Retour sur une évasion, qu’est ce que la taule de Réau ?

Rédoine Faid et son évasion spectaculaire et particulièrement réussie n’a rien d’une exception. Il s’agit de la norme de la prison : tant qu’il y aura des taules, il y aura des évasions. Et, en attendant d’en finir avec la prison, c’est déjà ça !

Une évasion spectaculaire de l’aveu de tous : matons, juges, flics, journalistes, et même des détenus qui ont filmé l’hélicoptère posé dans la cour de la prison de Réau, à côté de Savigny le Temple.

L’évasion du dimanche 1er juillet n’est pas une première pour Rédoine Faïd : déjà dans les années 1990, il était en cavale ; puis, en 2013, emprisonné pour la mort d’une flic lors d’un braquage à Villiers-sur-Marne, il avait tenté la belle depuis la prison de Lille-Sequedin, à coup d’explosifs, et y était arrivé. 1 mois de cavale et hop, retour. Au total, il s’est quand même tapé 17 ans de taule et en avait encore pour au moins 20 de plus.
Une perspective qui ferait péter un câble à n’importe qui.

L’évasion n’est pas le propre de Rédoine Faïd : tous ceux qui peuvent le faire tentent de se faire la belle.
Elhadj Omar Top, Christophe Khider, Antonio Ferrara, Georges Courtois, Michel Vaujour pour les plus médiatisés.
Tous ceux qui le peuvent, car ce n’est pas donné à tout le monde : sans en arriver au point de chourer un hélico et de s’introduire en mode commando, ça demande souvent tout un tas de complicités extérieures, du fric et beaucoup de préparation.
Evidemment, ça nécessite surtout une équipe, ce que ne précise pas ou très peu la presse en ce moment, obnubilée par les « failles de sécurité » de Réau et autres drones survolant la prison.

Malgré tout ce qui a pu être dit pour faire passer la taule du Réau pour une passoire, il s’agit d’une taule relativement neuve. Inaugurée en 2011 par Sarkozy, elle est à la pointe du tout sécuritaire. Qui dit tout sécuritaire dit grosse dose d’inhumanité. Qui dit plus de sécurité dit plus de souffrance pour les enfermés et leur familles.

Réau, c’est 22 hectares, construits en partenariat public-privé avec Bouygues (ben ouais, ça aurait pu être Vinci aussi), et une capacité d’enfermememnt de 790 détenu-es : 20 places dans deux quartiers du centre de détention pour hommes ; 90 places dans un centre de détention pour femmes ; 28 places dans un quartier maison centrale (soit un quartier d’isolement pour les détenus qui sont considérés comme dangereux) ; 180 places dans une unité d’accueil et de transfert ; 50 places dans un centre national d’évaluation ; 30 places dans un quartier arrivants.
Tout est neuf, tout est blindé, tout est fouillé, tout est payant.

On peut lire deux excellents témoignages publiés sur l’Envolée en 2014.

Le premier « Quartier Maison Centrale de Réau = « QHS tombeau secret » »
montre bien que Réau est moins une prison centrale qu’un immense quartier d’isolement : fouilles à répétition et fouilles à nu, médecin incompétent, bouffe immangeable, prix prohibitifs des télés, frigos ou de la cantine (les petits à-côtés vitaux qu’achètent les détenus s’ielles ont du fric comme des légumes, de la viande, du gel douche...), cellules fermées constamment pour certain-es détenu-es, parloirs mal organisés et humiliants. D’où la conclusion de Philippe, détenu en Quartier Maison Centrale :

Ma haine est immense. Ils ont intérêt à m’y mettre à Lannemezan après tout ce que je subis en fermant ma gueule, car si ils m’y mettent pas, c’est cinq années de rage qui vont sortir et je leur déclenche une guerre totale.

Le second « Visite guidée au centre de détention pour hommes de Réau » met en perspective les conditions de travail dans l’enceinte de la prison : Thémis Facility Management, l’opérateur en charge du nettoyage de la taule, de son entretien, des unités de production, n’est autre qu’une boîte affiliée à ... Bouygues, le constructeur de la prison ! Les salaires des détenus évoluent entre 0.35 € de l’heure et 3.66 € de l’heure. Les infrastructures sont facturées un maximum et rénovées un minimum histoire de faire le plus de thunes possible pour Bouygues.

Le rapport du Contrôleur Général des lieux de privations de liberté allait exactement dans le même sens en 2014.

Tous les interlocuteurs [détenu-es et salarié-es : note de la modé] rencontrés ont exprimé des doutes sur le fait de vivre – mais aussi de travailler – à long terme dans ce type de structure qui s’apparente davantage à un quartier d’isolement qu’à une maison centrale. (p 50)

Les matons n’y résistent pas et se cassent dès que possible : prise d’otage d’un maton en 2016 par 3 détenus, grève des matons en début d’année à cause de la « menace djihadiste » mêlée aux détenus « ordinaires » et du sous-effectif (300 gardiens pour 790 détenus, à se demander s’ils veulent être un pour chaque ?).

Vu le tableau, qui date de 2014, on peut supposer que ça ne s’est guère arrangé 4 ans plus tard, et on ne peut que souhaiter que celleux qui s’en évadent n’y retournent pas ! et que celleux qui y sont enfermé-es s’organisent du mieux qu’ielles le peuvent !

Evadé-es, on vous préfère dehors que dedans ! Bonne chance !

Mots-clefs : anti-carcéral | prison
Localisation : Réau

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