Dans les centres de rétention, le JLD ne sert à rien d’autre qu’à valider la demande de la préfecture de prolonger les prisonnier.es en rétention, en vue de réussir à les expulser ! On peut donc imaginer à quel point cette personne était insensible aux récits des témoins... Ce même juge a condamné un certain nombre de retenu-e-s du CRA du Mesnil-Amelot à des interdictions judiciaires du territoire français pour des refus de test PCR. Par ailleurs, la procureur Carmelita Dijoux, présente lors de l’audience, était précisément celle qui avait fait passer en Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) deux des prévenus la veille de l’incendie du CRA. Ces deux retenus ont été condamnés à deux ans d’interdiction du territoire français ce qui renvoyait les personnes en rétention pour 90 jours ! C’est contre cela-même que les personnes se sont révoltées !
Au bout de 12 heures d’audience et d’un très court délibéré, les inculpés ont donc tous été jugés "coupables" de "rébellion commise en réunion" et pour quatre d’entre eux de l’incendie du CRA. Ils ont été condamnés à des peines de prison ferme, allant de quatre à seize mois, à l’exception d’une personne qui était sous contrôle judiciaire et qui a pris douze mois avec sursis. Comme toujours, la justice raciste a bien fait son travail pour maintenir l’ordre existant. Le juge a conclu en disant que, quelles que soient les conditions de rétention, "l’incendie de bâtiment public est absolument inacceptable. Si on tolère ça il n’y a plus de limite, après on peut mettre le feu à l’Arc de Triomphe".
Plusieurs personnes inculpées ont réagi avec colère à l’annonce de leur condamnation, sous le sourire de la proc’. En s’apprêtant à passer la porte pour sortir du box vers le dépôt, un des prévenus s’est fait taper par un flic qui l’a pris à la gorge et plaqué contre le mur. Les avocates se sont mises à crier. Le président, les deux autres juges, la proc et la greffière n’ont « rien vu ».
Au final, une seule personne a fait appel de la décision, la justice s’étant arrangée pour suffisamment différencier les peines et ainsi faire en sorte qu’un appel collectif soit risqué pour plusieurs d’entre eux.
Kalimero, caisse de solidarité avec les prisonnièr.es de la guerre sociale, a commencé à leur envoyer des mandats . Sachant qu’une "caisse de solidarité a besoin de continuité", il est possible de leur faire un don pour participer à payer ces mandats, soit en passant à l’assemblée contre les CRA, soit à la réunion mensuelle de Kalimero, ou encore en leur écrivant directement à kalimeroparis(at)riseup.net.
Solidarité avec les prisonnier.es des CRA et des prisons !