Sans surprise, le rappel à l’ordre est tombé. Le 7 novembre dernier, le Comité des droits humains de l’ONU a rendu ses observations finales sur la France. Il se dit « gravement préoccupé par le nombre de décès résultant de l’utilisation des armes à feu par les forces de l’ordre lors des contrôles de la circulation routière ». Au passage, le Comité s’inquiète de ce que les violences policières, et notamment les homicides policiers, « toucheraient de façon disproportionnée les membres de certains groupes minoritaires, en particulier les personnes d’ascendance africaine ou d’origine arabe, les peuples autochtones et les migrants ».
En conséquence, le Comité estime que la France devrait « réexaminer et, le cas échéant, réviser le cadre juridique, les doctrines et les procédures opérationnelles régissant l’usage de la force par les agents des forces de l’ordre ». Le « permis de tuer » instauré par la loi Cazeneuve est au cœur des critiques onusiennes. En octobre dernier, au cours des échanges diplomatiques avec la France", José Manuel Santos Pais, l’un des experts de l’ONU, avait très clairement exposé le problème :
« Le nombre de morts a été multiplié par cinq après la loi de 2017, et la France est devenue depuis quelques années le pays de l’UE où on compte le plus grand nombre de personnes tuées ou blessées par des tirs réalisés par des agents des forces de police. Est-ce que l’État partie [la France] serait disponible pour réviser le cadre légal concernant l’usage des armes et amender l’article L435-1 du Code de la sécurité intérieure en limitant le recours aux armes à feu aux situations de légitime défense ? ».
Flou juridique persistant
Dans son rapport final, le Comité des droits humains s’appuie sur un texte international, auquel il demande à la France de se conformer. Ce texte, les « Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois » prévoit notamment que « les responsables de l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave ».
La notion d’« imminence » est en effet au cœur du débat, ainsi que l’avait rappelé José Manuel Santos Pais, fin octobre. Depuis la loi Cazeneuve de 2017, les policiers et gendarmes français sont maintenus dans le flou juridique. Ni la loi, ni les textes réglementaires qui servent de base à leur formation interne, ni même la jurisprudence ne leur donne la réponse à cette simple et essentielle question : « puis-je tirer sur un véhicule en fuite si je ne suis pas moi-même ou une tierce personne en danger » ?
L’ONU rappelle donc à la France que la réponse devrait être « non », et que des textes juridiques clairs devraient être écrits pour le rappeler aux policiers et gendarmes. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui proclame partout sous amour de « l’ordre », va-t-il en mettre un peu dans le fouillis juridique actuel ? Si l’on se souvient du silence total de la France face aux questions répétées de l’ONU, il y a peu de raisons d’espérer.