La répétition des tirs à hauteur de visage écarte l’hypothèse de simples erreurs, d’accidents, qu’excuseraient l’imprécision de l’arme. Elle démontre une volonté collective de punir, de faire mal. Si le fait que des policiers aient à rendre compte de leurs agissements dans un tribunal est peu ordinaire, ce qui s’est passé le soir du 8 juillet n’a rien d’exceptionnel. Cela relève de la banale violence de la police, que connaissent bien toutes celles et ceux qui ont déjà eu à faire à elle »
Toute la journée des pancartes décorent l’entrée du tribunal, elles reprennent d’autres histoires de violences policières et des slogans : « fin du règne policier », « désarmons la police, désarmons l’économie », « gardien de la paix mon œil », etc.
Ce premier jour du procès, les débuts sont toutefois difficiles. Le juge expose les fait en repartant des premiers procès verbaux, compte-rendu et témoignages établis par les policiers (sans rien dire encore de l’enquête de l’IGS et des témoignages des voisins et des personnes présentes qui contredisent tout les propos des policiers).
D’emblée, comme dans d’autres procès autour des violences policières, les plaignants ont même dû rappeler qu’ils étaient présents en tant que victimes, et non comme accusés qui auraient à se justifier. Lapsus révélateurs, tant le juge que les policiers confondront d’ailleurs plusieurs fois les plaignants constitués partie civile avec la défense.
Au moment des questions sur l’impact de l’affaire sur leur « carrière », l’un dit « tout le monde a été atteint dans cette affaire. J’ai été atteint, je suis désarmé, j’ai dû quitter la BAC, alors que je voulais faire ça », il faudrait le plaindre.
Il a fallu subir, pour commencer, la reprise dans la bouche du juge de tout les mensonges policiers sur les pluies de projectiles, sur les gens qui seraient montés sur les grilles de la clinique, le témoignage des deux vigiles de la même clinique qui avec leurs chiens disent avoir eu peur pour leur vie. Le travail de toute la semaine va être de les démonter un par un, l’un après l’autre, de ne pas laisser les policiers en faire des vérités du simple fait de les répéter constamment. D’ailleurs, même dans ces répétitions ils ne cessent de se contredire. A la fin de la matinée, « la pluie de projectiles » évoquée devient ensuite « une seule canette » jetée sur la voiture (sans qu’elle ne cause de dégradations, évidemment). Dans l’après-midi, encore, les projectiles ne cesseront d’apparaître et disparaître, un policier dira qu’il n’y en avait pas, l’autre que oui, dans une de leurs déclarations du dossier ils diront n’en avoir jamais vu pour dire le contraire dans la suivante. Chaque policier se lance dans des explications farfelues pour se justifier, l’un dira par exemple que ce n’était pas comme en « mai 68 quand il y a des pluies et des pluies projectiles sur la police », là il n’y en aurait eu que parfois, un moment et plus du tout après, etc. Quand ils apparaissent, ce sont trois canettes de bières qui sont identifiées, « des armes » qui peuvent blesser aussi grièvement qu’un tir de flashball puisqu’on leur a expliqué que ce n’était qu’un bon coup de poing dans la gueule donnée par un bon boxeur. C’est ce qu’ils appellent la proportionnalité absolue.
L’axe des policiers c’est d’abord d’affirmer que les « manifestants » voulaient réinvestir la clinique et qu’ils ont donc du la protéger, alors qu’elle était murée et qu’à la seule entrée restant deux vigiles se tenaient avec leurs chiens, alors que comme le diront deux témoins c’était complètement absurde à ce moment là d’imaginer réinvestir les lieux sans s’en faire expulser violemment immédiatement. L’enjeu des « tirs de projectiles » c’est ensuite de démontrer un contexte de « violences urbaines » qui justifierait en soi les tirs de flashball et l’action des trois policiers.
Dans l’après-midi, consacrée au policier Patrice Le Gall qui a mutilé Joachim et atteint R. au front, la même ligne de défense revient : assumer complètement, continuer envers et contre tout de mentir, peu importe les contradictions, les énormités, ou les témoignages qui disent tout autre chose. Parfois, un des policiers contredit l’autre "Je n’ai pas reçu de jet de projectile et je n’ai pas vu de confrère en faire l’objet". Aucun des trois policiers mis en examen n’en perd pourtant son culot et surtout son arrogance, ils restent sur et certain de leur impunité, et de leur bon droit à tirer.
