Soutien aux palestinien-ne-s : un retour sur les mobilisations du week-end

Une tentative de bilan collectif des mobilisations de ce week-end en soutien au peuple palestinien, depuis le rassemblement de vendredi, jusqu’à la manif de dimanche.

Acte I

Dès vendredi à 16 heures, le premier rassemblement du week-end était appelé devant le ministère des Affaires étrangères par le Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Plusieurs prises de paroles ont rappelé l’actualité des derniers jours, les 120 palestiniens tués par Israël. Ils ont aussi résumé la rencontre d’une délégation au ministère des affaires étrangères, qui n’a bien entendu débouché sur rien. Quelques slogans sont scandés comme « Israël assassin, la Palestine vaincra ! » On est entre 150 et 300. 17 heures, fin de la manif (oui c’était court pour les orgas qui sur pression des CRS lancent un appel à se disperser), mais plusieurs personnes refusent et descendent sur la chaussée : réaction immédiate des CRS qui nous encerclent, des orgas aussi qui réitèrent leur appel à se disperser immédiatement et à descendre dans le métro et s’en vont aussi sec... S’en suit un face-à-face entre les gens restés sur la place et les CRS, un brin tendu. Un drapeau israélien est brûlé par un petit groupe qui se filme, plusieurs personnes interviennent en leur disant que ça ne sert pas le mouvement, que c’est des conneries, qu’il ne restera que ça de ce rassemblement s’ils continuent. Les CRS s’avancent pour éteindre le feu mais sont rappelés à l’ordre par le chef et se retirent avant qu’une véritable confrontation n’ait lieu. La situation stagne une bonne demi-heure, les CRS en profitent pour bien filmer tous ceux qui restent, et après discussion entre des militants plus modérés restés sur la place et les plus chauds prêts à aller à l’affrontement, les derniers manifestants se dispersent vers 18h plutôt calmement.

Acte II

Samedi, 200 à 300 personnes répondent à l’appel initialement lancé par des organisations de gauche arabes à 18h à Belleville. Il n’y a pas beaucoup d’animation, un groupe important se dirige alors vers Couronnes où est prévu plus tard un autre rassemblement. Ils scandent « Israël assassin ! Hollande complice ! » et « Nous sommes tous des palestiniens ! ». Les gens font des allers-retours entre Belleville et Couronnes où ils sont bloqués par la police, ils passent ainsi devant la synagogue Or-Hahaim, située 120 boulevard de Belleville. A 19h, une partie du groupe s’attroupe devant. De nombreuses personnes décident alors de quitter le rassemblement, une grosse moitié reste en retrait sur le terre-plein ou vers le carrefour de Belleville. Le groupe qui s’est arrêté est galvanisé par 5 ou 6 personnes plus virulentes, tandis que d’autres camarades essaient de les raisonner. Le groupe finit par se disperser. Plus tard à Couronnes, à 21h30, un Iftar (repas de rupture de jeûne de ramadan) se déroule dans une atmosphère bien plus conviviale et apaisée. Les discours sont plus clairs, on n’y entend pas de remarques racistes. De fait, même si tout le monde se rejoint sur l’intolérable des massacres, il y a des raisons diverses, parfois contradictoires, de soutenir la Palestine ou de critiquer Israël. Les libertaires ont souvent du mal à s’y repérer et à y trouver leur place. Par exemple, dans le contexte actuel de montée de l’islamophobie (mais aussi de développement de nouvelles formes d’antisémitisme, à la Soral) la critique de la religion est particulièrement délicate à faire entendre et à positionner. En outre, la question de l’État est complexe à démêler dans le conflit israélo-palestinien. Mais ces problèmes à affronter ne sauraient constituer une raison d’abandonner le terrain, et d’être muets sur les massacres en cours.