À un moment, Patrice Le Gall dit qu’il ne sait pas très bien sur qui il a tiré, il ne voit pas bien à travers la visière usée de son casque. Au procureur qui demande « Mais vous tirez dans ces conditions ? » il répond par l’affirmative. Il fallait tirer, même s’il n’y avait pas à ce moment là légitime défense, il tire, légitime défense « par anticipation de menace ». ils « assument tactiquement le choix de leurs tirs ». Chaque fois, dans les mots des policiers, le grotesque le dispute à l’obscène.
Ils disent : « Notre action de police a été efficace parce qu’il n’y a pas eu de blessés » (du côté des flics).
Les trois policiers s’accorderont de la même façon sur une chose, aucun n’a vu de blessés. Ils mentent là encore, en passant, disant même qu’ils n’auraient appris que le lendemain qu’il y avait des blessés alors que tout le commissariat l’apprend presque immédiatement. Tout les témoignages du voisinage, même ceux d’un habitant du 3e étage d’un immeuble voisin, disent voir les blessés, qu’il même impossible de ne pas les voir, et de ne pas même entendre de cris. Qu’est-ce qu’ils pourraient dire d’autre ? ils ne pensent jamais aux conséquences de leurs armes, ils sont là pour tirer, pour appliquer la loi, plus fortement, plus durement que les tribunaux ou que toute autre instance. Surtout, ils ont tiré puis ils ont poursuivi les personnes qui partaient déjà depuis un moment, ils ont pourchassé et tiré encore. Ils joueront peut-être là-dessus ensuite, eux ou leur avocat, en disant qu’on est pas certain de pouvoir identifier qui a tiré sur qui. Un des policiers laissent même entendre sa part de mensonge par omission, en évoquant « 4 tirs déclarés ce soir là » sous-entendant que d’autres tirs n’ont pas été noté dans les procès verbaux.
L’un des policiers dit que son but était de rétablir l’ordre, « je ne fait pas du maintien de l’ordre, je fais du rétablissement de l’ordre ». Il dit :« y avait du brouhaha, un bruit incroyable, des gens qui courraient dans tout les sens, fallait tirer pour rétablir l’ordre ». Des armes comme le flashball et le LBD40 sont faites pour faire peur, elles ont été créées pour répondre aux émeutes, c’est une force préventive, ce soir-là.
Tirer, ça ils savent faire et ils le font, ils tirent mais sans regarder vraiment où ni se préoccuper des conséquences. C’est ça tirer au flashball ou au LBD40, ou lancer une grenade de désencerclement sur la foule, c’est juste tirer pour faire mal, et en mutiler un ou plus pour faire peur à tout le monde. Un des plaignants le martèle, ce soir là « ils ont tiré pour nous défoncer. Il ne se passait rien, c’était calme, ils ont voulu nous défoncer ». « Pourquoi avoir tiré ? », demande le juge au 2e policier : « pour tenir notre position, protéger les collègues, et pour l’impact psychologique ». L’impact psychologique, c’est ce qui justifie tout les tirs.
Ils disent « 6 tirs, 6 blessés, c’est irréel, ça fait 100 % de réussite » (donc cela serait impossible vu l’imprécision de l’arme).
Il y a d’ailleurs tout un moment dans l’après-midi où ils exposent leur idée de ce qu’est un tir de barrage, ce tir pour arrêter la foule, faire mal, bloquer. « Le tir de barrage est une technique de tirs massifs d’une à plusieurs armes à feu et ce, sur un rythme continu » dit Le Gall. Tout ce qu’ils disent, ce serait comique si ce n’était pas triste que des fous furieux se baladent ainsi en ville. Il affirme avoir tiré sans savoir sur qui, sur un individu au hasard, et puis de toutes façons « je vise un groupe, donc la différence de taille entre 2 individus peut nous amener à avoir des soucis au niveau des blessures. » Les blessures de toutes façons il s’en fout, ça ne fait pas même partie de ces préoccupations. Les trois policiers l’affirment « notre opération de police ce soir là a été efficace. Si c’était à refaire, je le referais ».
Les policiers restent droits dans leurs bottes, ils assument ce qu’ils ont fait, une simple opération de police. Ils le pensent tellement qu’ils vont jusqu’à dire qu’ils auraient voulu voir le blessé, car il y aurait donc eu un magistrat, quelque chose, et là ils auraient peut-être pas mis en examen. « Et vous auriez accusé Joachim d’outrages et rebellions, c’est ça ? » dit un des plaignants. C’est tout ce que regrettent les policiers, avoir été mis en examen. Dans un tribunal comme dans leurs manifs, ils se plaignent de ne pas avoir encore une impunité totale en fait et en droit. Espérons que les autres jours du procès continuent d’attaquer cette impunité qu’ils pratiquent et affirment jusque dans les tribunaux !
Un court son passé sur France Info ici.
Décidément tous ces témoignages sont ACABlants pour les inculpés.