Acte III

Dimanche, plus de 15.000 personnes répondent à l’appel à Barbès, malgré la météo capricieuse. Le cortège est très dynamique, les slogans sonnent fort, comme « Israël casse-toi ! La Palestine n’est pas à toi ! » ou « Sionistes fascistes ! C’est vous les terroristes ! » . La voiture de tête est bientôt débordée. A République, la situation devient confuse. Une partie des gens s’arrête pour attendre. D’autres accélèrent le rythme. Le cortège est très déstructuré. Sur le côté droit du cortège, la LDJ (un groupe violent qui soutient l’extrême-droite israélienne) vient faire de la provocation. Un important groupe de manifestants se met à courir. Du coup, la partie la plus mobile du cortège arrive à Bastille bien avant 17h30, bien remontée. Des groupes partent tester les boulevards qui partent de la place. Tandis qu’on aperçoit une autre partie du cortège qui avance au loin depuis la République, 5 à 10 personnes cherchent à faire refluer le groupe à leur rencontre, puis à l’orienter vers le Marais. Il y a bien 200 personnes en avant, 300 qui suivent pour voir. Ce n’est pas grand chose comparé à la taille de la manif, mais ça fait déjà du monde. On entend gueuler « Tous à la rue des Rosiers ». Mais heureusement, ça ne suit pas assez, et il faut le dire aussi, le dispositif policier est suffisamment concentré sur le groupe véner pour le contenir (des camarades restés en arrière ont été étonnés de ne voir que peu de présence policière après République, si ce n’est de petits groupes qui couraient vers l’avant). Vers 17h50, un premier point de fixation se fait ainsi à l’angle de la rue du Pas-de-la-Mule où ça gaze pas mal. Le groupe de manifestants est très mobile, mais aussi très jeune et manipulable : ça sprinte au moindre tir, ou au moindre type qui gueule une direction. Rien n’est vraiment possible. Si les modes d’action plus directs peuvent sembler sympathiques, les mots d’ordre ne le sont pas du tout : ici les drapeaux noirs ne sont pas des amis. Bref, la fin du cortège arrivent à 18h30. Un immense drapeau palestinien est déroulé et hissé autour de la tour de la Bastille. Il y a différentes prises de parole. Pendant ce temps, une partie des manifestants se dirigent vers la rue de la Roquette où la LDJ a déposé un rassemblement (qui a été autorisé : on se demande qui fait de la provoc ici). Il y a quelques heurts, mais vraiment pas grand chose, à nouveau le dispositif policier est beaucoup trop important. A 19h, les CRS ferment la place. Le rideau tombe avec un goût un peu mitigé.

A suivre...

On se pose pas mal de questions sur la faible présence des libertaires dans les mobilisations (le dimanche une dizaine de camarades de l’AL et de la CNT, un peu plus de l’AFA, quelques têtes connues ici et là, mais globalement très peu). Départs en vacances ou perte de sens des priorités, les massacres en Palestine ne semblent plus mobiliser au sein de l’extrême-gauche française au sens large (pas de cortège du NPA, ni du PC, de Sud ou de la CGT). Ce faisant, on laisse aussi un espace à des forces antisémites qui étaient ultraminoritaires, comme le collectif Cheikh Yassine. Il y a pourtant un enjeu, ne serait-ce qu’à soutenir le travail interne au mouvement des camarades qui combattent l’assimilation sionisme=juifs. C’est aussi une responsabilité antifasciste que de cibler, isoler et sortir les fouteurs de merde qui cherchent à emmener les groupes véners vers des synagogues et autres mots d’ordre antisémites. Au-delà, le mouvement libertaire ne peut se contenter de regarder les massacres de loin sans prendre position. Il nous faut développer et porter notre propre discours, en lien avec les organisations palestiniennes les plus proches et les plus actives. Un autre rassemblement est appelé ce mercredi à 18h30 à Assemblée Nationale.

Note

Quant au traitement médiatique de ces mobilisations, focalisé sur le mythe d’une attaque de synagogue, voir par exemple la lettre de Michèle Sibony de l’UJFP : http://www.ujfp.org/spip.php?article3321&lang=fr ou la mise au point publiée sur le site de la Horde : http://lahorde.samizdat.net/2014/07/16/paris-provoc-de-la-ldj-a-la-manif-pro-palestinienne/

Mots-clefs : Palestine | manifestation
Localisation : Paris

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